« On sait ce qu’est un pauvre. A l’inverse, c’est quoi, être un “riche” en France aujourd’hui ? »
Il flotte dans l’air un lourd parfum « antiriches », porté par une baisse de pouvoir d’achat catastrophique pour les plus modestes et un sentiment de déclassement social grandissant des classes moyennes. Du pavé des villes aux bancs de l’Assemblée nationale, les syndicats, les associations et les partis d’extrême droite et de gauche agitent de nouveau la figure honnie du « riche », bouc émissaire de la crise, exutoire par où s’épanche la colère. Jusqu’à des élus de la majorité présidentielle, qui ont voté il y a quelques jours une taxation des superdividendes. Au bout de la pique, la tête du PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a remplacé le chef du propriétaire de LVMH, Bernard Arnault, pourtant cent fois plus riche que lui.
Le cas des patrons du CAC 40 n’est pas anecdotique. Parfois exorbitantes, leurs rémunérations (salaire, stock-options, retraites chapeaux et parachutes dorés…) ont suivi la financiarisation de l’économie amorcée dans les années 1980, quand la hausse du cours de Bourse et le retour aux actionnaires ont pris une place tout aussi exorbitante. La munificence des multinationales a porté ces « packages » jusqu’à 300 fois le smic et 100 fois le salaire moyen dans certaines sociétés, alors que la dispersion des rémunérations n’allait que d’un à vingt dans les années 1970.
Cette richesse a ruisselé sur le sommet de l’encadrement, sans descendre très bas, et ces écarts ne font qu’attiser régulièrement les tensions au sein des entreprises. Il a fallu que le feu social menace pour que le gouvernement s’en avise. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, admet du bout des lèvres qu’il y a « un problème en France de partage de la valeur » et réclame des grands patrons une « “common decency” en matière de rémunération ». François Bayrou, président du MoDem, ne peut être en reste : « Le pays a besoin de signes de justice. »
Les ultrariches, figure repoussoir à usage politique
En quarante ans, le débat sur les riches a peu évolué. La formule du secrétaire général du Parti communiste français, Georges Marchais, qui jouait la surenchère face à François Mitterrand lors de la campagne présidentielle de 1981, est restée dans les mémoires : « Au-dessus de 4 millions [1,6 million d’euros actuels], je prends tout. » A la veille de la primaire socialiste chargée de désigner le candidat pour l’élection présidentielle de 2007, François Hollande lui faisait écho : « Je n’aime pas les riches, je n’aime pas les riches, j’en conviens. » Aucun débat serein n’a eu lieu, aucune distinction entre les rentiers de plus en plus nombreux et les entrepreneurs créateurs d’activités, d’emplois et de rentrées fiscales.
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