La mise au placard des seniors : un phénomène nocif qui touche deux cent mille actifs et coûte 10 milliards d’euros par an

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« On admet à titre confidentiel que ces situations existent, mais on les qualifie volontiers de pis-aller », soupire Franck Morel. Dans une note sur l’emploi des seniors publiée le 21 octobre par l’Institut Montaigne, un think thank d’inspiration libérale, cet avocat associé du cabinet Flichy Grangé Avocats, en outre ancien conseiller du premier ministre Edouard Philippe, revient sur un phénomène admis du bout des lèvres par les employeurs : la mise au placard de salariés, devenus inutiles au regard de l’entreprise.

A quoi reconnaît-on un « placardisé » ? A l’absence de sens et d’intérêt dans les tâches qui lui sont demandées, à sa mise à l’écart du collectif de travail, à la grande faiblesse de sa charge de travail et à l’absence de contact régulier avec la hiérarchie directe, décrit l’Institut Montaigne. La « placardisation » concernerait deux cent mille actifs, tous âges confondus, selon une autre enquête (à paraître) menée pour l’Institut Montaigne par l’institut de sondage Kantar.

Les « mises au placard » pèseraient au moins 10 milliards d’euros par an en coûts directs et indirects, selon l’Institut Montaigne. Le think thank a fait cette estimation à partir des dépenses salariales et d’assurance-maladie induites. Certes minoritaire sur l’effectif total, le phénomène « concerne plus les femmes et soulève des difficultés plus sérieuses pour les seniors ».

Une des explications est le célèbre principe de Peter, théorisé par Laurence J. Peter et Raymond Hull, selon lequel chaque employé tend à s’élever jusqu’à son niveau d’incompétence. « Pour une promotion, on se base sur les qualités du poste où vous êtes et pas où vous allez être », explique Franck Morel.

Au fil de leur carrière, les salariés se verraient mécaniquement affectés à des postes pour lesquels ils n’auraient pas les compétences nécessaires. Plus que le déclin des capacités physiques ou le décalage croissant vis-à-vis des évolutions de l’entreprise, ce serait d’abord ce phénomène qui conduirait les seniors à se voir, en bout de course, relégués au placard, avance M. Morel.

Contrairement aux idées reçues, cette situation toucherait aussi bien les administrations que les PME et les grands groupes. « A ma grande surprise, je pensais que c’était plus un sujet de cadres, reconnaît Franck Morel ; mais l’enquête Kantar nous montre que ces situations peuvent concerner tous les types d’emploi et tous les profils de salariés. » Le coût et « l’insécurité juridique » autour du licenciement d’un salarié senior, associés au risque en termes de réputation pour l’entreprise, inciteraient aussi les employeurs à privilégier le « placard ».

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