Philippe Alexandre, journaliste politique sans complaisance, est mort

Les yeux plissés, la voix rocailleuse, le débit lent, il a incarné, à travers ses chroniques radiophoniques et ses émissions de télévision, une certaine image du journaliste politique, cultivant son impertinence, voire son insolence, vis-à-vis d’hommes politiques avec lesquels il se flattait de ne jamais « copiner ». « Ni complaisant ni conventionnel », il s’était fait une réputation de flingueur. Philippe Alexandre est mort le 31 octobre au Touquet (Pas-de-Calais) à l’âge de 90 ans. « Avec Philippe Alexandre, a réagi Emmanuel Macron, la presse française perd une plume féroce, un enquêteur implacable, une voix libre. Redouté et admiré, il était pour beaucoup de Français l’un des visages les plus familiers du journalisme politique. »
Philippe Alexandre naît à Paris le 14 mars 1932 dans une famille d’origine juive dont il racontera l’histoire dans un livre Ma tribu plus que française (Robert Laffont, 2017). Après des études au lycée Janson-de-Sailly, une époque où, déjà passionné par la politique, il dévore quotidiennement les journaux, le bac en poche, celui qui se définit comme un « autodidacte du journalisme » entre à 19 ans comme pigiste à Combat. En 1957, Marcel Dassault l’engage comme secrétaire de rédaction à L’Oise libérée. « J’ai vu, confiera-t-il, comment on achetait un journal, une imprimerie, et un siège de sénateur. » De 1959 à 1969, il collabore à de nombreux journaux, de Jours de France au « Figaro littéraire ».
C’est un des ses premiers livres – il en publiera une vingtaine, dont neuf avec son épouse Béatrix de L’Aulnoit –, L’Elysée en péril (Fayard 1969, rééd. 2008), qui conduira Jean Farran, directeur de la station à lui ouvrir les portes de RTL. Du 27 avril 1969 au 6 novembre 1996, Philippe Alexandre livrera pendant vingt-sept ans plus de 8 000 éditoriaux politiques matinaux de deux minutes trente. La dent dure, le stylo trempé dans l’acide, il n’épargne aucun politique. Polémiste, il met les pieds là où il ne faut pas, mettant en doute le suicide de Robert Boulin (1920-1979) – ce qui lui vaut un procès où il sera condamné –, épinglant le « milliardaire rouge », Jean-Baptiste Doumeng (1919-1987), accusé de n’avoir pas payé d’impôts. Il croise aussi le fer avec Jean-Marie Le Pen et reproche au gouvernement de ne pas avoir interdit le Front national : « On aurait eu trois semaines de protestations et on n’en aurait plus entendu parler. Mais, pour des raisons tactiques, le pouvoir a fait la courte échelle à Le Pen. » La légende veut qu’il ait eu autant de procès en diffamation que ses livres.
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