Une droite intellectuelle américaine en pleine mue illibérale

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Donald Trump hante la droite religieuse américaine. Sa probable candidature à la présidentielle de 2024 réjouit les auteurs qui s’emploient à appliquer un vernis de respectabilité sur la régression démocratique qu’il incarne. Marginale il y a encore peu, l’entreprise intellectuelle visant à renverser le libéralisme politique, le projet philosophique qui a défini l’Amérique, gagne en influence. Un contre-modèle est développé, avec l’objectif de restaurer les hiérarchies traditionnelles. Le scrutin de mi-mandat du 8 novembre est un nouveau test pour le populisme qui s’est emparé du Parti républicain. Si un bon nombre de candidats trumpistes l’emportent, les théoriciens de ce sombre monde verront leur démarche valider dans les urnes.

De brillants érudits, des professeurs de science politique et des journalistes citent désormais les grands noms de la philosophie pour justifier leur souhait de voir tomber ce qu’ils appellent « le régime ». L’époque est décrite en des termes apocalyptiques.

Dans ce contexte de radicalisation, un collectif d’intellectuels catholiques traditionalistes a su mieux que quiconque théoriser la colère qui s’est emparée des électeurs religieux. Certains de ces penseurs se revendiquent de l’intégralisme, une tendance qui cherche à soumettre l’ensemble de l’existence et des activités humaines à la vérité catholique. Ils ont ainsi développé une conception de l’Etat qui pourrait s’avérer fort utile à une droite qui a longtemps considéré que le gouvernement était le problème mais qui souhaite maintenant reprendre en main la société américaine.

Patrick Deneen, né en 1964, est l’un des principaux membres de ce collectif catholique, il est professeur de science politique à l’université Notre-Dame (South Bend, Indiana), d’où provient Amy Coney Barrett, fervente catholique que Donald Trump a nommée, en 2020, à la Cour suprême. En juin, elle y a appuyé la décision mettant fin à la protection constitutionnelle de l’avortement. Elle n’appartient pas au même courant que Deneen. Amy Coney Barrett est plus proche de la droite conventionnelle. Comme cinq autres des neuf membres du plus haut tribunal du pays, elle est issue de la plus influente organisation juridique aux Etats-Unis, la Federalist Society, dont la philosophie est conservatrice et libertarienne, c’est-à-dire radicalement opposée à l’intervention de l’Etat.

Amy Coney Barrett a rejoint, au sein de la Cour suprême, une majorité catholique. Sept magistrats sont de cette confession, une seule d’entre eux n’appartient pas au bloc conservateur, Sonia Sotomayor. Joe Biden est, lui aussi, un catholique de gauche. Tout ceci atteste de l’influence intellectuelle et politique du catholicisme aux Etats-Unis, particulièrement à droite. Comme le dit Gene Zubovich, chercheur à l’université de Toronto (Canada), historien des relations entre la religion et la vie politique aux Etats-Unis, « les évangéliques fournissent les votes, les catholiques la matière grise ».

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