Emmanuel Macron et le climat, un discours qui rate sa cible

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Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée du 31 décembre 2022.

Même lors des vœux, exercice souvent anodin, il faut se méfier du poids des mots. Samedi 31 décembre 2022, Emmanuel Macron a prononcé une petite phrase très mal reçue par de nombreux acteurs de la cause climatique.

S’étonnant de l’aspect « singulier » de ces allocutions qui « obligent à parler d’un futur qu’en vérité on ne connaît pas », le président de la République revient d’abord sur les crises de l’année écoulée. « Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? », s’interroge le chef de l’Etat. Après de longs passages sur les retraites et la nécessité de travailler plus, il ne reparlera ensuite qu’à une seule reprise de cette thématique, en affirmant que la « transition écologique est une bataille que nous devrons gagner ».

A peine quelques minutes consacrées à un des enjeux du siècle, une remise en cause de la prévisibilité du réchauffement planétaire… Les mots présidentiels ont aussitôt été perçus comme un symptôme de déconnexion par plusieurs experts. « “Qui aurait pu prédire la crise climatique ?” C’est amusant, c’est exactement une de mes boutades préférées pour moquer les politiciens qui vivent hors du réel », a tweeté Gonéri Le Cozannet, géologue et coauteur du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

La paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, invitée à l’Elysée le 31 août 2022 pour sensibiliser le gouvernement, a, elle, repris la petite phrase des vœux tout en relayant des documents du dernier rapport du GIEC sur les conséquences du réchauffement en Europe. « C’est un discours qui rate le sens de l’histoire. Il aurait pu être tenu dans les années 1980, pas en 2022 », a déclaré à Franceinfo Magali Reghezza-Zitt, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC), créé en 2018 par M. Macron.

« Macron se paye de mots, agit en tacticien, pas en stratège »

« C’est consternant et ça a été droit au cœur de tous ceux qui travaillent sur ces sujets, analyse Matthieu Auzanneau, directeur du Shift Project. Le protocole de Kyoto date de 1997, Jacques Chirac a parlé de “notre maison qui brûle” il y a plus de vingt ans… Il faut être totalement inconséquent pour écrire puis prononcer ce genre de phrases. Le plus inquiétant est de dire la même chose de l’inflation, qui a commencé en septembre 2021 et est aussi un symptôme de la raréfaction des ressources. Cela veut dire que la personne la mieux informée de France ne comprend pas les ressorts structurels de ces crises qui sont toutes liées et ne sont pas conjoncturelles. Il se paye de mots, agit en tacticien et pas en stratège. »

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