« Sa disparition nous a bouleversés » : avec les fidèles venus pleurer Benoît XVI

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Lundi matin, à l’aube, la dépouille de Benoît XVI a fait son ultime voyage. Quelques centaines de mètres à peine. Du silence des murs du monastère Mater Ecclesia où il aura vécu sa décennie de « pape émérite » jusqu’au cœur de la Basilique Saint-Pierre où des milliers de fidèles l’attendent pour un dernier hommage.

Avant l’ouverture des portes, une poignée de « pèlerins VIP » ont eu le droit à quelques minutes de recueillement auprès du défunt Saint-Père. Sergio Mattarella, président de la République italienne voisine et fervent catholique, suivi par la Première ministre Giorgia Meloni, le visage grave, son beau-frère et ministre de l’agriculture Francesco Lollobrigida et son sous-secrétaire, un familier des cercles du Vatican, Alfredo Mantovano.

« D’une grande humanité et d’une grande douceur »

Au pied des statues des saints Longin et André, flanqué de deux gardes suisses, le corps émacié de Joseph Ratzinger est revêtu de la soutane blanche qui l’a accompagné de son élection en 2005 jusqu’à sa mort, le 31 décembre dernier, à l’âge de 95 ans. Une chasuble rouge sur les épaules et une mitre blanche sur la tête, aux couleurs du deuil papal. Entre ses mains un chapelet et à l’annulaire, un anneau de saint Benoît de Nursie, le père des Bénédictins, dont le cardinal allemand s’inspirera à l’heure de choisir son nom de souverain pontife.

À LIRE AUSSIDécès de Benoît XVI : « C’est un nouveau départ pour le pontificat de François » Qu’importe l’attente, Romano et Concetta se devaient d’y être. « Sa disparition nous a bouleversés », raconte ainsi ce couple de retraités inconsolables. « C’était quelqu’un d’une grande humanité et d’une grande douceur malgré son image d’homme dur et distant. Sûrement son côté allemand », rappellent ces deux Romains, encore émus au souvenir de la communion reçue des mains du religieux bavarois. « L’Église vient de perdre un grand théologien et une grande figure du catholicisme », déplore un Milanais de passage.

Au milieu des fidèles, un copieux cortège de curieux a également fait le déplacement. Deux touristes ont ainsi écourté leur visite du Forum romain pour gagner la cité-État et « vivre un petit moment d’Histoire », immortalisé par quelques photos prises à la va-vite.

D’autres, franchement déconnectés, assurent qu’ils n’étaient « pas au courant pour la mort de Benoît XVI », mais pas question de faire une croix sur les splendeurs de la basilique Saint-Pierre, un incontournable de la Ville éternelle. Un peu déçus, les vendeurs de souvenirs voient le flot de visiteurs bouder leurs échoppes. « Beaucoup de gens sont en deuil, ils n’ont pas le cœur à faire des achats », constate l’un d’eux. Un brin amer, il relativise : « Benoît XVI ne faisait déjà pas beaucoup vendre de son vivant. Cela ne change donc pas grand-chose aujourd’hui. »

À LIRE AUSSIMort de Benoît XVI : le corps de l’ancien pape exposé à Saint-Pierre de RomeSi dans l’esprit de nombre de jeunes rencontrés aux abords du Vatican, le souvenir du pontificat de Benoît XVI semble quelque peu lointain et vague (certains pensant même l’héritier de saint Pierre déjà enterré de longue date), le 11 février 2013 reste bien gravé dans les mémoires de leurs aînés. « En tant que catholique, j’ai vécu sa renonciation comme quelque chose d’historique. Un tabou s’est brisé. Il a ouvert la voie », rappelle un quadragénaire italien. « Une révolution de l’humilité », célèbre le frère Cyprien-Marie, dominicain de la Province de France. Sa démission avait pourtant eu un goût amer pour les catholiques les plus conservateurs qui, pour certains, crient encore « au complot ». La mort de Benoît XVI « laisse désormais un terrible vide », s’attriste ainsi Giovanni. Égrenant avec énergie son chapelet, ce Romain avoue ne goûter que très peu à la « modernité » de son successeur argentin et d’affirmer : « Aujourd’hui, je n’ai plus de pape. »

65 000 visiteurs

Lundi soir, à l’heure de fermer les portes de la basilique, le Saint-Siège comptabilisait pas moins de 65 000 visiteurs venus rendre hommage à l’ancien cardinal allemand : deux fois plus qu’attendu par les autorités. Certes, on est loin du « délire » funéraire à la mort de Jean Paul II en 2005, raconte un habitué de la cité-État. Et de ce « serpent humain » long de plusieurs kilomètres, envahissant Rome dans l’espoir d’approcher la dépouille du pontife polonais. Mais c’est un bon signe, se félicite un père de famille originaire de Turin, « pour un pape qui, contrairement à son prédécesseur et à son successeur, allait moins vers les gens mais qui, malgré cela, a su toucher les fidèles. »

À LIRE AUSSIQue restera-t-il de Benoît XVI ? À voir si jeudi, jour officiel des obsèques de Benoît XVI, on criera à nouveau à la canonisation express (et ce slogan, devenu mythique : santo subito) comme pour Karol Wojtyla en 2005. « Je pense que cela ira dans ce sens », assure ainsi Georg Gänswein, le secrétaire particulier de Joseph Ratzinger, au micro de la chaîne catholique américaine EWTN. Les funérailles, elles, seront placées « sous le signe de la simplicité », suivant les dernières volontés du « pape émérite ». À la baguette, son successeur, le pape François en personne : une première dans l’histoire du Vatican.

Pas vraiment le sort de Célestin V, autre célèbre souverain pontife démissionnaire, mort en captivité en 1296 et enterré en habit de moine, loin de Rome et des honneurs du Vatican, relate la presse italienne. Et jamais son corps n’a fait voyage jusqu’à la crypte de la basilique Saint-Pierre. Là où jeudi reposera désormais Benoît XVI, le 265e pape de l’Église catholique, en lieu et place de son prédécesseur Jean-Paul II.

Source: lepoint.fr