Réforme des retraites : entre Macron et Berger, un dialogue de sourds

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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, s’adresse aux journalistes après sa rencontre avec la première ministre pour parler de la réforme des retraites, à Paris, le 3 janvier 2023.

Dans le plus grand secret, un homme est reçu à l’Elysée. Personne n’a intérêt à ébruiter l’entrevue. Ce 7 décembre 2022, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, érigé durant ces derniers mois en protagoniste clé de la réforme des retraites, se rend rue du Faubourg-Saint-Honoré, la veille de son rendez-vous officiel avec la première ministre, Elisabeth Borne. A une semaine de la date initiale de la présentation du projet, finalement repoussée au 10 janvier, Emmanuel Macron a décidé de prendre les choses en main : il compte encore sur l’appui du syndicat réformiste. « Moi, je suis un optimiste, disait à la presse le chef de l’Etat début septembre. Il n’y a aucune force politique qui peut s’affranchir du réel. Je crois à la vertu de la vérité. Je crois aussi à l’histoire de ce syndicat et à la force de la pédagogie. »

Las, lors de ce face-à-face resté confidentiel, Laurent Berger ne flanche pas davantage qu’en public. Le syndicaliste redit au président de la République, les yeux dans les yeux, qu’il a toujours été contre un recul de l’âge de départ à la retraite. De même que la CFDT. Les deux personnalités, dont la relation est déjà électrique, entament un dialogue de sourds. « Nous avons deux conceptions différentes, qui n’ont rien à voir, de la démocratie sociale, de la place du syndicalisme, de la répartition des efforts dans notre pays et de l’aide aux plus vulnérables », explique Laurent Berger au Monde. « Entre eux, ça ne marche pas. Ils viennent de deux mondes tellement éloignés », observe Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, qui a assisté de près à la gestation de la réforme.

Quelques heures plus tard, ce même jour, Emmanuel Macron réunit les dirigeants de la majorité au cours d’un dîner, où il défend de nouveau le départ à la retraite à 65 ans, contre 62 aujourd’hui. Mais le président tente encore un coup de pression médiatique : il acceptera d’amender son projet en faveur des 64 ans, assortis d’un allongement de la durée de cotisation plus rapide que prévu par la réforme Touraine, si les réformistes lui reconnaissent la concession. A Matignon, on résume cette main tendue par : « un bougé contre un bougé ».

Peine perdue. Le manège a le don d’ulcérer le premier visé par la manœuvre. Lors d’une conversation téléphonique en décembre 2022 avec le ministre de la fonction publique, Stanislas Guérini, le leader syndical ne cache pas son agacement sur ces attentes qui, il le sait, ne seront pas satisfaites. Attend-on de lui qu’il trahisse sa base ?

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