Forum de Davos : « Avec la fin du mois qui s’impose à la fin du monde, l’urgent a chassé l’important »
Depuis La Fontaine et sa fable Le Savetier et le Financier, on sait que l’argent ne fait pas le bonheur et crée de nombreux soucis. Les décideurs mondiaux, qui se réuniront du 16 au 20 janvier à Davos, ont intérêt à prendre quelques euphorisants avant d’entamer la lecture du rapport annuel du Forum économique mondial, qui se tient, chaque année, dans cette station alpine suisse, sur les risques globaux qui nous menacent.
Dévoilée mercredi 11 janvier, cette enquête sonde, tous les ans, près de 1 200 experts et décideurs économiques, politiques et de la société civile, pour savoir ce qu’ils estiment être les principaux risques qui menacent nos sociétés, à court terme (deux ans) et à long terme (dix ans). Depuis plusieurs années, les dangers qui arrivaient en tête de leurs préoccupations concernaient l’environnement et le changement climatique.
Pour la première fois cette année, le premier risque de court terme mis en avant par les experts est celui de la conjoncture économique. Ou plutôt, pour reprendre leur terminologie, « la crise du coût de la vie ». La fin du mois s’impose à la fin du monde, l’urgent a chassé l’important. On parle désormais de crise de l’énergie, de l’alimentation, de l’inflation et de la sécurité.
Cercle vicieux
Pour la directrice générale du Forum, Saadia Zahidi, le monde est entré dans un cercle vicieux où risquent de se conjuguer les difficultés économiques, politiques et sociales. L’inflation détruit le pouvoir d’achat. Pour atténuer son effet, les Etats dépensent et s’endettent, dégradant leurs finances publiques.
La crise devient alors politique, quand l’argent manque pour financer la santé, l’éducation ou la sécurité, puis sociale, avec une aggravation des inégalités et une polarisation extrême entre riches et pauvres. Ce cocktail maléfique devient plus délétère encore quand ces difficultés se conjuguent avec des tensions géopolitiques, voire des guerres. La montée des budgets militaires affaiblit encore les moyens des pouvoirs publics, et donc la capacité à atténuer les chocs.
Que restera-t-il donc pour l’important ? Car, pour les dix prochaines années, les décideurs et les experts sont formels. Le plus grand risque qui peut subvenir est l’échec des politiques de limitation du réchauffement climatique, et le second, l’échec des stratégies d’adaptation à ce réchauffement. Ce ne sont bien sûr pas des prévisions, mais des risques, qui hantent désormais les esprits.
Et le troisième sur la liste est la perte de biodiversité menant à terme à un effondrement des écosystèmes. On attribue au président américain (1953-1961) Dwight Eisenhower cet aphorisme, étudié dans toutes les écoles de management : « Ce qui est important est rarement urgent et ce qui est urgent est rarement important. » Autrement dit, nous devons nous appuyer sur le défi environnemental pour résoudre la crise économique et sociale. C’est tout l’art, et la difficulté, du politique.