« Les démocraties, sans démocrates farouchement résolus à les défendre, ne sont pas plus solides que des châteaux de cartes »

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L’invasion du Capitole par les supporteurs trumpistes le 6 janvier 2021, dans le prolongement des contestations répétées de l’élection présidentielle américaine de 2020, marque peut-être dans l’histoire des démocraties le début d’une nouvelle ère, celle du renouveau des coups d’Etat. Les images ahurissantes des extrémistes identitaires et complotistes ont en effet inspiré sans nul doute de nombreux groupuscules prenant acte des faiblesses du modèle démocratique libéral.

C’est le cas en Allemagne, où une tentative d’occupation des lieux de pouvoir et de renversement de la République fédérale a été déjouée par les services de renseignement en décembre 2021. La conjuration – menée par un conglomérat improbable rassemblant des anciens élus d’Alternative pour l’Allemagne [AfD, parti de droite populiste], des membres des forces de sécurité à la retraite et un aristocrate nostalgique du Reich – fut stoppée nette par une opération de police d’ampleur.

Ce dimanche 8 janvier, les partisans de Jair Bolsonaro n’ont finalement fait que répéter sur une plus large échelle, au Brésil, ce qui avait été tenté (sans succès) à Washington et à Berlin. Dès lors, il faut comprendre la mise à sac du Congrès, de la Cour suprême et du palais présidentiel brésiliens comme ne résultant pas d’une simple colère improvisée, mais bien d’une volonté délibérée de s’affranchir des règles démocratiques.

Ces trois tentatives récentes de renversement de la démocratie, bien qu’intervenant dans des contextes différents, obéissent à des logiques similaires. Il y a, d’abord, l’installation par les réseaux sociaux d’un soupçon dans l’opinion, celui de l’« élection volée », de la triche du pouvoir en place ou des autorités locales, comme si un leader populiste ne pouvait finalement jamais être battu que par des procédés déloyaux. Puis, les opérations électorales achevées, une contestation résolue, frontale et idéologique, des résultats électoraux lorsqu’ils sont défavorables aux candidats de la droite radicale. A peine l’élection a-t-elle été proclamée que les procès en illégitimité surgissent, tant devant les médias que les tribunaux, y compris pour discréditer les juridictions suprêmes chargées de se prononcer sur les contentieux à venir. Enfin, dernière étape, l’appel au peuple et à l’armée pour rétablir par une épreuve de force dans la rue ce qui a été perdu dans les urnes.

Menaces à mots couverts

Cette recherche permanente de la confrontation de la part de l’extrême droite constitue à bien y regarder un des marqueurs permanents des démocraties contemporaines. Elle tente de fait par tous les moyens, y compris la violence et sans aucun scrupule, de s’accrocher au pouvoir. La molle condamnation de Bolsonaro ou l’attitude si ambiguë de Donald Trump devant les actions de force commises par leurs partisans respectifs ne s’expliquent pas autrement. Ne nous y trompons pas, adhérer aux discours de ces leaders populistes battus, c’est exciter avec la plus totale mauvaise foi les dérives démagogiques et saper ce qui fait la force de la démocratie, à savoir la régulation des conflits et leur arbitrage par le bulletin de vote des citoyens.

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