Nouriel Roubini : « Nous entrons dans la grande stagflation »

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L’économiste américain Nouriel Roubini, le 26  octobre 2022, à New York.

Il est l’un des rares à avoir vu venir la crise de 2008. Parfois surnommé « Docteur Catastrophe » en raison de ses prévisions très sombres, Nouriel Roubini, professeur d’économie à la Stern School of Business de l’université de New York, a publié un nouvel ouvrage (Mégamenaces, Buchet-Chastel, 384 pages, 23,50 euros), où il recense les risques auxquels nos économies seront confrontées en 2023 et au-delà. A commencer par celui d’une crise financière.

Vous êtes l’un des rares à avoir vu venir la crise de 2008. La situation d’aujourd’hui est-elle comparable ?

Difficile à dire, car nous sommes confrontés à une série de risques aux horizons temporels différents. A court terme, il y a ceux liés à la guerre en Ukraine, bien sûr, à l’inflation et au spectre d’une crise financière qui pourrait advenir ces prochains mois ou dans les deux ou trois années à venir. S’ajoutent à cela des « mégamenaces » susceptibles de se matérialiser plus ou moins sévèrement sur le long terme, et qui ne relèvent pas seulement de l’économie.

A commencer par le changement climatique qui, si nous ne le maîtrisons pas, pourrait aboutir à la destruction de la planète, les tensions géopolitiques qui pourraient dégénérer en guerre nucléaire entre grandes puissances, et l’instabilité sociopolitique – partout, nous assistons à un retour de bâton contre les démocraties libérales.

Jusqu’où la récession engendrée par la crise énergétique peut-elle aller ?

Sur le sujet, le consensus général – celui des décideurs politiques, de Wall Street et des banques centrales – est dans l’erreur depuis un an et demi. Ces dernières ont longtemps prétendu que les pressions inflationnistes que nous observons étaient temporaires. Or, ce n’est pas le cas. Puis elles ont dit : nous allons relever les taux directeurs et calmer l’inflation, avec un atterrissage en douceur de l’économie. C’est également incorrect : en témoigne le Royaume-Uni, au bord de la stagflation avec une inflation très élevée.

Je pense que l’atterrissage ne sera pas doux mais sévère, et associé à des tensions financières. Relever les taux d’intérêt alors que l’économie est en perte de vitesse, avec un niveau global d’endettement très supérieur à celui des années 1970, pourrait provoquer un effondrement des marchés boursiers et obligataires, susceptible d’aggraver la récession.

A la suite de l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA), outre-Atlantique, très défavorable à l’industrie européenne, redoutez-vous une guerre commerciale entre les Etats-Unis et le Vieux Continent ?

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