Réforme des retraites : au moins 14 000 personnes ont manifesté à Paris, selon un comptage indépendant

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Manifestation des organisations de jeunesse de gauche contre le projet de loi de réforme des retraites, à Paris, le 21 janvier 2023.

« Résistance ! », « On est là, même si Macron ne le veut pas ! » : tandis que le projet de loi prévoyant notamment le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans doit être présenté lundi en conseil des ministres, au moins 14 000 personnes ont manifesté à Paris, samedi 21 janvier, selon un comptage du cabinet Occurrence pour un collectif de médias, dont Le Monde. Selon une source policière, les manifestants étaient environ 12 000, quand les organisateurs estimaient, eux, le nombre de participantes et de participants à 150 000. Loin de la « marche contre la vie chère » organisée par les « insoumis » en octobre dernier, qui avait drainé 140 000 personnes d’après les instigateurs, 30 000 selon la police.

Le cortège emmené par les jeunes, mais brassant toutes les générations, a cheminé entre les places de la Bastille et de la Nation sans incident notable. On était loin de l’affluence constatée lors de la journée de jeudi, qui avait réuni entre 1,2 et 2 millions de manifestants dans toute la France, selon les estimations du ministère de l’intérieur ou de la Confédération générale du travail (CGT).

Les jeunes craignent « une diminution du nombre d’emplois », a expliqué Noémie Stickan, représentante de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL). Plus largement, ils veulent « dire stop à cette mesure antisociale » du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. « On est révoltés, on a envie d’en découdre, on a envie de dire qu’on ne sera pas la génération sacrifiée », a clamé Zoé Lorioux-Chevalier, membre de Génération·s, avant le départ du cortège.

Jean-Luc Mélenchon « maudit » Emmanuel Macron

Le cortège s’est élancé de la place de la Bastille à 14 h 15. Les forces de l’ordre avaient alors procédé à 1 700 contrôles et interpellé trois personnes pour port d’arme prohibé, a annoncé la Préfecture de police de Paris.

Le chef de file des « insoumis », Jean-Luc Mélenchon, a fait part de son exaspération à l’égard d’Emmanuel Macron : « Soyez maudit de vouloir transformer toute notre existence en marchandise (…), tout salir, tout gâcher, tout réduire, tout quantifier », a-t-il déclaré lors d’une harangue à la foule. Selon l’ex-candidat à la présidentielle, le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne fera « pas travailler une seule personne ». « Ce sera des chômeurs de plus, des malades de plus, et surtout de la vie en moins », a-t-il plaidé. « La clé de l’avenir, ce n’est pas de produire plus, du jetable. Mais de produire mieux, et pour le faire, il faut travailler moins », a-t-il encore fait valoir.

Le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, a appelé les manifestants à être des « activistes de la grève générale ». « On va bloquer la société, paralyser l’économie », a-t-il scandé, alors que le projet de loi sera présenté lundi en conseil des ministres. « Quelque chose est en train de se passer, il y a quelque chose qui ressemble aux mobilisations passées où on gagne », a assuré M. Besancenot.

Pour le député de la somme François Ruffin (LFI), « il faut élargir, élargir, élargir. A la jeunesse, aux “gilets jaunes”, aux mères célibataires, aux artisans commerçants (…). Il faut faire déborder la rivière ».

Ne pas « froisser » les syndicats

Faire mieux n’était pourtant pas gagné. Le mouvement fondé par M. Mélenchon a été plus timide dans sa communication pour organiser cette manifestation, choisissant de se ranger derrière dix organisations de jeunesse.

« On s’est rendu compte que les jeunes avaient envie de se mettre en avant, qu’ils se sentaient les premiers concernés », a expliqué M. Juraver. Ce dernier a admis que LFI avait aussi conscience de devoir montrer patte blanche aux syndicats, « froissés » que la date ait été annoncée avant la leur : « On a fait très attention, c’est seulement depuis quelques jours, après l’annonce de la date du 19, qu’on a augmenté la communication pour le 21. »

Ce qui n’a pas empêché le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, d’affirmer sur BFM-TV : « Ce n’est pas le moment de se diviser. Vu la mobilisation de jeudi, tout le monde a compris quelle est la date importante de la semaine. »

« Notre rôle, c’est d’être en soutien de toutes les mobilisations », a déminé lors d’un point de presse, samedi, le député du Val-de-Marne Louis Boyard, responsable de la jeunesse à LFI. Avant de s’agacer : « Est-ce que vous ne pouvez pas regarder que la jeunesse est dans une précarité énorme ? C’est le seul sujet dont on a envie de parler aujourd’hui. » « Ce n’est pas du tout une question de concurrence entre les mobilisations, c’est complémentaire », a insisté à ses côtés Eléonore Schmitt, porte-parole de L’Alternative.

Le chef de l’Etat affiche sa détermination

Première épine dans le pied, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), principal syndicat étudiant, ne participait pas à la manifestation ; sa présidente, Imane Ouelhadj, préférant un « front syndical unitaire pour organiser la lutte de façon la plus large possible ». Et, contrairement à la marche du 16 octobre, l’alliance de gauche de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ne soutenait pas non plus cette initiative : les écologistes, le Parti communiste (PCF) et le Parti socialiste (PS) estiment qu’il faut, sur ce dossier, laisser faire les syndicats.

Ignorant la ligne fixée à son gouvernement d’éviter les coups de menton, Emmanuel Macron a rappelé, jeudi soir, de Barcelone (en Espagne), que la démocratie supposait de respecter sa légitimité électorale. Peu importe l’ampleur de la contestation, « nous devons faire cette réforme », a-t-il lancé : « J’ai dit les choses clairement pendant la campagne [présidentielle]. »

Même si une partie de ses électeurs l’ont désigné pour faire barrage à l’extrême droite. « Il me semble que j’ai été opposé à Marine Le Pen parce que les Français ont choisi que je sois au second tour. » « Ça ne veut pas dire que tous les gens qui ont voté pour votre serviteur au second tour [approuvent]. (…) Mais il y a aussi eu un premier tour qui m’a placé en têteOn ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu d’élection il y a quelques mois », a-t-il insisté.

Cet argumentaire du chef de l’Etat contraste avec ses déclarations passées. « Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite, disait-il le soir de sa réélection, le 24 avril 2022. J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir ». Neuf mois plus tard, place à la « détermination », a prévenu le président de la République.

Le Monde