Réforme des retraites : les syndicats appellent à manifester « encore plus massivement » le 31 janvier
Catégoriquement opposés à la réforme des retraites, les chefs de file des huit principales organisations syndicales de salariés ont appelé, mercredi 25 janvier, « la population à se mobiliser encore plus massivement le 31 janvier » dans la rue, après une première journée de manifestation intersyndicale le 19 janvier. Cette dernière avait rassemblé près de 1,12 million de personnes dans toute la France, selon le ministère de l’intérieur, un record depuis 2010.
A six jours de cette nouvelle journée de mobilisation nationale, les leaders syndicaux ont ainsi donné rendez-vous à la presse place du Palais-Bourbon à Paris, à proximité immédiate de l’Assemblée nationale, pour faire une photo de famille et une déclaration conjointe, avant d’être reçus par la commission des affaires sociales.
« Nous sommes aujourd’hui présents pour réaffirmer collectivement notre opposition au projet de réforme qui va à l’encontre des intérêts des travailleuses et des travailleurs en décalant l’âge légal de départ en retraite à 64 ans et en accélérant l’allongement de la durée de cotisation », a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, lisant la déclaration commune aux huit organisations salariales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU). « L’intersyndicale appelle toute la population à se mobiliser encore plus massivement le 31 janvier pour dire non à cette réforme injuste », a-t-il ajouté.
Neuf jours de débat prévus en séance à l’Assemblée
Après sa présentation en conseil des ministres lundi, le projet de loi prévoyant le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2030 doit désormais être examiné par les parlementaires. Il arrive en première lecture dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale à partir du 6 février, où neuf jours de séance sont programmés pour son examen, week-end compris. Soit au total soixante-treize heures de débats.
« Nous nous sommes mis en condition pour que le débat se tienne dans son intégralité », a assuré mercredi la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, lors de ses vœux à la presse, alors que le choix du gouvernement de passer par un amendement au projet de budget de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) est vivement contesté.
Comme tout texte budgétaire, un PLFSSR permet de limiter la durée des débats au Parlement, voire de faire passer la réforme par ordonnance au bout de cinquante jours faute d’adoption. En première lecture, vingt jours sont alloués à l’Assemblée nationale pour examiner le texte, à la fois en commission puis en séance. Si le projet de réforme n’est pas validé dans ce délai, le texte originel passe tout de même devant le Sénat.
« Je préférerais un vote sur ce texte », a euphémisé Mme Braun-Pivet mercredi, soulignant sa volonté d’éviter un recours au 49.3 et que le Parlement puisse « aller au bout du texte », en relevant que « la seule chose qui pourrait l’empêcher » serait un trop grand dépôt d’amendements par les oppositions. Elle a ainsi appelé « à ce qu’il n’y ait pas d’obstruction » et a plaidé pour que « le débat parlementaire [permette] de faire évoluer le texte ».
Selon la députée Renaissance des Yvelines, le temps qui sera donné aux députés pour débattre de ce projet de loi est plus important que lors des précédentes réformes des retraites. Il était de soixante-cinq heures en 2010 pour la réforme Woerth et de quarante-cinq heures en 2014 pour la réforme Touraine, a ainsi mis en avant Mme Braun-Pivet.
Quant à la demande d’organisation d’un référendum sur la réforme des retraites, portée par la Nupes et appuyée sur le principe par les députés du Rassemblement national, la présidente de l’Assemblée nationale a estimé qu’« un référendum est très binaire » et « ne permet pas de rentrer dans la complexité de la réforme ». Mardi, une centaine de députés de gauche ont déposé une demande de « motion référendaire » en ce sens, qui doit être débattue dans l’Hémicycle le 6 février.
Des réserves émises aussi au sein de la droite
Si le camp présidentiel compte sur l’appui des députés Les Républicains (LR) pour faire adopter la réforme au Parlement, la fronde de certains députés de droite, qui menacent de ne pas voter en l’état un texte jugé « injuste », le pousse à évoquer de nouvelles conditions (sur les carrières longues, les femmes ou le calendrier) pour éviter une mise en échec du texte.
« On a cinquante jours de débats parlementaires. Il y a beaucoup de sujets à discuter », a ainsi affirmé mercredi le patron des députés LR, Olivier Marleix, sur Franceinfo, conscient du rôle que son groupe peut jouer sur ce texte. Les conditions déjà mises sur la table par la droite « ne sont contestées par personne au sein de notre groupe », mais il faudra, pour atteindre une majorité, que LR obtienne satisfaction aussi sur les « conditions » qui « pourraient venir au cours du débat », a renchéri la secrétaire générale du parti, Annie Genevard, sur Sud Radio.
Un accord avec la majorité présidentielle semblait scellé depuis que les chefs de LR, reçus à Matignon par Elisabeth Borne la semaine dernière, s’étaient félicités d’avoir arraché des concessions, notamment sur la revalorisation des petites pensions. Mais une dizaine de députés ont depuis fait part de leurs doutes à haute voix sur la réforme en l’état, à l’instar du député du Lot Aurélien Pradié.
Porteur d’une ligne de « droite populaire », l’ancien prétendant à la présidence de LR n’a eu de cesse de répéter sa crainte des « injustices massives » que pourrait provoquer cette réforme dans son état actuel. Parmi les points de blocage énumérés par l’élu d’une terre de gauche, la question de la prise en compte de la pénibilité et des carrières des « femmes, mères, [de] ceux qui ont commencé à travailler à 20 ans, ou avant 20 ans sans cinq trimestres validés ».
La géographie des manifestations du 19 janvier, où de fortes mobilisations ont été enregistrées dans des villes moyennes, a aussi alerté chez LR alors que le parti a perdu une part de son ancrage au sein des catégories socio-professionnelles supérieures et des centres urbains. Il concentre aujourd’hui l’essentiel de ses soixante-deux sièges dans des circonscriptions périphériques ou rurales.