Bilan du Monde | Législatives : pourquoi 2022 est l’année du dérèglement politique français

Il n’y a pas que les températures qui se détraquent en France, le climat politique aussi se dérègle. L’élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022 et les élections législatives, qui ont suivi en juin, ont dessiné un paysage politique national inédit, divisé en trois blocs concurrents.
Un bloc macroniste, organisé autour du chef de l’Etat, qui tente d’entretenir la légende d’un « en même temps » politique, mariant centre droit et centre gauche, mais qui ne cesse de dériver vers la droite et doit désormais composer avec une majorité relative à l’Assemblée nationale. Un bloc d’extrême droite, mené par le Rassemblement national (RN) renforcé par la nouvelle qualification de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle et par l’élection de 89 députés RN, un record dans l’histoire de la Ve République. Un bloc de gauche, structuré au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), alliance de circonstance entre La France insoumise (LFI), Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste français (PCF), née au moment des législatives, après le nouvel échec présidentiel de la gauche, mais qui peine depuis à trouver un second souffle.
Ce paysage nouveau confirme le changement majeur entamé en 2017 avec l’effacement des deux principaux partis qui ont bâti le clivage droite-gauche sous la Ve République : le Parti socialiste, désormais relégué au rang de simple allié minoritaire de LFI, et Les Républicains (LR), étouffé par les concurrences macroniste et lepéniste. Les scores calamiteux de leurs candidates au premier tour de la présidentielle (1,75 % pour Anne Hidalgo, 4,78 % pour Valérie Pécresse) témoignent de cette double crise profonde traversée par la gauche et la droite dites « de gouvernement ».
La quatrième bloc
Un quatrième bloc existe, qui est en réalité le plus important mais aussi le plus difficile à cerner car invisible et multifactoriel : celui formé par l’abstention, qui continue son inexorable ascension au fil des scrutins (55,25 % et 58,6 % aux deux tours des municipales de 2020, 66,7 % et 65,31 % aux deux tours des régionales de 2021, 26,31 % et 28,01 % aux deux tours de la présidentielle d’avril 2022, et 52,49 % et 53,77 % aux deux tours des législatives de juin 2022). D’élection en élection, l’abstention enchaîne les records et s’impose comme le premier parti de France, mais sans débouché politique.
Il vous reste 76.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.