La majorité présidentielle tétanisée face à Marine Le Pen

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Marine Le Pen et Jordan Bardella, lors du 18e congrès du Rassemblement national (RN), à Paris, le 4 novembre 2022.

Au premier étage de Matignon, Marine Le Pen est à son aise dans le bureau de la première ministre. « Jordan, ce sera pour toi », rit la leader de l’extrême droite en direction de son dauphin, Jordan Bardella, devenu président du Rassemblement national (RN). Ce 29 juin 2022, Elisabeth Borne rencontre l’élue du Pas-de-Calais flanquée de son jeune lieutenant, comme tous les présidents de groupes parlementaires, après les élections législatives. Déterminée à gagner ses galons républicains, Marine Le Pen s’affiche triomphante, courtoise et policée. Elisabeth Borne en reste interdite. Une fois le rendez-vous achevé, elle jette un regard inquiet à ses conseillers… Un ange passe. Illustration d’une tétanie qui saisira la Macronie. L’un des hauts fonctionnaires tente une boutade : « Heureusement qu’elle est amie avec Viktor Orban pour qu’on se rappelle qu’elle est d’extrême droite… »

Huit mois plus tard, le RN fait profil bas dans le débat à haut risque sur les retraites. Et désigne les turbulents « insoumis » pour dévier la fureur des fidèles d’Emmanuel Macron. Opération réussie. Gérald Darmanin accuse, au micro à l’Assemblée nationale, les troupes de Jean-Luc Mélenchon de « bordéliser » le pays, tandis que Sébastien Chenu, vice-président RN du Palais-Bourbon, arbitre les débats, paré de la respectueuse dénomination de « Monsieur le président ». Le RN, ancien Front national, s’est installé dans le paysage, au point que les dirigeants perçoivent Marine Le Pen, trois fois perdante au scrutin suprême, comme une présidente de la République en puissance.

Depuis le coup de tonnerre du 21 avril 2002, la peur de l’extrême droite surgit inévitablement à quelques mois d’un scrutin présidentiel, comme un appel au front républicain tenté de déserter les urnes. Cette fois, les inquiétudes s’expriment plus de quatre ans avant la prochaine échéance, alors qu’en Europe des leaders populistes, xénophobes et post-fascistes sont parvenus à crever leur plafond de verre. « La favorite en 2027, c’est Marine Le Pen. Elle poursuit sa course à la normalisation », confie l’ancien premier ministre Edouard Philippe. « Demain le pays peut basculer au Front national », dramatise le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, disant y « penser chaque jour ».

Emmanuel Macron est « peut-être le dernier président de la République démocrate », lâche Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat aux associations. « Des signaux inquiétants montrent que c’est possible. Le Pen n’est plus la challengeuse, elle est la favorite », s’affole encore l’eurodéputé Pascal Canfin, membre du parti présidentiel Renaissance. Un saut dans l’inconnu qui donne le vertige aux plus anciens. « Ce n’est pas son programme qui m’inquiète, c’est la violence que cela libère, c’est l’extrémisme des braves gens », met en garde l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

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