Super Bowl 2023 : pourquoi Rihanna joue gros

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Évidemment, elle est en retard. Jeudi soir, à 18 heures pétantes heure française, nous attendions Rihanna, branchés sur Apple Music, sponsor officiel du show de la mi-temps du Super Bowl, pour la conférence de presse dédiée à l’événement, qu’elle est censée animer. La diva est arrivée 45 minutes plus tard, vêtue d’une veste en peau taupe, d’une jupe fendue, de sandales nouées jusqu’aux cuisses. « J’ai été contactée trois mois après avoir accouché, je n’étais pas sûre de pouvoir y arriver, d’autant plus que je ne suis pas montée sur scène depuis sept ans », admet la chanteuse qui a donné naissance à son premier enfant en mai. Mais on ne refuse pas le Super Bowl. Sauf quand on s’appelle Rihanna.

La star originaire de la Barbade avait en effet décliné l’opportunité en 2019, pour marquer sa solidarité avec le joueur Colin Kaepernick (en 2016, le quarterback des San Francisco 49ers avait été boycotté après avoir mis le genou à terre pendant l’hymne américain pour protester contre les violences policières). Pour redorer son image, la NFL s’était associée avec Jay-Z via sa compagnie Roc Nation pour la production du spectacle (celui-ci ne s’est pas pour autant engagé à participer). Depuis, ce rendez-vous de la pop culture est à nouveau aussi attendu que le match lui-même – voire plus : c’est l’événement musical le plus regardé à la télévision au monde.

Une attraction culte

Avec plus de 110 millions de téléspectateurs, la finale du championnat de football américain et son spectacle de la mi-temps sont une tradition aussi vieille que le jeu lui-même (55 ans). Les premières années, des fanfares d’universités venaient déjà divertir de manière assez spectaculaire les spectateurs en attendant la reprise du jeu. En 1972, Ella Fitzgerald est la première célébrité à y chanter et depuis les New Kids on the Block en 1991, seules des super stars assurent le « halftime show », accompagnées de milliers de danseurs et techniciens, d’effets pyrotechniques et de costumes spectaculaires. Paul McCartney, Madonna, Justin Timberlake (on se souvient du « nipplegate » lorsqu’il a arraché une partie du soutien-gorge de Janet Jackson sur scène), Michael Jackson (il était sorti de sous la scène pour donner un des meilleurs spectacles de tous les temps), Prince (il a changé quatre fois de guitare sous une pluie battante), Lady Gaga (quels feux d’artifice !) et Bruno Mars ont fait partie des performances les plus remarquées. Celle de Katy Perry a été vue par 120 millions de téléspectateurs.

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Pourtant, les artistes ne sont pas payés, mais seulement remboursés des coûts de production – forcément élevés – de leur prestation. S’il est parfois ringard (on aimerait oublier les Black Eyed Peas en 2011 et le désastre de Jennifer Lopez et Shakira il y a trois ans), le Super Bowl reste une attraction culte aux États-Unis. 100 000 spectateurs ont déboursé chacun, en moyenne ( !), 6 800 dollars pour y assister.

L’année dernière, Andre Romelle Young, alias Dr Dre, une des figures les plus marquantes de la culture californienne, leader de N.W.A, producteur de rap aussi visionnaire que prolifique, avait enflammé le stade à domicile. À 56 ans, cet originaire de Compton, quartier chaud du sud de Los Angeles, était venu avec ses protégés : Snoop Dogg, Mary J. Blige, Eminem, 50 Cent et Kendrick Lamar. C’était la première fois que des rappeurs étaient en tête d’affiche de l’événement.

Une longue pause

Cette année, alors que les Kansas City Chiefs affrontent les Philadelphia Eagles au State Farm Stadium à Glendale, en Arizona, dimanche, l’enjeu est de taille pour Rihanna. Car elle n’a pas mis les pieds sur une scène depuis sept ans. Nous étions d’ailleurs à son dernier concert au Stade de France en 2016… Surtout, elle n’a rien sorti depuis le fabuleux et audacieux Anti en 2016, à part, tout récemment, « Lift Me Up », bande originale du dernier Black Panther, une chanson tellement nulle qu’on préfère faire comme si elle n’avait jamais existé.

On attendait donc impatiemment son neuvième album (« R9 » pour les intimes), dont la sortie était annoncée en 2019, mais a été tellement reportée qu’on a fini par l’oublier. On attend aussi toujours la sortie de son documentaire, réalisé par Peter Berg (Very Bad Things, Hancock, Le Royaume, Battleship…), qui a filmé la star pendant 1 200 heures, sur une période de 6 ans et demi, et qui attend toujours le « go », alors que le film est fini et prêt à être diffusé sur Amazon. La plateforme aurait acheté le projet pour 25 millions de dollars, on imagine son impatience… Entre-temps, artistiquement, Rihanna semble s’être perdue dans une carrière douteuse au cinéma (on garde un souvenir gêné de Valérian, navet de Luc Besson, et elle n’était franchement pas convaincante dans Ocean’s 8, ni Guava Island auprès de Childish Gambino).

Tout ce qui compte, c’est ce show de 13 minutes.

Surtout, elle était trop occupée à gérer son empire mode et beauté Savage X Fenty (racheté par LVMH). À 34 ans, elle est la milliardaire la plus jeune des États-Unis, ayant bâti de ses mains une fortune estimée à 1,7 milliard de dollars, alors qu’elle est partie de rien. En se spécialisant dans la diversité des tons de peau, Fenty a révolutionné la cosmétique. En mettant en avant tous types de gabarits dans les campagnes publicitaires, sa marque de lingerie Savage a aussi brisé les codes, en avance sur son temps. Rihanna a vendu l’intégralité de sa collection de tee-shirts créée spécialement pour le Super Bowl, un modèle blanc basique avec cette inscription : « Rihanna Concert Interrupted by a Football Game, Weird But Whatever » (traduction : « le concert de Rihanna interrompu par un match de foot, bizarre mais peu importe »). N’empêche que, musicalement, elle a bien besoin d’une victoire si elle ne veut pas que son affolante voix grave ne soit totalement mise sous silence.

Elle semble pourtant bien décontractée (son côté caribéen, selon elle), physiquement reposée et à l’aise, quand elle se livre aux questions-réponses sur le Super Bowl pour Apple Music. « Je ne pensais jamais en arriver là dans ma carrière », admet-elle. « Je répète un maximum, je suis tellement concentrée sur le Super Bowl que j’ai oublié mon anniversaire, la Saint-Valentin… Tout ce qui compte, c’est ce show de 13 minutes. Et ça va être dur de résumer 17 ans de carrière en 13 minutes ! »

Avec quatorze titres en première place des charts, 54 millions d’albums vendus dans le monde, dont 2 millions en France (elle est l’artiste féminine internationale la plus jouée sur les radios en France depuis 2005), le choix doit en effet être cornélien. Les tubes « Diamonds », « SOS », « Love on the Brain », « Umbrella », « We Found Love », « S & M »… ont rythmé nos fins de soirée pendant tant d’années, avant d’être supplantés par ceux de la piquante Dua Lipa, ou de la vétérane Beyoncé (grâce à l’énergique Renaissance, son éternelle rivale vient d’ailleurs de battre le record du nombre de Grammy Awards par artiste – trente-deux, alors que Rihanna ne comptabilise « que » huit statuettes). Découverte par Jay-Z, l’époux de Beyoncé, Rihanna est toujours signée chez lui via sa société de management. Mais durant les 15 minutes de sa conférence de presse, elle n’a fait aucune révélation sur sa performance ou ses invités, ni ses projets futurs.

Source: lepoint.fr