Cinq députés de la Nupes, dont François Ruffin : « Notre économie à deux vitesses produit un salariat à deux vitesses »

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« Au service de qui êtes-vous ? » Le mercredi 25 janvier, à la veille du débat parlementaire sur la réforme des retraites, Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC (syndicat des cadres), était entendu à l’Assemblée nationale. Et il interpellait ainsi les députés de la majorité : « La part revenant aux salariés a nettement baissé. Alors que la part versée en dividendes, elle, a triplé. Que faites-vous pour rééquilibrer ce partage de la valeur ? Rien, votre projet de loi ne prévoit rien. Au contraire, vous aggravez les choses. Alors, votre politique, vous la menez pour qui ? Pour les salariés français ou pour les fonds de pension anglo-saxons ? »

C’est le point aveugle, et pourtant central, du débat économique : le partage de la valeur ajoutée. En France, le dernier rapport sur le sujet date de 2009, sous Nicolas Sarkozy, confié au directeur de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) d’alors, Jean-Philippe Cotis.

Qu’en est-il sorti ? De l’après-guerre aux années 1970, la part des salaires tourne aux alentours de 70 %. Puis elle atteint un point haut au début des années 1980, près de 75 %, sous l’effet cumulé du choc pétrolier, des luttes de travailleurs post-68, de l’arrivée de la gauche au pouvoir. Cette part chute ensuite brusquement, dès 1983, de près de dix points, tombant à 65 % environ sous le choc de la « désinflation compétitive ». On peut considérer qu’elle est à peu près stable depuis, mais stable à son point le plus bas depuis l’après-guerre.

« Une part inhabituellement élevée »

Ce document, officiel, mériterait d’être réactualisé. Mais plus récemment, en 2021, l’Insee confirmait ce partage inégal : « Le taux de marge des entreprises s’est envolé aux alentours de 36 %, son plus haut niveau depuis 1949, date à laquelle l’institut a commencé la mesure de ce ratio », selon Libération, le 2 décembre 2021. Même avec un fléchissement en 2022, il demeure à de hauts niveaux.

Et ce qui est vrai en France l’est dans le monde : « La part des profits est inhabituellement élevée à présent (et la part des salaires inhabituellement basse), notait en 2007 la Banque des règlements internationaux. En fait, l’amplitude de cette évolution et l’éventail des pays concernés n’ont pas de précédent dans les 45 dernières années. » (Working Papers, n° 231, Bâle, 2007). Voilà qui réclame, de notre part, plusieurs commentaires.

Les sommes en jeu sont immenses. Un point de produit intérieur brut (PIB), en France, c’est 25 milliards d’euros. Revoir ce partage, ce sont donc des dizaines de milliards d’euros, sinon des centaines de milliards, qui sont à redistribuer. Et le « déficit des retraites » aussitôt comblé.

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