Bleues – Corinne Diacre, avec pertes et fracas – Football : Corinne Diacre, avec pertes et fracas
Démise de ses fonctions après une mutinerie, la sélectionneuse des Bleus n’est jamais parvenue à obtenir les résultats espérés, ni l’adhésion de son groupe.
Par Adrien Mathieu
Publié le
Temps de lecture : 3 min
Lecture audio réservée aux abonnés
Rarement l’équipe de France féminine aura fait autant parler d’elle… Dommage pour les Bleues et plus globalement pour le football féminin que ce soit pour des mauvaises raisons. Après une révolte commencée par Wendie Renard et suivie par plusieurs cadres, la sélectionneuse des Bleues Corinne Diacre était sur la sellette à moins de cinq mois de la prochaine Coupe du monde, coorganisée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Malgré sa volonté de rester contre vents et marées, l’entraîneuse de 48 ans a été débarquée par sa Fédération, jeudi 9 mars, face à une situation devenue intenable. Retour sur cinq années et demie mouvementées sur le banc des Bleues.
Une première fracture lors de la Coupe du monde 2019
Devenue la première femme à entraîner en France au niveau professionnel du côté de Clermont, Corinne Diacre stabilise le club auvergnat en Ligue 2, obtenant même au passage le titre de meilleur entraîneur du championnat en 2015 par France Football. Mais déjà à cette époque, l’ancienne défenseuse se fait remarquer pour son management fait de poigne et d’absence de compromis. « À l’entraînement, il fallait que l’on ait tous les mêmes chaussettes assorties, racontait par exemple Anthony Lippini à So Foot en 2020. Longues ou courtes, d’habitude, chacun fait ce qu’il veut. Là, ce n’était plus le cas et cela n’a pas plu à tout le monde […] Quand tu vas dans son sens, tu as sa confiance. Mais dès que tu commences à te placer entre elle et ses objectifs, elle n’hésitera pas à te virer pour le bien de son groupe. »
À LIRE AUSSIDémission de la FFF : Le Graët règle ses comptes avec Oudéa-Castéra
Propulsée à la tête des Bleues en août 2017, Corinne Diacre ne déviera jamais de ce cap ni même de ses convictions. Avec elle, l’équipe de France féminine ambitionne d’enfin remporter un titre majeur : Coupe du monde, Euro ou Jeux olympiques. L’organisation du Mondial à domicile en 2019 est d’ailleurs l’occasion parfaite pour y parvenir. Mais malgré un engouement dans les stades et une équipe compétitive, Gaëtane Thiney et ses coéquipières échouent en quart de finale face aux États-Unis, ce qui les a au passage privées des JO de Tokyo. Dans les coulisses, tout part en éclats à partir de là.
Plusieurs cadres des Bleues montent au créneau pour pointer du doigt la gestion de Corinne Diacre, mais aussi ses choix sur le terrain. Amandine Henry, joueuse emblématique de l’OL, revient sur cette atmosphère pesante sous la direction de la matriarche Diacre après sa non-sélection de l’octobre 2020 : « Je voyais des filles pleurer dans leur chambre pendant le Mondial, moi je pleurais dans ma chambre. Ç’a été un chaos total. Certaines filles n’osent pas parler, il y a de la crainte. Je les comprends. J’ai 31 ans, je suis capitaine. Si je ne parle pas, qui va parler ? » explique-t-elle à Canal+.
Isolée face à la fronde de ses joueuses
Depuis cet épisode, Amandine Henry n’a plus jamais été appelée en équipe de France, et tour à tour, Eugénie Le Sommer, Sarah Bouhaddi et Gaëtane Thiney annoncent qu’elles font elles aussi une croix sur la sélection tant que Diacre serait en place. La faute, selon elles, à une communication très froide, des tactiques trop brouillonnes et surtout ,une ambiance de plus en plus lourde quand elles se rendent à Clairefontaine. Sur le terrain, les Bleues sont trop souvent brouillonnes et apparaissent même perdues. Avec l’énergie du désespoir, la défense à trois récemment tentée par Corinne Diacre n’a pas convaincu non plus.
Même si certaines cadres sont restées soudées entre elles lors du dernier Euro organisé en Angleterre, avec une élimination pour les Bleues en demi-finale, le point de non-retour est définitivement atteint. Après son communiqué où elle exprimait son envie de « préserver sa santé mentale », Wendie Renard a été suivie par plusieurs de ses coéquipières, dont Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani. Une fronde inouïe dans son ampleur, qui montre à quel point l’équipe de France est devenue un milieu anxiogène ces dernières années.
Avec l’éviction de Noël Le Graët à la présidence de la FFF, Corinne Diacre a sans doute perdu son plus gros soutien au sein de l’institution. Isolée dans la tempête, son départ devrait signifier enfin une accalmie pour une équipe de France féminine qui en avait grandement besoin. Malgré elle, Corinne Diacre aura été le symbole d’une fédération qui n’a jamais pris le temps d’écouter ses joueuses et de réaliser son autocritique. Pour les joueuses, il faudra vite panser ses plaies et se tourner vers le Mondial 2023, organisé en juillet prochain. Mais au moins l’ouragan Diacre est-il derrière elles.
Source: lepoint.fr