Réforme des retraites : le vote bloqué activé au Sénat à la veille de la septième journée de mobilisation
Pour tenter d’accélérer les discussions sur la réforme des retraites au Sénat, le gouvernement a eu recours, vendredi 10 mars, à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution pour activer le vote bloqué. Cette arme constitutionnelle force le Sénat à se prononcer par un seul vote sur l’ensemble du projet de loi en ne retenant que les 70 amendements choisis par le gouvernement. Le millier d’amendements restants seraient toutefois bien présentés aux sénateurs, lors des débats qui doivent se poursuivre jusqu’à dimanche soir, mais ne feront pas l’objet d’un vote.
« Le gouvernement agit » parce qu’il a « remarqué une volonté caractérisée et systématique de la gauche de faire de l’obstruction », a justifié Olivier Dussopt après cette annonce. Le ministre du travail a dénoncé le nombre important d’amendements et sous-amendements déposés par l’opposition. « Déni démocratique », « mépris stratosphérique » des parlementaires, « 49.3 déguisé »… L’annonce de l’exécutif a provoqué l’indignation des élus de gauche. L’application du vote bloqué, « c’est la Constitution, ça n’est pas une application illibérale de notre loi fondamentale », leur a répondu Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, ajoutant que « la cause, c’est vous [la gauche], c’est votre obstruction ».
Au cours d’une conférence de presse en début d’après-midi, le président des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, a assuré que les groupes de gauche allaient « continuer à siéger et n’abandonner[aient] pas les Français ». « Nous défendrons les derniers amendements qui nous sont donnés, presque par forme d’aumône », a-t-il ajouté, suivi par la présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, qui a assuré qu’ils iraient « jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire pour que ce texte ne soit pas soumis au vote ».
Septième mobilisation contre la réforme des retraites samedi
Emmanuel Macron a, par ailleurs, assuré aux syndicats, dans une lettre datée de jeudi, que le gouvernement restait « à l’écoute » mais que la réforme des retraites s’imposait. Il a assuré, dans une lettre, ne pas « sous-estimer » le « mécontentement » et les « angoisses » des Français. Interrogé sur le sujet en marge de sa rencontre avec le premier ministre britannique, Rishi Sunak, vendredi, le président français a laissé entendre qu’il n’excluait rien, y compris le recours à l’adoption sans vote par l’utilisation du 49.3. « Il se trouve que le Parlement suivra les termes de notre Constitution pour qu’un texte législatif puisse aller à son terme (…) ni plus ni moins », a-t-il assuré, se refusant à « faire ici de [la] politique-fiction ».
Les débats au Sénat devaient durer jusqu’à dimanche soir et, bien que le vote bloqué vise à accélérer les discussions, il se pourrait qu’elles se poursuivent jusqu’à l’expiration du délai. A l’issue de la période, le texte prendra le chemin d’une commission mixte paritaire (CMP) dont l’objectif est de trouver un accord entre les deux assemblées. Cette CMP devrait se tenir autour du mercredi 15 ou du jeudi 16 mars.
Cette décision du gouvernement intervient la veille de la septième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, prévue pour samedi. La sixième, mardi 7, avait connu une affluence record avec 1,28 million de manifestants en France, selon le ministère de l’intérieur (3,5 millions, selon la CGT). Alors que les mouvements se poursuivent dans certains secteurs, notamment les transports et les raffineries, l’intersyndicale espère faire descendre dans la rue ceux qui ne peuvent pas se permettre de faire grève. Une huitième journée de manifestations est d’ores et déjà prévue pour le jour de la CMP.