Les éboueurs en grève contre la réforme des retraites, les déchets s’accumulent à Paris et dans plusieurs villes de France
Ça ne sent pas bon. A Paris, Saint-Brieuc, Rennes, Nantes ou encore Le Havre, la grève des éboueurs contre la réforme des retraites commence à faire monter le volume des déchets qui s’amoncellent sur les trottoirs, suscitant l’inquiétude des riverains, voire des tensions politiques.
Mardi 14 mars, éboueurs et agents chargés de la propreté de la Ville de Paris ont voté la poursuite de la grève « au moins jusqu’au 20 mars », lors d’une assemblée générale sur le site d’incinération d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Sur le terrain, la situation varie selon les secteurs, les plus touchés étant les dix arrondissements où la collecte est assurée par les agents de la mairie. Mais même dans ceux gérés par des prestataires privés, la collecte est perturbée puisque les trois usines d’incinération, à Ivry-sur-Seine, Issy-les-Moulineaux et Saint-Ouen, qui dépendent du Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers, sont bloquées.
Lundi à Paris, 5 600 tonnes restaient non ramassées, selon la mairie, un volume qui augmente chaque jour. Et « le conflit se durcit » avec le blocage du dépôt de Pizzorno, opérateur privé, prévient l’adjointe (PS) à la propreté, Colombe Brossel. Que ce prestataire envoie en renfort dans la capitale des agents depuis ses bases du Var et de la Côte d’Azur a suscité la polémique, selon Nice-Matin. « On a donné un coup de main à nos collaborateurs parisiens », a expliqué le directeur général de l’entreprise, Frédéric Devalle, selon le journal régional.
Les grévistes restent déterminés à poursuivre leur action au moins jusqu’à mercredi, jour d’examen du projet de loi en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs, jour de manifestation également – la préfecture de police a d’ailleurs demandé à la Mairie de Paris de faire le nécessaire pour que les ordures soient retirées sur le parcours du cortège, selon BFM-TV. La CGT rappelle que les éboueurs et les conducteurs peuvent pour l’heure prétendre à la retraite à 57 ans sans bonification, un âge repoussé à 59 ans en cas d’adoption de la réforme.
C’est aussi pour une revalorisation indiciaire qu’ils sont mobilisés, car leur déroulement de carrière se négocie directement avec la mairie. La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, se retrouve dans une situation inconfortable, elle qui a décrété la mairie « solidaire avec le mouvement social ».
L’opposante (Les Républicains, LR) Rachida Dati réclame « la mise en place d’un service minimum pour le ramassage des ordures », et dans l’immédiat « de faire appel à des entreprises d’insertion ». Service minimum ou prestations, « c’est interdit sur le plan juridique », a répondu le premier adjoint (PS), Emmanuel Grégoire, pour qui les réquisitions sont « une initiative et compétence légale qui relèvent de l’Etat ». Le maire (LR) du 17e arrondissement, Geoffroy Boulard, a pour sa part assuré sur Twitter qu’il en avait appelé au préfet pour que les centres de traitement des déchets soient « libérés ».
Ciblant Anne Hidalgo, le ministre des transports, Clément Beaune, a pourfendu un « énième exemple d’inaction et de mépris des Parisiens ». « C’est une situation nationale à laquelle d’autres villes sont confrontées », lui rétorque le bras droit de la maire en citant Nantes, Antibes, Saint-Brieuc ou Le Havre.
De fait, la collecte est perturbée à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), où le mouvement a débuté le 7 mars, selon l’agglomération. A Nantes, le mouvement « est prévu pour durer au moins jusqu’au mercredi 15 mars. Jusqu’à cette date, il est demandé aux usagers de rentrer leur bac et de le sortir à la prochaine collecte, aucun rattrapage n’étant prévu », a écrit Nantes Métropole sur Twitter.
« Ça va déborder de partout »
A Bourges aussi, la collecte a été perturbée mardi, d’après France Bleu, le site de Suez étant bloqué de 4 h 30 à 9 heures par une cinquantaine de salariés et de délégués syndicaux. Pour les jours à venir, « l’agglomération et son prestataire veilleront à ce que les moyens mobilisables soient équitablement répartis sur tous les secteurs pour éviter l’amoncellement des ordures ménagères », a déclaré la communauté d’agglomération Bourges + dans un communiqué.
Situation comparable au Mans, selon Actu.fr, où le centre de gestion des déchets de la Chauvinière est bloqué depuis lundi. Les véhicules de collecte « peuvent passer au four parce qu’il n’est pas bloqué, mais il y a quand même un ralentissement considérable des tournées », a précisé un représentant de la CGT.
L’agglomération de Rennes était entrée dans la danse lundi, avec les trois sites de collecte de la ville au point mort, selon France 3. A Pacé, dans la banlieue rennaise, « on ramassera les déchets quand la réforme sera jetée », pouvait-on lire sur une banderole. Et une militante FO de prévenir : « Si les poubelles ne sont pas vidées, ça va forcément déborder de partout dans les communes. » Anthony, chauffeur ripeur, constate un effet d’entraînement entre les différentes mobilisations d’éboueurs : « Puisque ça marche à Paris, Montpellier ou Marseille, pourquoi pas à Rennes. »