Réforme des retraites : « Trois mois de tensions, de déceptions, d’incompréhensions n’auront pas entamé les nerfs de la cheffe du gouvernement »
La question politique de la semaine concerne un personnage que l’on a cru marginalisé par le quinquennat et qui, en période de crise, se révèle à la fois pugnace et téméraire.
La première ministre est la vedette du drame annoncé jeudi 16 mars à l’Assemblée nationale. Qu’Elisabeth Borne parvienne à faire voter la réforme des retraites sur le fil du rasoir, sans avoir à engager la responsabilité de son gouvernement comme elle prétend crânement y parvenir, et son aura grandira. Qu’elle échoue et elle aura servi de bouclier au président de la République au risque de se transformer rapidement en fusible.
« Dans ce régime, tout ce qui est réussi l’est grâce au président de la République. Tout ce qui ne va pas est imputé au premier ministre », constatait, en toute connaissance de cause, Jacques Chaban-Delmas, remercié de Matignon par Georges Pompidou après trois ans de bons services, en 1972.
Trois mois de tensions, de déceptions, d’incompréhensions n’auront pas entamé les nerfs de la cheffe du gouvernement qui répète à qui veut l’entendre qu’« elle ne veut pas du 49.3 » et qu’« une majorité est possible ». Certes, le texte vient d’être adopté au Sénat au prix d’un recours au vote bloqué. Il a de grandes chances de survivre à la commission mixte paritaire prévue mercredi 15 mars. Il faut néanmoins chausser des lunettes très roses pour penser que le film se déroulera normalement à l’Assemblée nationale. En réalité, peu de députés ont envie d’engager leur crédit politique sur un projet resté impopulaire du début à la fin. Seule la perspective d’une crise politique dont personne ne maîtrise les aboutissants semble de nature à limiter les dissidences.
La dramatisation autour d’un éventuel recours au 49.3, qualifié de « vice démocratique » par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, la convergence des appels au référendum d’abord lancés par le Rassemblement national et La France insoumise puis repris à leur compte par l’intersyndicale et le reste de la gauche peuvent paradoxalement aider la cheffe du gouvernement à souder in extremis une courte majorité avec le renfort de la droite.
Ce serait bien la première fois depuis le début du conflit que Laurent Berger donne un coup de pouce à la première ministre. Dans un entretien au Journal du dimanche publié samedi 11 mars, le cédétiste concède que si le texte est voté normalement, « il faudra en prendre acte ». Façon de relégitimer la démocratie représentative face au pouvoir de la rue, à un moment où tout vacille.
Concéder dans le vide
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