Climat : pourquoi le nouveau rapport du Giec est différent des précédents

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À chaque publication d’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les scientifiques craignent que leur travail ne soit éclipsé par l’actualité : la guerre en Ukraine, la réforme des retraites… Mais lundi 20 mars, c’est un problème technique aux Nations unies qui a muselé le Giec.

Pendant près de trente minutes, les intervenants de la conférence de presse ont vu leur micro coupé sur Internet, y compris le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, au grand dam des trois mille journalistes du monde entier qui étaient connectés. La situation a finalement été rétablie et le rapport de synthèse clôturant le sixième cycle de travail du Giec, lancé en 2015, a été présenté. Un document crucial pour l’avenir de l’humanité et du vivant sur Terre.

Ce rapport est très différent des précédents, ceux qui ont été publiés jusqu’à 2014, car il ne cherche pas à prouver l’existence du réchauffement climatique, ni même son attribution à l’activité humaine. Il considère ces faits comme prouvés, tout en continuant de les documenter le plus précisément possible.

Cela permet aux scientifiques de faire la part belle aux solutions destinées à limiter le réchauffement climatique et à s’y adapter. L’étape d’après, en quelque sorte, n’en déplaise aux climatosceptiques, qui resteront sur le quai.

La technologie seule ne suffira pas

Il s’agit ainsi du premier rapport de synthèse destiné à informer les décideurs et le public sur les solutions concrètes pour limiter le réchauffement, et les perspectives de vie dans un monde plus chaud où les événements catastrophiques seront plus nombreux et plus violents.

Le tout avec une hypothèse de réchauffement de 1,5 °C qui semble déjà hors de portée, compte tenu du peu d’efforts engagés à travers le monde. La planète est déjà 1,1 °C plus chaud en moyenne qu’avant l’ère industrielle. En France, par exemple, le gouvernement planche sur des scénarios au-delà de 3 °C de réchauffement à l’horizon 2100…

À LIRE AUSSILe chauffage au bois, premier pollueur et fléau pour la santé « Nous proposons une étude détaillée des bénéfices et des concessions liés aux solutions d’adaptation et de limitation du réchauffement climatique », a expliqué le président du Giec, le Sud-Coréen Hoesung Lee, en réponse à une question du Point sur les nouveautés de ce rapport.

« La principale différence avec les rapports précédents est que nous proposons un large panel d’options d’adaptation, qui dépendent du contexte dans lequel elles sont appliquées : une solution peut être très utile quelque part, mais contre-productive ailleurs », a renchéri l’Indienne Aditi Mukherji, autrice principale et coordinatrice scientifique du rapport, tout en prévenant que « la technologie seule ne nous mènera pas » à un modèle soutenable.

Des « bénéfices collatéraux »

« Ce rapport montre aussi que la réduction des émissions est plus urgente que ce que les précédents rapports évoquaient : l’action durant cette décennie est cruciale pour s’assurer un futur vivable », a, de son côté, expliqué le chercheur sud-africain Christopher Trisos.

« Nous nous intéressons aussi aux bénéfices collatéraux des solutions d’adaptation et de limitation du réchauffement, par exemple la réduction des gaz à effets de serre, qui s’accompagne généralement d’une réduction des émissions de polluants néfastes pour la santé humaine, ou le basculement vers des régimes alimentaires plus sains qui s’accompagne d’une réallocation des terres au bénéfice de la biodiversité », a-t-il ajouté.

Ainsi, dans tous les domaines concernés, de l’énergie à l’approvisionnement en eau, l’alimentation ou encore la santé, les scientifiques ont décortiqué les solutions pour limiter l’ampleur et les conséquences d’un réchauffement inéluctable, dont seule l’ampleur reste inconnue.

Pour la production énergétique, par exemple, le développement du solaire et de l’éolien tient la tête des recommandations, qui préconisent ensuite la réduction des émissions de méthane, un gaz à effet de serre qui reste moins longtemps dans l’atmosphère mais réchauffe 80 fois plus que le CO2, dans l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz. Le nucléaire, la bioénergie ou encore la géothermie font aussi partie des solutions.

Un « arbre des futurs possibles » qui se ferme

Dans la catégorie « eau, terres et nourriture », la réduction de la reconversion des écosystèmes, notamment l’artificialisation des sols, est la première recommandation, suivie par la séquestration du carbone en agriculture, la restauration d’écosystèmes et la reforestation. La conversion à un régime alimentaire durable et sain, la réduction du méthane en agriculture et la réduction du gaspillage alimentaire sont aussi listées.

Des trajectoires d’évolution ont été dessinées pour l’avenir, en fonction de l’ambition des actions de leur délai de mise en œuvre. Dans cet arbre des futurs possibles, les branches les plus optimistes deviendront inaccessibles très rapidement si le monde poursuit sur sa lancée actuelle plusieurs années.

Mais malgré le rappel des conséquences humaines, sociales, biologiques et financières catastrophiques qui accompagneront ces changements, il n’est pas certain que ce nouveau rapport suffise à motiver les décideurs politiques et privés.

Source: lepoint.fr