Réforme des retraites : la nouvelle défaite de LR

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A l’heure des comptes, le bilan est cruel : deux mois durant, les députés Les Républicains (LR) ont réussi à jouer avec les nerfs du gouvernement à propos de la réforme des retraites, sans en tirer le moindre gain. Le parti sort du débat parlementaire plus divisé que jamais et sans autorité pour siffler la fin de la partie.

Les dix-neuf députés (un tiers de l’effectif) qui ont bravé lundi 20 mars les consignes d’Olivier Marleix, le président du groupe, et d’Eric Ciotti, le patron du parti, apparaissent hors de contrôle. Ils ont soutenu la motion de censure présentée par le groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Trois sont même allés jusqu’à voter le texte déposé par le Rassemblement national (RN).

La retraite à 64 ans qu’ils combattent farouchement ressemble pourtant comme une sœur au projet défendu par la droite depuis des années. Elle a fait l’objet d’intenses négociations entre le gouvernement et les responsables du parti. Le texte a été amendé et soutenu par la majorité sénatoriale de droite. Au moment de le voter, jeudi 16 mars, une trentaine de députés se sont dérobés, forçant le gouvernement à engager sa responsabilité. Quatre jours plus tard, les irréductibles ont tenté de le faire chuter en mêlant leurs voix à celles de la gauche et du RN. Pour Elisabeth Borne, cela s’est joué à neuf voix près.

Deux lignes radicalement opposées

Dix mois après le cuisant échec de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle, il était normal que le parti veuille tout remette à plat. Le droit d’inventaire est une condition sine qua non du rebond, mais l’image renvoyée est celle d’une direction totalement impuissante à canaliser le choc entre deux lignes radicalement opposées, reflet d’intérêts locaux et de calculs politiques divergents.

Aux LR des villes s’opposent les LR des campagnes, désormais surreprésentés au sein du groupe des députés. Les premiers cherchent en priorité à reconquérir les électeurs partis chez Emmanuel Macron, les seconds, en confrontation directe avec le Rassemblement national, prétendent ressusciter la ligne sociale du RPR. Hors de question pour eux de cautionner la réforme des retraites ou de servir de béquille au président de la République.

Le positionnement trouble de Laurent Wauquiez, qui a avalisé du bout des lèvres la retraite à 64 ans sans pour autant dissuader ses partisans, nombreux chez les députés, de la combattre renforce l’impression de déliquescence. Historiquement, la droite républicaine a été forte lorsque, à sa tête, un chef charismatique est parvenu à synthétiser toutes les sensibilités. Dans le cas présent, celui qui prétend porter ses couleurs en 2027 accumule les refus d’obstacle et les coups tactiques.

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes refuse de s’exposer avant les élections européennes de 2024, qui se présentent mal pour LR. En coulisse, en revanche il encourage tout ce qui peut affaiblir Emmanuel Macron et brider les ambitions de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, et de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur.

Le premier à pâtir de ce jeu est Eric Ciotti, qui était pourtant son meilleur allié. Courtisé par Elisabeth Borne, qui lui a beaucoup concédé, le président de LR aurait pu apparaître comme le vainqueur de la réforme des retraites. Au lieu de quoi, il en est réduit à gérer la énième fracture interne, sans pouvoir garantir que le parti ne finira pas à la découpe, aspiré d’un côté par les macronistes, de l’autre par le RN.

Le Monde