Le droit d’asile, partout en France

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Une enquête criminelle ouverte, mercredi 22 mars, par le parquet de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) est chargée d’identifier les auteurs de l’incendie qui a visé, au petit matin, le domicile de Yannick Morez, maire (sans étiquette) de Saint-Brevin-les-Pins, endommageant la maison de l’élu et détruisant ses deux véhicules. Mais il est difficile de ne pas rapprocher cet événement de la série de menaces dont se plaint depuis plusieurs semaines ce maire favorable à l’implantation par l’Etat, dans sa commune, d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), et, plus largement, de l’agitation organisée par l’extrême droite visant à s’opposer à la création de telles structures et à transformer en bataille « identitaire » la question de l’intégration des migrants.

Les militants de Reconquête !, le parti d’Eric Zemmour, ont réussi en janvier, à force de manifestations, d’intimidation des élus et de propagande sur les réseaux sociaux, à amener la municipalité de Callac (Côtes-d’Armor) à renoncer à son projet d’installation progressive de familles de réfugiés. Depuis lors, ils tentent de renouveler l’opération. La commune de Saint-Brevin-les-Pins, où un CADA doit être implanté dans un local désaffecté proche d’une école, est devenue l’une des nouvelles cibles de leur campagne appelant à « protéger nos enfants des migrants ».

De tels amalgames, porteurs de xénophobie, sont inadmissibles. Les élus qui défendent l’accueil des demandeurs d’asile ou des réfugiés doivent être protégés, les lois réprimant l’incitation à la haine, appliquées, les peurs sur lesquelles veulent jouer les extrémistes, analysées et démontées. En réalité, l’accueil des migrants dans des centres d’hébergement répartis sur tout le territoire ressemble davantage à une réussite à bas bruit qu’au chaos agité par les « identitaires ».

La voie, pragmatique, d’une meilleure répartition

Si la cohabitation entre des étrangers – souvent des hommes seuls – et la population locale ne va pas de soi, de nombreuses communes françaises, de la Corrèze à l’Isère et du Puy-de-Dôme à la Nièvre, ont fait, avec succès, le pari de l’hospitalité et de la solidarité. Des bénévoles participent aux cours de français, des chantiers d’insertion fonctionnent, des écoles se repeuplent et des emplois sont pourvus.

Ces politiques doivent être aidées par l’Etat, responsable de la mise en œuvre du droit d’asile, et développées. La concentration de migrants dans les grandes villes, où ils sont souvent condamnés à la déshérence, faute d’hébergement, est l’une des causes des échecs de l’intégration. Les communes, notamment rurales, qui allient logements vacants, écoles menacées de fermeture et possibilités d’emploi sont des candidates naturelles à l’accueil de petits nombres de demandeurs d’asile. Déjà, chaque mois, près de 2 000 personnes sont, sous peine de perdre leur allocation de demandeur d’asile, « orientées » en région, avec l’accord des élus locaux.

Noyés dans des annonces sur le projet de loi sur l’immigration – aujourd’hui compromis par la crise politique –, les propos d’Emmanuel Macron, en septembre, souhaitant une meilleure répartition des étrangers dans les « espaces ruraux qui, eux, sont en train de perdre de la population » avaient été fustigés par l’extrême droite et critiqués à gauche. C’est pourtant bien la voie, pragmatique, d’une répartition par l’Etat des demandeurs d’asile sur tout le territoire que la France devrait emprunter résolument, à l’instar de l’Allemagne, si elle veut multiplier et banaliser les scénarios d’intégration réussie et marginaliser les semeurs de haine.

Le Monde