Comment Emmanuel Macron s’est résigné à annuler la visite du roi Charles III

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Le roi Charles III, alors prince de Galles, et Emmanuel Macron, à l’occasion de la célébration des 80 ans de l’appel du 18 juin, à Londres, le 18 juin 2020.

Il est un peu plus de 10 heures, ce vendredi 24 mars, quand Emmanuel Macron se résigne. Après un petit-déjeuner avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, en marge du Conseil européen de Bruxelles, le président de la République saisit l’un de ses téléphones portables où a été composé le numéro du roi Charles III. La visite d’Etat prévue du dimanche 26 au mercredi 29 mars est reportée, confirme-t-il au souverain britannique, la mort dans l’âme. Il n’y aura pas de dîner fastueux servi au château de Versailles avec son épouse, la reine consort Camilla, ni de bain de foule royal à Paris suivi d’un discours au Sénat, ni de voyage à Bordeaux en train pour émettre moins de CO2 : tout est annulé. Comment laisser s’aventurer le monarque dans un pays en plein embrasement social ?

Le successeur d’Elizabeth II se réjouissait de cette première visite officielle. Mais « c’est comme ça, on n’a pas le choix », soupire sur la BBC Sir Peter Westmacott, l’ex-ambassadeur britannique en France. Les mobilisations populaires provoquées par la réforme des retraites, décrites outre-Manche comme des « manifestations à la française », prennent un tour inquiétant. La veille, plus d’un million de personnes ont encore défilé dans les rues de Paris et de province pour s’opposer à la loi qui recule de 62 à 64 ans l’âge de départ à la retraite, adoptée sans vote par 49.3. Aux cortèges pacifiques a succédé une nuit incandescente : dans les rues jonchées d’ordures depuis la mise en grève des éboueurs, les poubelles flambent. A Bordeaux, la porte de l’hôtel de ville est incendiée. Et une nouvelle journée de mobilisation est annoncée par l’intersyndicale pour mardi 28 mars.

Officiellement, entre Paris et Buckingham Palace, il s’agit d’une décision diplomatique conjointe. Mais les Britanniques précisent que l’ajournement résulte de « la demande du président Macron ». « Nous ne serions pas sérieux (…) à proposer à Sa Majesté le roi et la reine de venir faire une visite d’Etat au milieu des manifestations », justifie Emmanuel Macron depuis Bruxelles, vendredi. « A partir du moment où il y avait cette journée qui avait été décidée, le bon sens et l’amitié nous conduisent à proposer un report. Ce qui eut été détestable pour le peuple britannique comme pour nous-même, c’est de continuer de maintenir comme si de rien n’était avec des incidents à la clé », développe le chef de l’Etat en évoquant une visite réorganisée « au début de l’été », « quand le calme sera revenu ».

Problèmes « logistiques »

« On se sentait parfaitement capable de maintenir l’ordre, mais à quel prix ! », précise l’Elysée qui souligne les problèmes « logistiques » liés au TGV que le roi tenait à prendre en pleine grève afin de rejoindre Bordeaux, la ville d’Aliénor et d’Henri II Plantagenêt. Depuis le déclenchement du 49.3, la radicalisation de la contestation a mis sous tension les forces de l’ordre. Jeudi 23 mars, quelque 12 000 CRS, policiers, gendarmes, BRAV-M ont été mobilisés, dont 5 000 à Paris. Les manifestations antibassines programmée à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars obligent au déploiement de 3 200 policiers et gendarmes. Avec une visite royale, le point de « rupture capacitaire », c’est-à-dire le nombre maximal d’effectifs mobilisables, aurait été atteint, mettent en garde différentes sources policières. Au sommet de l’Etat, la peur d’un dérapage fatal d’un policier ou d’un gendarme entraînant la mort d’un manifestant plane dans les esprits depuis le rejet des motions de censure, lundi.

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