« L’inflation, c’est un rouleau compresseur, on n’en peut plus ! »

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C’est la première fois que Séverine (les personnes citées par leur prénom ont souhaité garder l’anonymat) pousse la porte de La Passerelle, une épicerie solidaire installée dans le quartier populaire de Moulins, à Lille. « Une voisine m’en a parlé. On ne s’en sort plus », murmure la femme, divorcée, mère de deux enfants. « Si cela continue, on va devoir choisir entre payer les factures et manger », confie celle qui n’avait « jamais imaginé en arriver là ». Elle travaille comme aide à domicile, des semaines de vingt ou de vingt-huit heures, c’est selon. « Même chez Lidl, c’est devenu trop cher. » Elle va aussi à Carrefour ou à Intermarché, en fonction des promotions annoncées sur les prospectus. « Mais, du jour au lendemain, on voit des produits qui augmentent. Ça devient fou. »

Anthony est agent de sécurité, il travaille à temps plein. « Je ne prends plus ma voiture pour aller bosser. J’y vais à pied. Trois quarts d’heure de marche, matin et soir. » Sa facture de gaz et d’électricité a augmenté de 60 euros. Il rogne sur tout. « Les fruits et légumes, c’est devenu des produits de luxe. Même les œufs ont augmenté. » A La Passerelle, ce lundi 6 mars, les tomates sont à 50 centimes d’euro le kilo, la boîte de lait maternel à 3 euros, « alors qu’en magasin classique, ça peut tourner entre 20 et 25 euros », précise Linda Motrani, la présidente de l’association qui gère l’épicerie solidaire ouverte en 2012.

Elle peut compter, pour le frais surtout, sur les achats faits auprès de la plate-forme de l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes) et sur les hypermarchés où La Passerelle récupère des invendus. « Mais ils ont mis en place des bacs antigaspillage pour leurs clients. On a moins de dons. Cela devient compliqué pour tenir des prix entre 20 % et 30 % de ceux pratiqués dans les magasins classiques. »

« Humiliant »

Quelque 900 familles sont inscrites à La Passerelle, où elles paient une cotisation de 3 euros tous les six mois pour faire leurs courses. « Depuis janvier, on a 30 % d’inscrits en plus, constate Mme Motrani. Des gens qu’on n’avait jamais vus et, de plus en plus, qui travaillent. Je suis d’une nature optimiste, mais, là, ça fait peur. »

Ouarda travaille comme médiatrice sociale à La Passerelle. Elle a bien remarqué que, « maintenant, les gens prennent plus de temps à compter leurs courses ». Dans ce magasin qui ressemble à n’importe quelle petite supérette de quartier, avec ses paniers à l’entrée, ses deux caisses pour payer ses achats, Nelly a hésité devant des plaquettes de chocolat, avant de renoncer. Veuve, elle a trois enfants et vient régulièrement depuis quelques mois, « en complément des rayons discount des supermarchés. Le fromage, le beurre, le lait, l’huile, tout a trop augmenté. Même le Sopalin. Il est passé de 1,75 euro les quatre rouleaux, à 2,32 euros pour deux ! »

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