Dissolution de la BRAV-M : quelles étapes doit franchir la pétition pour être examinée à l’Assemblée ?

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Un manifestant tient une pancarte demandant la dissolution de l’unité de forces de l’ordre de la BRAV-M, lors de la dixième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, à Paris, le 28 mars 2023.

Elle est devenue virale en l’espace d’une semaine. La pétition réclamant la dissolution de la très contestée Brigade de répression de l’action violente motocycliste (BRAV-M), mise en ligne le 23 mars sur la plate-forme de l’Assemblée nationale, a passé la barre des 200 000 signatures jeudi 30 mars, sur fond d’escalade de la violence dans le mouvement de contestation de la réforme des retraites, et à la suite de violents affrontements entre militants écologistes et forces de l’ordre à Sainte-Soline, samedi 25 mars, deux jours après son dépôt.

Depuis la création de la plate-forme dédiée au dépôt de pétitions par l’Assemblée nationale, fin 2020, cette pétition est la première à atteindre plus de 100 000 signatures. Si elle aboutissait à un débat en séance à l’Assemblée, il s’agirait également d’une première, puisque jusqu’ici, aucune des 827 déposées en ligne n’a jamais franchi les étapes nécessaires.

A partir de combien de signatures une telle pétition peut-elle être examinée par les députés ? Dans quel cadre et sous quelles autres conditions ? Voici tout ce qu’il faut savoir sur la procédure pétitionnaire à l’Assemblée nationale et ses possibles débouchés.

• La procédure de dépôt et signature en bref

Toute personne majeure, de nationalité française ou résidant régulièrement en France peut déposer ou signer une pétition sur la plate-forme des « pétitions citoyennes de l’Assemblée nationale ».

Celle « pour la dissolution de la BRAV-M », l’a été par un dénommé Yann Millérioux, délégué syndical et militant de gauche de Seine-Saint-Denis. Elle a été mise en ligne jeudi 23 mars, après la validation de sa recevabilité par les services de l’Assemblée. L’initiative est notamment soutenue par des élus de gauche, au premier rang desquels l’ensemble des députés « insoumis », ainsi que plusieurs élus écologistes.

Comme pour toute pétition déposée sur la plate-forme, il est nécessaire de s’identifier via son compte FranceConnect pour en devenir signataire. Un compte anonyme est alors généré afin de garantir « à la fois l’anonymat de tous les signataires et le fait que chaque pétition ne puisse être soutenue qu’une seule fois par une personne physique majeure ».

« Par défaut, la date limite de recueil des signatures est fixée à la fin de la législature en cours, c’est-à-dire cinq ans après les dernières élections législatives », précise le site. La pétition pour la dissolution de la BRAV-M s’est donc vu apposer à son dépôt une date limite au 15 juin 2027. Par ailleurs, à la fin de chaque législature, « toutes les pétitions deviennent caduques » et sont classées automatiquement.

• Une fois en ligne, un possible examen en commission

Toute pétition déposée sur la plate-forme et dépassant le cap des 100 000 signatures, comme l’a atteint dès lundi 27 mars celle visant à interdire la BRAV-M, se voit accorder « plus de visibilité », par sa mise en ligne sur le site de l’Assemblée nationale, en plus de sa présence sur la plate-forme indépendante dédiée à leur dépôt. Une pétition qui atteint les 100 000 paraphes se voit par ailleurs fixer une nouvelle date limite de recueil des signatures, à un an après la date de franchissement de ce seuil.

Conformément à la procédure, toute pétition mise en ligne est rattachée à l’une des huit commissions permanentes du Palais-Bourbon, en fonction de sa thématique. Celle visant à interdire la BRAV-M a été rattachée à la commission des lois, présidée par le député Sacha Houlié (Renaissance). Ses membres doivent ensuite désigner un député-rapporteur, référent de sa commission sur les pétitions qui lui incombent.

Il lui revient alors la responsabilité de décider des suites éventuelles à donner à la pétition. « Sur la proposition du rapporteur, la commission décide [ensuite], suivant les cas, soit de classer la pétition, soit de l’examiner », souligne le règlement de l’Assemblée. Dans le cadre de pétition BRAV-M, c’est Eric Poulliat, député Renaissance de Gironde, qui a été nommé à ce poste, mercredi 29 mars. Il doit soumettre sa décision, mercredi 5 avril après-midi, aux 73 membres de la commission qui se prononceront par un vote.

Dans le cas où la commission décide de débattre de la pétition qui lui est soumise, elle peut « associer à ses débats les premiers signataires de la pétition ». A l’issue de ces derniers, elle doit ensuite publier « un rapport reproduisant le texte de la pétition ainsi que le compte rendu de ses débats ».

En revanche, dans le cas où une pétition est classée par la commission, « celle-ci est fermée à la signature », comme 67 pétitions l’ont déjà été depuis 2020 – la plupart du temps en raison de la fin du délai pour recueillir les signatures nécessaires –, sans qu’aucun recours ne soit possible de la part de ses auteurs. Une voie de recours existe néanmoins si n’importe quel député « demande à la conférence des présidents qu’une pétition classée par la commission fasse l’objet d’un débat en séance publique, à la condition que cette demande soit formulée dans un délai de huit jours suivant la décision ».

Dans le cas de la pétition BRAV-M, « il ne faudra pas lire la décision du rapporteur ni le résultat du vote en commission comme “pour ou contre” la dissolution de la BRAV-M. Ce n’est pas une commission d’enquête. A cette étape, nous sommes appelés à statuer sur la recevabilité de la pétition, avant la potentielle tenue d’un débat », souligne M. Poulliat auprès du Monde.

• Les conditions d’un débat en séance publique

C’est l’étape ultime visée par les signataires de toute pétition déposée sur la plate-forme : l’examen de son contenu par les députés en séance publique, lors d’un débat sans vote. La décision revient quoi qu’il arrive à la conférence des présidents de l’Assemblée, qui peut organiser la tenue d’un tel débat si :

  • la pétition « a été signée par plus de 500 000 personnes, domiciliées dans au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer » et que la demande d’examen « a été formulée par le président de la commission compétente ou un président de groupe politique » ;
  • un député a déposé un recours auprès de la conférence des présidents à l’issue du classement de la pétition en commission.

Que se passe-t-il si une pétition atteint les 500 000 signatures avant même son examen en commission, soit avant l’échéance de mercredi 5 avril, en ce qui concerne la pétition demandant la dissolution de la BRAV-M ? Le règlement ne prévoit pas ce cas de figure. La conférence des présidents devrait attendre que la commission rende son rapport avant l’inscription du débat en séance publique, précise-t-on dans l’entourage de la présidence de l’Assemblée.

Si la commission juge cette pétition irrecevable, la conférence des présidents pourrait se réserver la possibilité de la soumettre malgré tout au débat des députés en hémicycle. Quoi qu’il arrive, la décision finale revient à la conférence des présidents, dont les arbitrages ne peuvent subir aucun recours.