« L’amateurisme de l’exécutif sur les retraites contraste avec l’image de sérieux et d’efficacité de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 »

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« Nous sommes dans une société qui vieillit, c’est une chance. Il est donc normal que nous travaillions plus longtemps. » Si l’on avait dit à Emmanuel Macron, il y a un an presque jour pour jour, lors de la présentation de son programme pour l’élection présidentielle de 2022, que l’un de ses principaux points amènerait la France à sa plus grave crise politique et sociale depuis les « gilets jaunes », aurait-il tout de même soutenu la nécessité « d’augmenter l’âge légal [de la retraite] progressivement (…) jusqu’à 65 ans » (objectif ramené à 64 ans depuis) ? Bien malin qui pourrait aujourd’hui le dire.

Douze mois et dix journées de manifestations plus tard, force est de constater l’échec de l’exécutif à convaincre. Non seulement le gouvernement n’est pas parvenu à fédérer une majorité politique solide autour de son objectif et a choisi de recourir à l’article 49.3 pour faire adopter sans vote le projet de loi, mais en plus il est apparu comme celui qui refuse la main tendue des syndicats, dont le président a encore regretté, le 22 mars à la télévision, « qu’aucun (…) n’ait proposé un compromis ». Ce faisant, il s’est privé de relais bienvenus dans un moment de tension sociale inédite.

Il y a toutefois plus étonnant. Avant même les crispations sociales qui ont suivi le recours au 49.3, les erreurs de communication et autres approximations sur le fond ont émaillé les débats politiques puis parlementaires. Ce sont les critiques émanant d’un public pourtant bienveillant lors des premières réunions publiques menées en janvier par le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, ou le ministre du travail, Olivier Dussopt, durant lesquelles il était déjà bien difficile de distinguer ce qui relevait de la réforme actuelle ou des précédentes (réforme Touraine de 2014 instaurant quarante-trois annuités de cotisation pour une pension à taux plein, suppression progressive des régimes autonomes…).

Parfum d’amateurisme

C’est le mot de « justice » choisi par la première ministre, Elisabeth Borne, pour qualifier sa réforme, alors même qu’il s’agit pour tous de travailler davantage – même si les métiers pénibles partent toujours deux ans avant les autres. C’est la polémique sur l’emploi des seniors, d’abord présenté par certains membres du gouvernement comme une conséquence mathématique du report de l’âge, avant que ne soient évoquées des mesures d’accompagnement pour soutenir l’embauche des plus de 50 ans.

C’est le loupé sur les bénéficiaires des 1 200 euros de pension minimale : M. Dussopt a d’abord affirmé que quarante mille personnes profiteraient de cette revalorisation, avant de se rallier fin février à la fourchette de dix mille à vingt mille vérifiée par le socialiste Jérôme Guedj. C’est, enfin, le caractère allusif de l’étude d’impact de la réforme sur de nombreux points, à commencer par les aspects « redistributifs » du texte : à qui profitera-t-il et dans quelle mesure ?

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