« La Cour de cassation a fait un pas important dans la protection effective des lanceurs d’alerte »

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L’arrêt rendu le 1er février par la chambre sociale de la Cour de cassation ouvre très opportunément une petite porte qui devrait permettre aux lanceurs d’alerte d’échapper aux lenteurs endémiques de la justice française. Faut-il rappeler que l’Etat est régulièrement condamné pour violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacre le droit d’être jugé dans un « délai raisonnable » ?

S’agissant plus spécifiquement des lanceurs d’alerte qui peuvent être victimes de licenciements en représailles de leurs alertes, le parcours prud’homal dure rarement moins de huit à dix années. C’est la raison pour laquelle le législateur est intervenu en décembre 2016, dans le cadre de la loi Sapin II, depuis modifiée par la loi dite Waserman du 21 mars 2022, pour conférer au juge prud’homal de référé un domaine d’intervention spécifique pour connaître de la contestation de tels licenciements et du droit à la réintégration.

Les lanceurs d’alerte étant considérés à juste titre comme un rouage essentiel de nos sociétés démocratiques, c’était là le moins que le législateur puisse faire pour les aider à faire reconnaître leurs droits dans un délai (presque) raisonnable, puisque même dans le cadre d’une procédure de référé, il faut bien compter trois à quatre années avant d’aboutir à une décision définitive en cas d’appel voire de cassation.

Mais en lui conférant cette compétence spécifique par la loi du 9 décembre 2016, quelle marge de manœuvre le législateur a-t-il voulu conférer au juge prud’homal de référé ? Deux conceptions s’opposaient, l’une restrictive, l’autre indubitablement plus protectrice des lanceurs d’alerte et, au-delà, de l’intérêt général.

Régime favorable de charge de la preuve

La première s’en rapportait à la lettre de l’article R. 1455-6 du code du travail, qui ne permettait au juge de référé de considérer qu’un licenciement était discriminatoire que si les faits rapportés constituaient un « trouble manifestement illicite ». Compétence classique du juge des référés donc, qui se refuse ainsi à examiner le fond de l’affaire et qui ne se déclare compétent qu’autant que l’illicéité est « manifeste », puisqu’il est le juge de l’évidence.

Or lorsqu’une entreprise s’emploie à licencier un lanceur d’alerte par représailles, l’enjeu est de maquiller le fait générateur expliquant sa décision de licencier en rapportant, par exemple, que le salarié aurait prétendument commis des fautes dans l’exécution de son contrat ou en soulevant des griefs interpersonnels anodins. C’est à cette conception restrictive que la chambre sociale de la Cour de cassation vient d’apporter un coup d’arrêt, en consacrant la seconde conception, considérablement plus protectrice et alignée sur l’esprit du législateur.

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