Elisabeth Borne annonce le report du projet de loi sur l’immigration voulu par Emmanuel Macron

C’était l’annonce la plus attendue de la prise de parole d’Elisabeth Borne, mercredi 26 avril, depuis l’Elysée. Ce fut en réalité un report : le projet de loi immigration, présenté comme la future grande épreuve du feu après la réforme des retraites, est ajourné à l’automne.
La cheffe du gouvernement s’exprimait dans le cadre d’une présentation de sa feuille de route pour les « cent jours d’apaisement » et « d’action » décrétés le 17 avril par Emmanuel Macron, pour tenter de tourner la page de la réforme des retraites.
« Aujourd’hui, il n’existe pas de majorité pour voter un tel texte, comme j’ai pu le vérifier [mardi] en m’entretenant avec les responsables des Républicains. Ils doivent encore dégager une ligne commune entre le Sénat et l’Assemblée », a justifié la première ministre, comme en écho à la séquence des retraites où le soutien d’une partie des députés LR lui a fait défaut.
Sur l’immigration, « si nous ne pouvons pas trouver d’accord global, nous présenterons en tout état de cause, un texte à l’automne avec, comme seule boussole, l’efficacité », a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, « ça n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays », a ajouté Elisabeth Borne au sujet de ce texte porté par les ministres de l’intérieur, Gérald Darmanin, et du travail, Olivier Dussopt.
Sur cette thématique, il s’agit d’une péripétie supplémentaire alors qu’Emmanuel Macron avait évoqué « un seul texte » dimanche, après avoir lui-même annoncé, le 22 mars, un découpage du projet pour n’en garder que les aspects les plus consensuels, faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale. La manœuvre avait suscité de l’hostilité à droite comme à gauche, Gérald Darmanin plaidant lui-même pour « un projet de loi fort ».
Les Républicains, qui détiennent les clés du Sénat, ne cessent de faire monter les enchères depuis des mois sur ce sujet hautement symbolique pour leur camp.
Alors que le gouvernement promet l’équilibre entre expulsions des étrangers qui menacent l’ordre public et meilleure intégration des sans-papiers – notamment par la régularisation des travailleurs dans les secteurs en « tension » –, les propositions de LR sont radicales : « Plus aucun droit pour les clandestins, plus de prestations sociales dès le premier jour pour les réguliers », ou encore traiter « les demandes d’asile à la frontière », selon le patron de la droite, Eric Ciotti. « Est-ce que M. Macron est prêt à inscrire tout cela dans la loi ? J’en doute, et je doute aussi qu’on ait la capacité au Parlement à faire adopter un texte compte tenu même des oppositions dans la majorité », a-t-il résumé.
Pour montrer que l’exécutif agit sur cette « priorité » sans attendre une loi, la première ministre a annoncé la mobilisation « dès la semaine prochaine » de « cent cinquante policiers et gendarmes supplémentaires dans les Alpes-Maritimes » pour faire « face à une pression migratoire accrue à la frontière italienne ».
« Sans souffle », « creux », « beaucoup de bla-bla »
Les oppositions ont jugé durement l’intervention d’Elisabeth Borne.
« Une feuille de route accidentée », a critiqué le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, demandant dans un tweet si la cheffe du gouvernement, « sans souffle, ni moyens d’agir seule », osera « demander la confiance du Parlement ».
« Quand un gouvernement ne peut plus gouverner, même pour des décisions stupides, faute de majorité, c’est qu’il doit s’en aller lui et ses réformes », a estimé le chef de file des « insoumis », Jean-Luc Mélenchon, sur Twitter également.
La cheffe des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a vu dans cette prise de parole, « un exercice de style creux et inutile. La prochaine fois, pour nous présenter le calendrier de travail parlementaire, un courrier suffira », a-t-elle écrit.
Le chef des communistes, Fabien Roussel, a pour sa part dénoncé dans un tweet « beaucoup de bla-bla pour rien. Rien sur les salaires, rien sur les retraites ».
« Sur cette question fondamentale [de l’immigration], il est plus que jamais nécessaire de recourir à un référendum », a estimé Eric Ciotti.
Eric Ciotti a, en effet, appelé à un référendum pour modifier la Constitution et les engagements de la France en matière de regroupement familial.
La patronne des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, a noté qu’« Emmanuel Macron et Elisabeth Borne n’ont plus rien à dire ni à proposer aux Français. Il n’y a plus de gouvernement à la tête de la France, seulement une administration des affaires courantes ».