Mixité sociale à l’école, un chantier inachevé

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La tentation est forte de regretter qu’une occasion ait été manquée à l’aune des dernières annonces faites par le ministre de l’éducation, Pap Ndiaye, pour favoriser une plus grande mixité sociale à l’école. En remettant au premier plan ce sujet dont il fait une « condition de la réussite de chaque élève » et un moyen, pour l’école de la République, « de tenir sa promesse d’égalité des chances », le locataire de la rue de Grenelle avait affiché de fortes convictions. L’efficacité des moyens présentés pour y parvenir soulève cependant des doutes.

Au terme d’un processus laborieux à l’instant des derniers arbitrages, Pap Ndiaye a dévoilé un plan moins ambitieux que ce que ses multiples déclarations depuis la rentrée avaient laissé entrevoir. Un protocole est signé avec l’enseignement privé, dont l’appui est indispensable et qui assure de sa bonne volonté en la matière, mais aucun engagement contraignant n’a été exigé de lui.Pour le public, le ministre s’en remet aux recteurs d’académie, à qui des objectifs chiffrés ont été fixés. A eux de s’inspirer de la « boîte à outils » d’idées proposées par le ministère pour faciliter le brassage social entre les établissements qui concentrent des proportions opposées d’élèves issus de milieux défavorisés. Partout, cette ambition dépendra largement du volontarisme des collectivités locales, qui maîtrisent le levier déterminant de la carte scolaire, premier instrument pour agir en faveur de la mixité sociale.

Ségrégation scolaire à bas bruit

La modestie des annonces, qui se résument davantage à une impulsion donnée qu’à de véritables transformations, reflète malheureusement le poids politique d’un néophyte. Emmanuel Macron, qui n’a jamais fait de l’accroissement de la mixité sociale l’une de ses causes nationales, semble avoir estimé que la majorité relative dont il dispose à l’Assemblée nationale ne lui permettait pas de défier la droite de gouvernement sur ce sujet. Cette dernière, qui ne s’est pas privée de hurler préventivement à la guerre scolaire lorsqu’il s’est agi d’impliquer l’enseignement privé, a vite compris qu’elle tenait là un dossier susceptible de masquer ses divisions profondes, mises à nu pendant la bataille des retraites.

Cette droite semble n’avoir cure de ce qu’ont révélé les indices de position sociale (IPS) des lycées. Cet outil statistique, en place depuis 2016, rendu public fin 2022, a pourtant mis au jour la photo d’une ségrégation scolaire à bas bruit qui ne doit laisser personne indifférent.

Les études réalisées à ce jour sur les établissements scolaires qui se sont engagés en faveur d’une plus grande mixité sociale, notamment en Haute-Garonne, sont pourtant de nature à dissiper bien des fantasmes. Les impacts de ces efforts sont certes limités sur les résultats des élèves issus de milieux défavorisés, mais sans que cela pénalise ceux qui viennent du haut de l’échelle sociale. Le principal enseignement est ailleurs : cette plus grande mixité renforce chez tous les élèves la cohésion sociale, l’estime de soi scolaire et un sentiment d’optimisme.

Alors qu’on ne cesse de se lamenter sur la faillite d’un modèle social français, dont l’éducation est la victime collatérale, et sur les ravages de l’entre-soi, ces bénéfices ne peuvent pas être balayés d’un revers de main. Il faut donc espérer que la tentative de Pap Ndiaye ait au moins pour résultat de faire de cet objectif d’une plus grande mixité une préoccupation constante. Nous avons tous à y gagner.

Le Monde



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