« Depuis la pandémie de Covid-19, la boule de cristal des économistes s’est opacifiée jusqu’à la caricature »

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Lorsque, en 1974, l’Autrichien Friedrich von Hayek reçut le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, partagé avec le Suédois Gunnar Myrdal, le petit monde des économistes avait fait part de son émoi : comment un tel idéologue, marqué à la droite extrême, aux penchants interdisciplinaires douteux, pouvait-il mériter une telle distinction ?

La réponse du lauréat fut à la hauteur du dédain qu’exprimaient ses pairs en déclarant que, non seulement les économistes n’étaient pas sûrs de leurs prédictions, mais leur tendance à présenter leurs conclusions avec la certitude du langage scientifique était trompeuse et « peut avoir des effets déplorables ».

Près de cinquante ans plus tard, le jugement tranché de Hayek résonne avec une pertinence troublante. Depuis la pandémie de Covid-19, la boule de cristal des prévisionnistes s’est opacifiée jusqu’à la caricature. Trimestre après trimestre, les anticipations sont systématiquement démenties. Après avoir noirci le tableau postconfinement, ils ont clairement sous-estimé le risque inflationniste. Quant à cette récession qui devait frapper en 2023 une Europe fragilisée par la guerre à ses portes, elle n’aura été qu’un mirage. Comme avait un jour ironisé l’économiste américain Ezra Solomon, « la seule fonction des prévisions économiques est de donner à l’astrologie une apparence respectable ».

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La charge peut sembler facile, car il est bien plus confortable de décrypter le réel une fois que les faits se sont produits. D’autant que la période récente a été particulièrement complexe à appréhender. Un virus aux mutations imprévisibles, une désorganisation des chaînes d’approvisionnement comme jamais l’économie mondiale n’en avait connu, un soutien d’une ampleur inédite décidé dans la précipitation par les gouvernements, une guerre à laquelle personne ne croyait : tout a concouru pour que, sous l’effet de ces chocs successifs, les modèles de calcul volent en éclats et la crédibilité des économistes avec.

L’erreur est la règle

Mais le problème n’est pas uniquement lié à des circonstances exceptionnelles. En 2018, une étude du Fonds monétaire international (FMI), réalisée par Prakash Loungani, Zidong An et Joao Tovar Jalles, avait passé au crible les prévisions de croissance de soixante-trois pays de 1992 à 2014 et avait constaté que sur les soixante récessions recensées, seules deux avaient été anticipées par les économistes.

En 2015, dans un exercice trop rare d’introspection, l’Organisation de coopération et de développement économiques avait eu le courage de revenir sur ses erreurs de prévision de croissance pendant et après la crise financière de 2008. Ce travail avait permis d’identifier une surestimation située dans une fourchette de 0,9 à 1,4 point, un écart considérable dans un contexte de hausse du produit intérieur brut autour de 1 %. Même constat pour les prévisions du gouvernement japonais qui, depuis 2000, pèchent systématiquement par un optimisme outrancier. Plus récemment, le FMI s’est aussi livré à un mea culpa en tentant de comprendre pourquoi l’institution avait mal anticipé le phénomène inflationniste de ces derniers mois.

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