« Et si l’on sortait du manichéisme inflation-dette ? »

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L’inflation et la dette publique font partie de ces sujets qui, lorsque vous vous exprimez à leur propos, laissent présumer vos opinions politiques. A droite, on n’aime ni l’inflation – qui rogne la valeur réelle de l’épargne et du patrimoine – ni la dette publique – considérée comme la marque d’un Etat dispendieux. A gauche, on voit plutôt dans l’inflation une « euthanasie des rentiers » (selon l’expression attribuée à Keynes), utile pour réduire les inégalités, et dans la dette publique l’instrument nécessaire au financement des dépenses utiles à la cohésion sociale.

Logiquement, la combinaison inflation-dette serait perdante pour les premiers, gagnante pour les seconds, qui y voient même de quoi faciliter la dépense publique en faisant fondre la dette. Et si l’on sortait de ce manichéisme ?

D’abord, il n’est pas certain que les riches créanciers pâtissent plus de l’inflation. Car la capacité de chacun à redéployer son épargne ou à réallouer son patrimoine va croissant avec son montant. Les riches créanciers se sépareront aisément de ce qui ne leur rapporte plus assez pour aller vers des supports dont la rémunération compense l’inflation.

En revanche, le modeste détenteur d’un Livret A s’en tiendra là et verra la valeur réelle de son épargne diminuer si le taux de son livret ne suit pas celui de l’inflation. En l’occurrence, le taux du Livret A français, bien que porté à 3 % en février 2023 (son plus haut niveau depuis 2008), ne compense pas le niveau de l’inflation encore proche de 6 % en ce printemps 2023 : son taux réel est donc négatif.

Effets distributifs inégaux

L’inflation euthanasie donc plus sûrement les petits épargnants que les riches rentiers. John Maynard Keynes (1883-1946) lui-même déplorait les effets distributifs inégaux de l’inflation, craignant qu’elle ne lèse les plus modestes parmi les épargnants, mais aussi parmi les salariés quand ceux-ci n’obtiennent pas une augmentation compensatrice de leur salaire.

Certes, l’inflation a bien provoqué une hausse des salaires nominaux, mais avec retard par rapport à l’inflation (hormis aux Etats-Unis), et pas de façon unitaire : seul le smic est indexé sur l’inflation, et la capacité de négociation salariale reste faible pour les moins bien payés. Et quand la hausse des prix reste portée, comme elle l’est actuellement, par ceux de l’énergie et surtout des matières premières alimentaires, elle pèse plus lourdement dans le panier des ménages modestes. Jouent également, au sein de chaque catégorie de revenu, l’âge et la zone d’habitation, les plus âgés et les plus éloignés des grandes villes se révélant les plus exposés.

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