le texte d’abrogation de LIOT vire à la joute institutionnelle

Une nouvelle crise parlementaire couve sous les cendres encore chaudes de la bataille des retraites. Deux mois après la promulgation de la loi qui repousse l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, l’Assemblée nationale est amenée à se prononcer, le 8 juin, sur la proposition de loi du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) visant à abroger la réforme tant décriée par les syndicats comme dans l’opinion.
Mais la perspective d’un vote des députés sur la mesure d’âge fait l’objet d’une intense bataille de procédures, depuis plusieurs semaines, entre le camp présidentiel et les oppositions. Les élus des trois groupes de la majorité (Renaissance, MoDem et Horizons) se sont résolus à empêcher tout vote sur cette proposition de loi en s’appuyant notamment sur l’article 40 de la Constitution. Cette disposition de la loi fondamentale prévoit que toute initiative parlementaire – proposition de loi ou amendement – ne peut grever le budget de l’Etat en créant une charge financière non compensée par des ressources. Craignant surtout d’être mis en minorité lors de l’examen du texte en séance publique, ils présentent la proposition du groupe LIOT comme irrecevable, au motif qu’elle coûterait 15 à 20 milliards d’euros pour les caisses de l’Etat, sans alternatives de financement. Cela empêcherait son examen en séance.
Un texte « recevable » pour Coquerel
Or, depuis la révision constitutionnelle de 2008, c’est au président de la commission des finances, poste dévolu à l’opposition, d’examiner la recevabilité financière de ces mesures. Saisi le 23 mai par la présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi, le président « insoumis » de la commission des finances, Eric Coquerel, a annoncé, mardi 30 mai, depuis l’Assemblée nationale, qu’il jugeait « recevable » la proposition de loi LIOT. Dans son argumentaire, le président de la commission des finances a notamment plaidé pour une « interprétation souple » de l’article 40 afin de préserver « le droit d’initiative parlementaire spécifique aux groupes d’oppositions et minoritaires ».
Sans conséquence pour le pouvoir lorsqu’il disposait d’une majorité absolue, l’application accommodante de l’article 40 s’est muée avec la majorité relative en un débat politique et institutionnel sur les marges de manœuvre des oppositions, dorénavant en capacité de se coaliser pour faire adopter des textes contre l’avis de l’exécutif. « Il n’y a que le gouvernement qui peut augmenter les charges. S’il est d’accord avec une proposition de loi, il lève le gage. Dans le cas contraire, c’est l’article 40 qui s’applique », argue le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve (Renaissance, Gers).
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