un avertissement sans frais sur la dette publique

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Le pire n’est jamais certain. En décidant, vendredi 2 juin, de maintenir inchangée la note de crédit de la France au niveau AA, l’agence de notation américaine Standard and Poor’s (S&P) a pris le contrepied de Fitch, qui avait, il y a cinq semaines, dégradé d’un cran l’évaluation du pays. La conséquence la plus notable est que le Trésor va pouvoir continuer d’emprunter sans subir à court terme de renchérissement du coût du crédit, la note AA signifiant une forte capacité à pouvoir rembourser ses dettes.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, peut se targuer d’avoir mené une efficace campagne de persuasion ces dernières semaines. Contrairement à Fitch, qui s’inquiétait entre autres de la dégradation du climat social liée à la réforme des retraites, S&P voit dans l’allongement de l’âge de départ adopté fin avril et dans la fin programmée des aides énergétiques des éléments susceptibles de rendre moins incertaine la trajectoire budgétaire française.

Le gouvernement n’en est pas quitte pour autant. En maintenant sa perspective « négative », l’agence S&P met en exergue les incertitudes, y compris politiques, qui pèsent sur l’engagement de Bercy de rétablir les comptes publics dans les quatre ans qui viennent. Elle souligne notamment « l’absence de majorité absolue au Parlement français » ainsi que « la fragmentation politique » du pays, qui est donc clairement sous surveillance.

Les divergences d’appréciation entre Fitch et S&P ne manqueront pas d’alimenter les critiques de ceux qui accusent les agences de notation financière de vouloir piloter les politiques budgétaires à la place des gouvernements. Les faits sont cependant têtus : avec une dette de 3 000 milliards d’euros, soit 111,6 % du PIB en 2022, la France a dépensé davantage que les autres pays pour absorber les récents chocs sanitaire, énergétique et géopolitique. Surtout, elle ne reviendra pas avant 2027 dans l’épure du pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne en termes de déficit, bien après tous les autres pays.

Cette singularité la fragilise d’autant plus qu’elle n’est pas nouvelle. Déjà, fin 2005, le rapport Pébereau avait alerté sur la dérive de nos finances. Dix-huit exercices déficitaires plus tard, la prise de conscience reste très brumeuse, pour ne pas dire inexistante.

La fin de l’argent était gratuit

La question du sérieux budgétaire a été soigneusement évitée durant la campagne présidentielle, laquelle s’est transformée en concours Lépine de la dépense publique. La récente séquence sur la réforme des retraites n’a pas davantage remis la dette au centre des débats : quelles que soient les critiques légitimes qui ont pu être formulées par les oppositions et les syndicats, la question du financement du système a été immédiatement évacuée, comme si elle était secondaire ou constituait un non-sujet.

Nombreuses étaient les voix ces dernières années pour dire que l’endettement n’était pas un problème puisque l’argent était gratuit. Le surgissement de l’inflation a mis fin à cette illusion. S’endetter va coûter de plus en plus cher et amputer de plus en plus les marges de manœuvre budgétaires. D’ici à 2027, la charge annuelle de la dette devrait atteindre 70 milliards d’euros et représenter le premier poste de dépenses de l’Etat.

S’il veut pouvoir investir dans la transition écologique, l’éducation ou la santé, le gouvernement va devoir freiner les dépenses de fonctionnement de l’Etat et des collectivités locales, tout comme les dogmes actuels sur la fiscalité devront être réinterrogés. L’avertissement sans frais des agences de notation signe un changement d’époque.

Le Monde



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