Démissionnée, l’adjointe à l’urbanisme pointe la responsabilité du maire de Marseille

Officiellement, c’est un courrier adressé par le préfet des Bouches-du-Rhône au maire divers gauche de Marseille, Benoît Payan, le 13 mars 2023, qui a provoqué la mise à l’écart de Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme, dont la démission soudaine, début mai, a surpris le monde politique comme celui de l’urbanisme. Depuis 2000, la loi oblige les communes de plus de 3 500 habitants à compter au moins 25 % de logements sociaux. Marseille en affiche 22 %. L’Etat ne s’était jamais inquiété de cette situation mais, ce printemps, il menace de placer la ville en procédure de carence.
Le 10 mai en fin d’après-midi, Benoît Payan convoque son adjointe, figure du mouvement citoyen Mad Mars et rouage important du Printemps marseillais. Un entretien « rugueux », raconte l’intéressée – en présence de l’ancienne maire devenue première adjointe, Michèle Rubirola –, durant lequel M. Payan lui impose de démissionner. Sa responsabilité sur le déficit de constructions est évoquée. Mais l’élu insiste surtout sur un possible conflit d’intérêts dont il lui reproche de ne pas l’avoir tenu informé.
« Des chiffons rouges… Une curée mécaniquement orchestrée », rembobine Mme Chaboche, qui, mardi 6 juin, sort de son silence. Quelques jours auparavant, la désormais simple conseillère municipale a rejoint le groupe Ecologiste et pluriel-s, une des composantes de la majorité marseillaise, tout en écrivant leurs quatre vérités à ses anciens partenaires de Mad Mars, le collectif citoyen qui a aidé à la victoire de la gauche en 2020. Dans cette lettre, elle les accuse d’avoir « perdu leurs fondamentaux » et prévient : « C’est le Printemps marseillais qui meurt sous nos yeux, phagocyté par les vieux partis et leurs vieilles recettes. » « Aujourd’hui [à Marseille], il y a une bascule vers une hyperpersonnalisation du pouvoir. Nos mouvements citoyens deviennent les idiots utiles de forces politiques en déréliction, dont le seul mantra est la réélection », dénonce-t-elle.
Grand ménage
A sa nomination, cette urbaniste de formation commence par remettre de l’ordre. « Marseille, c’est 30 % de voies privées, des immeubles sans permis, des logements insalubres, une urgence sociale et climatique et, face à cela, une production immobilière focalisée sur ses intérêts privés. » A la mairie, le culte des petits arrangements règne, comme le confirment l’Agence française anticorruption et la cour régionale des comptes dans leurs rapports.
La nouvelle adjointe contrarie ceux qui ont l’habitude de monter leur immeuble à 12 mètres quand le texte dit 8. « J’entends que je vais trop loin, que je suis raide comme la justice. » Sans hésiter, elle fait démolir les parkings construits à la place de jardins, traque toute interprétation extensive de la règle. Ces écarts peuvent avoir de lourdes conséquences dans une ville bâtie sur des argiles et aux sous-sols parcourus par des réseaux fuyards. « Des immeubles ont été fragilisés à cause de travaux illégaux sur le bâtiment voisin », affirme l’ancienne adjointe à l’urbanisme. En trois ans, la procureure de Marseille reçoit près d’un millier de dossiers.
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