Dans les Bouches-du-Rhône, Élisabeth Borne fait un pas à gauche

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Pas de manifestants à l’horizon et un petit exploit. Tout au long de sa matinée à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), vendredi 9 juin, Élisabeth Borne n’aura prononcé le mot « retraites » que deux fois. Et encore, c’était pour répondre à des questions de journalistes. Croisant le fer avec les oppositions les jours précédents dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale sur une ultime tentative d’abrogation de la réforme, la Première ministre s’est échappée.

Dans le Sud, elle repasse en mode travail. Il s’agit de lancer le chapitre France Travail plein-emploi, un projet de loi qui arrivera « avant l’été » au Sénat, selon Olivier Dussopt. Le ministre du Travail prend un peu d’oxygène en compagnie de la locataire de Matignon. Tout heureux, lui aussi, de déposer les armes verbales pour retrouver un vocabulaire plus social, s’attardant sur les bienfaits de l’accompagnement des allocataires du RSA dans une entreprise d’insertion.

« Jamais autant de Français n’ont été en emploi depuis 1975, souligne-t-il. Mais on garde un taux de chômage à 7,1 %, qui est un des plus forts en Europe. Le problème tient d’abord aux difficultés de recrutement. C’est pour cela qu’on a besoin de former, notamment sur les métiers en tension. En outre, le service public de l’emploi est réparti entre beaucoup d’acteurs. Le but est de mieux se coordonner. Songez que 40 % des personnes au RSA sont sorties des radars. » Une sortie en adéquation avec la philosophie de l’ancien socialiste, chef de file de l’aile gauche de la macronie.

« Caricature »

Certes, impossible de balayer le contexte social ultratendu. Après tout, la réforme du travail qui vise à refonder Pôle emploi, à améliorer la formation sur les métiers en tension ou à suivre de plus près les bénéficiaires d’allocations à la recherche d’un emploi en échange d’une quinzaine d’activités par semaine se range dans la même famille que les retraites.

À LIRE AUSSIÉlisabeth Borne et le « fluide glacial » « J’ai passé beaucoup de temps dans les concertations, le projet de loi a été adopté et promulgué, rappelle Élisabeth Borne en masquant sa lassitude sur le sujet. Dès le 1er septembre, nous commencerons la mise en œuvre de la réforme par la revalorisation des pensions minimales : 1,8 million de retraités vont voir leur pension revalorisée de 600 euros par an en moyenne. Nous aurons aussi des mesures plus protectrices pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui ont des métiers pénibles, autant de choses qui sont furtivement passées. »

Une manière de renvoyer dans leur camp des opposants « qui donnent dans la caricature ». Et de tacler, au passage, les Insoumis qui « semblaient apprécier les dispositifs sur les séniors » mais qui n’ont pas passé l’obstacle du Conseil constitutionnel.

« Un enjeu de dignité »

Toutefois, la gauche ne se privera pas d’attaquer le projet de loi France Travail. Déjà, les critiques cognent sur un dispositif qui obligerait les allocataires du RSA à reprendre une activité, sous la forme de formations, de stages ou de bénévolat. Faute de quoi, s’ils ne « jouent pas le jeu », note Olivier Dussopt, ils verront leur allocation temporairement suspendue. « Malheureusement, c’est aussi utile », précise-t-il.

Plus prudente, Élisabeth Borne évite l’écueil sémantique et laisse le rôle du Père Fouettard à son ministre. Elle préfère parler accompagnement. « Le RSA est un revenu de subsistance, il n’est pas question de le supprimer », assure-t-elle à La Provence. « C’est un enjeu de dignité. Il faut renforcer l’accompagnement, y compris vers l’insertion parce qu’il y a des personnes qui ne peuvent pas tout de suite accéder à un emploi en entreprise, mais aussi limiter les cas de personnes qui peuvent très bien aller travailler et n’y vont pas. Ça énerve beaucoup les gens qui travaillent, et il faut qu’on en tienne compte. »

À LIRE AUSSI« On a un président en roue libre » : Macron et Borne à couteaux tirésEn attendant, la Première ministre se pose, vantant son travail « main dans la main » avec les présidents de la région Paca, Renaud Muselier, et du département des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, tous deux affiliés à la majorité présidentielle, du côté droit.

À la mission locale de Salon, elle prend le temps de tables rondes avec des jeunes en réinsertion. Ici, au moins, on ne lui parle pas retraites ou majorité politique relative. Et les tensions en voie de soulagement sont individuelles. On croise Thomas, 24 ans, qui est sorti de la rue et multiplie stages et formations. « Je dors dans un centre où je peux manger et laver mes habits. Mais on doit quitter les lieux à 6 h 30, alors que je commence mes stages à 9 heures. C’est compliqué pour se reposer. »

Au cas par cas

Élisabeth Borne change de table, s’intéresse à Sarah, 19 ans, qui, après un bac pro et une orientation vers l’immobilier, veut devenir hôtesse de l’air. Il y a encore Félix, 20 ans, victime de harcèlement à l’école et passé par plusieurs lycées professionnels. « On m’a envoyé vers des formations qui ne me correspondent pas du tout alors que je voudrais devenir professeur de français et faire un service civique. Vous savez qu’il y a un vrai problème d’orientation des jeunes », interroge-t-il en souriant la Première ministre.

« J’ai cru comprendre », euphémise la Première ministre, avant de s’intéresser à de jeunes mamans aux lignes de vie aussi diverses que complexes. Ce sera tout l’enjeu de ce projet de loi : faire au cas par cas là où l’urgence et les enveloppes financières, forcément limitées, sont aussi des contraintes. Mais la couture, Élisabeth Borne connaît.

À LIRE AUSSIÉlisabeth Borne a-t-elle décidé de partir ? Pour la Première ministre, qui achèvera, à la mi-juillet, ses « cent jours » de mise à l’épreuve pour trouver une majorité politique, le projet de loi travail a au moins une vertu : truffé de marqueurs à gauche, il pourrait ramener à elle une partie des bancs socialistes ou écologistes.

Misant sur la participation active des allocataires du RSA, ce qui envoie un message à ceux qui travaillent et conspuent les « assistés », il ouvre une porte à droite. « Plus de 30 textes ont été votés au Parlement depuis le début de la mandature », rappelle-t-elle en se concentrant sur sa « feuille de route ». Plus que jamais, elle y va étape par étape.




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