Déserts médicaux : une occasion manquée

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Conscients du trésor national que constitue leur système de santé, les Français sont inquiets pour son avenir. La difficulté d’avoir accès en temps utile à un médecin généraliste, a fortiori à un spécialiste, les exaspère. Elle est devenue un marqueur insupportable des inégalités entre les territoires et les populations. Alors que six millions de Français n’ont pas de médecin traitant, que 57 départements sur 100 (contre 48 voici cinq ans) ne sont dotés que d’un généraliste pour 1 000 à 2 000 patients, la réponse à la désertification médicale du pays suppose des solutions nouvelles. D’autant que cette situation est grossièrement instrumentalisée par l’extrême droite comme une preuve de l’abandon de certains Français par les élites.

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Il est heureux que la représentation nationale se saisisse, depuis le lundi 12 juin, de cette question socialement et politiquement cruciale. L’Assemblée nationale, trop souvent théâtre de jeux politiciens qui nuisent à sa crédibilité, trouve, avec le débat sur la proposition de loi contre les déserts médicaux du député Frédéric Valletoux (Horizons), l’occasion de montrer sa capacité à répondre aux préoccupations fondamentales des citoyens. Le texte, soutenu par le gouvernement, vise à inciter les acteurs de santé publics et privés à prendre la responsabilité de l’accès aux soins dans chaque territoire.

A ce simple aménagement du système libéral actuel, l’amendement porté par le socialiste Guillaume Garot entendait conditionner au départ d’un confrère l’installation de médecins généralistes dans les zones déjà bien pourvues. Mais ce système minimum de régulation, combattu par les syndicats de médecins, n’a pas trouvé, mercredi 14 juin, un nombre suffisant de partisans, face au vote hostile de la majorité du camp présidentiel, de la droite, et de tous les députés du Rassemblement national présents.

Un scénario affligeant

Sans être la panacée, l’adoption de ce mécanisme, comparable à celui appliqué aux pharmaciens, aurait marqué une volonté de s’attaquer enfin à une injustice dont les Français les plus isolés et les plus démunis sont les premières victimes. L’hostilité marquée du gouvernement à ce levier de bon sens met en doute cette volonté. N’est-ce pas Emmanuel Macron qui, en avril, rappelait qu’en France « il n’y a pas de vrai libéralisme médical » et que notre modèle, reposant sur la « solidarité », suppose des « mécanismes de responsabilité de chacun » ?

De fait, depuis la Libération, le système sanitaire se caractérise par sa mixité : tandis que les dépenses sont prises en charge par la collectivité, le médecin de ville est maître de son lieu d’activité et de son organisation. Ce financement public des consultations, tout comme celui des études médicales, induit l’idée d’un équilibre entre droits et devoirs.

Pourtant, alors que les problèmes de pénurie de médecins et d’inégale répartition sur le territoire sont posés depuis plus de vingt ans, seules des mesures incitatives ont été prises, dont on perçoit aujourd’hui les limites. Tétanisés par le poids politique du corps médical, les gouvernements de droite comme de gauche ont reculé. Ce scénario affligeant, qui a eu pour conséquence l’aggravation de la situation, se reproduit aujourd’hui.

Certes, le gouvernement ne peut ignorer ni la fatigue et les inquiétudes des médecins libéraux, ni le rapport de force favorable à ces derniers dans un contexte de pénurie, dont les responsabilités sont partagées. Mais, alors qu’il s’agit de mettre enfin en œuvre des solutions efficaces, le vote de mercredi sonne comme une nouvelle occasion manquée.

Le Monde



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