à Montpellier, les cyclistes contre-attaquent en réseau

Get real time updates directly on you device, subscribe now.


REPORTAGE. Plus de 400 000 vélos sont volés chaque année en France. Face à ce fléau, des cyclistes créent des groupes d’entraide sur les réseaux sociaux.






De notre correspondant à Montpellier, Henri Frasque


Chaque annee en France, plus de 400 000 velos sont voles. (Image d'illustration)
Chaque année en France, plus de 400 000 vélos sont volés. (Image d’illustration)
© Guillaume Bonnefont

« Volé ce soir, environs de 23 h 30, attaché devant l’entrée du Géant Casino Celleneuve… Parti 5 minutes chrono dans le magasin, plus d’antivol, plus de vélo. Pas de gros espoir de le retrouver, mais ma foi, sait-on jamais. Je viens seulement de perdre assez de poids pour commencer à prendre du plaisir à vélo, me voilà vacciné… » Des bouteilles à la mer comme celle-ci, avec la photo du biclou disparu, on en trouve tous les jours ou presque sur le groupe Facebook « Vélo volé Montpellier ». D’autres grandes villes, Toulouse, Marseille, Grenoble, ont vu fleurir des groupes identiques. À l’initiative de cyclistes exaspérés par un fléau qui voit disparaître chaque année en France plus de 400 000 vélos, et pousse près de 80 000 cyclistes à renoncer au vélo, selon la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).

À Montpellier, ils sont plus de 700 à alerter, échanger, s’entraider sur ce groupe ouvert. Face à des voleurs que rien ne semble arrêter, Adrien est « dépité » et « énervé » après s’être fait subtiliser un superbe vélo électrique avec son siège bébé dans son jardin, alors qu’il était attaché à une grille par deux cadenas. Guy compatit : il s’est fait dérober un vélo identique « dans [son] garage fermé avec protection scellée dans le sol ». Celui de Chantal a disparu « dans un endroit fermé au travail ». « Hier soir grosse visite dans les garages de la résidence Berthelot », informe Caroline. « Dix vélos électriques ou non ont disparu. » Nadia publie des photos du vélo électrique pliant de son mari… et de l’arceau de sécurité auquel il était fixé dans la rue, descellé du sol par les voleurs.

Vélos équipés d’un tracker

Mais les cyclistes ont de la ressource. Le deux-roues de la voisine d’Adrien, volé dans son garage, était équipé d’un tracker. Adrien et sa voisine partent sur ses traces et se retrouvent dans « une cité » de Montpellier, où la police les rejoint : « Il y avait des guetteurs partout, et les policiers n’ont pas pu, ou pas voulu rentrer dans les caves, jusque dans les parties communes. Résultat : on voit où est le vélo ou ce qu’il en reste, mais on n’a rien récupéré », peste Adrien. Un autre cycliste, Stéphane, raconte avoir suivi, lui aussi, la géolocalisation de son vélo. Mais « entre 2 heures et 9 heures du matin, il est parti de Montpellier à Marseille pour embarquement direction Alger, où j’ai perdu le signal ». Xavier a pu suivre, heure par heure, le périple de son vélo volé, depuis Montpellier jusqu’au port d’Alger. Et il le voit toujours, de l’autre côté de la Méditerranée : « Aujourd’hui, il se balade dans un petit village nommé Chlef. »

Bryan a, lui, rattrapé in extremis le vélo de sa compagne. Le tracker les a conduits jusqu’à un village près de Montpellier. Vers 23 heures, ils le localisent dans une rue, sur le toit d’un camion, avec d’autres vélos. Il alerte les gendarmes, et réveille les propriétaires du camion. Le vélo est repris au voleur. « Il partait sur un bateau de Sète pour le Maroc le lendemain matin. » Mais Bryan peste contre les gendarmes qui ont eu, dit-il, « la flemme » de vérifier les autres vélos. « Donc monsieur voleur est reparti se coucher avec neuf vélos électriques volés encore en sa possession. »

Manque de confiance envers les institutions

Plusieurs cyclistes expriment, comme Bryan, leur manque de confiance envers les forces de l’ordre ou les institutions. Certains, comme Gil, n’hésitent pas à diffuser la photo non floutée d’un voleur en action : « J’ai juste eu le temps de lui prendre le portrait, la clope au bec. » Une pratique strictement illégale, qui pourrait lui valoir théoriquement une sanction pénale, et une très forte amende… Et puis, il y a aussi des histoires qui finissent bien. Ben publie la photo d’un « magnifique vélo électrique stationné à côté de [son] véhicule depuis hier. Il n’est pas attaché, et au vu de l’état du vélo, [il] doute que ce soit un oubli sur 24 heures ». Fin heureuse : le vélo sera récupéré par sa propriétaire, une « jeune fille qui s’était fait voler son vélo à l’endroit où il a réapparu ».

Même si elle n’est pas à l’origine de ce groupe Facebook, l’influente association de cyclistes montpelliéraine Vélocités applaudit l’initiative. « Les vols de vélos à Montpellier sont un fléau qui n’est pas pris à sa juste mesure », déplore son porte-parole, Nicolas Le Moigne. Qui souligne les difficultés rencontrées, selon lui, par certains cyclistes pour porter plainte. Le directeur départemental de la sécurité publique de l’Hérault, Yannick Blouin, confirme le constat d’une recrudescence des vols de vélos, « alors que les vols de voiture diminuent », et assure que ses services ont pris la mesure du phénomène. « On interpelle de plus en plus de voleurs de vélos. J’ai demandé à mes collaborateurs de travailler sur les filières. Il faudrait qu’on laisse faire des voleurs, et qu’on les filoche, pour savoir à qui ils refourguent la marchandise. » Police, suivez ce tracker…




Source link