Maroc : l’énigme Mohammed VI | EUROtoday

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Assis sur le trône d’une monarchie fondée il y a quatre siècles, Mohammed VI est à la fois un roi réputé proche du peuple et en même temps difficile à décrypter. En vingt-quatre ans de règne, le souverain, très économe de sa parole, n’a accordé que trois interviews, faisant ainsi des discours du trône du 30 juillet des moments et espaces où le peuple est pris à témoin quant aux caps fixés et à la imaginative and prescient du futur pour le Maroc.

Le premier cercle du sérail royal, trié sur le volet, travaille à comprendre aussi vite que attainable la mécanique de ce roi ultrasecret dont l’éducation est enracinée dans une histoire vieille de plusieurs siècles et qui œuvre depuis son accession au trône à faire en sorte que le royaume relève les défis de son temps. Et c’est là qu’il convient de comprendre que le nouveau statut de puissance régionale du Maroc n’a pas manqué d’impacter la trajectoire des décisions prises face à ce horrible tremblement de terre. À l’picture de l’Italie, qui n’avait accepté qu’avec parcimonie l’aide internationale des États amis lors du horrible séisme de l’Aquila en 2009, le royaume chérifien a affiché lors des premiers jours du tremblement de terre d’Al Haouz son autonomie stratégique et sa capacité à déployer ses forces de secours.

Un adage de référence : « Le mouvement n’est pas l’motion »

« Qu’il soit dans une ville impériale au Maroc comme dans une de ses résidences à l’étranger, Mohammed VI ne se départit d’aucune des exigences attachées à un Commandeur des Croyants tout autant qu’à un roi qui gouverne », confie un observateur averti du Maroc qui a accepté de lever une partie du voile autour du souverain chérifien. L’illustration en a été donnée dès la nouvelle du séisme connue. Tous les regards se sont tournés vers Mohammed VI, se demandant remark il allait gérer cette disaster naturelle inédite pour son royaume.

C’est peu de dire que le silence du roi en a dérouté plus d’un, notamment au sein de la presse internationale, habituée à la surexposition des dirigeants occidentaux. Un silence actif pourtant puisque dès le samedi 9 septembre, le roi, accompagné du prince héritier Moulay El-Hassan, a présidé une séance de travail consacrée à l’examen de la scenario, mais aussi aux mesures à prendre pour y répondre dans les courts, moyens et longs termes. De quoi rappeler, selon notre observateur averti du sérail, cette expression que Mohammed VI aime à répéter à ceux qui le pressent de plus occuper le terrain de la communication : « Motion isn’t motion [Le mouvement n’est pas l’action]. » Une phrase qui en dit lengthy sur les raisons pour lesquelles le souverain chérifien hint sa route malgré le bruitage organisé autour de lui par des personnes, constructions, États ou médias pas toujours bien intentionnés à son égard.

C’est ainsi que, dans le sillage du deuil nationwide de trois jours qu’il a décrété ainsi que de la mobilisation de tous les Marocains à tous les étages, décision a été prise d’accepter l’aide de l’Espagne, du Qatar, de la Grande-Bretagne et des Émirats arabes unis « après avoir procédé à une évaluation minutieuse des besoins sur le terrain et en tenant compte du fait qu’une absence de coordination pourrait être contre-productive », selon les mots mêmes du ministère de l’Intérieur marocain. Si cette séquence ne dit pas tout du roi, elle dit beaucoup de l’idée qu’il se fait du Maroc qu’il a bâti depuis 24 ans qu’il est sur le trône alaouite, un Maroc renouvelé au centre de l’échiquier africain et mondial et qui ne veut pas s’en laisser conter. Mais que s’est-il passé dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre ?

Face à l’adversité, du réalisme

Selon le quotidien L’Opinion, qui a livré les détails opérationnels des premières heures post-séisme ce mardi, la nouvelle du tremblement de terre connue, le roi s’est vite retrouvé avec le cercle rapproché qui ne le quitte jamais incluant le conseiller royal Fouad Ali El Himma. À Paris, au chevet de sa mère, au second du dramatique événement, le roi est tout de suite entré en liaison avec les deux PC de crise. L’un piloté par le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, l’autre par le général Mohammed Berrid, chef suprême, chef d’état-major général des Forces Armées Royales, inspecteur général des Forces armées royales et commandant de la Zone sud.

Dans la nuit sans sommeil, toujours selon l’Opinion, le téléphone n’a pas arrêté pas de sonner en attendant le retour immédiat de tous à Rabat, retour que le roi a ordonné dès l’annonce du tremblement de terre. Vers 4 heures du matin, au vu des premiers constats et des bilans remontant des zones montagneuses, Mohammed VI s’est forgé une conviction : il va falloir installer un hôpital de campagne semblable à ceux que les FAR ont mis en place dans le camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie, en République centrafricaine aussi, ou, il y a presque vingt ans, au Kosovo. Autrement dit, il faut anticiper les mesures à prendre comme il l’avait fait en 2011, année où contrecarrant les manifestations marocaines du 20 février, il annonce une réforme de la Constitution, laquelle est approuvée par référendum le 1er juillet 2011 avec à la clef le renforcement du pluralisme, des droits de l’homme et des libertés individuelles, ainsi que la redistribution des pouvoirs du roi au revenue du chef du gouvernement et du Parlement.

Entre psychologie, géopolitique et géo-économie

Ces considérations mises en exergue, il convient de se pencher sur les éléments qui ont joué dans les décisions importantes forcément impulsées par le souverain en ces moments graves où le royaume a eu à faire face aux défis de sauver des vies, secourir des sinistrés et installer une solide chaîne de solidarité en attendant d’attaquer le chantier de la reconstruction. Au niveau du roi, la portée psychologique y côtoie certainement une portée géopolitique et géo-économique. Et cela fait une grande différence.

Au-delà du choix « en toute souveraineté » des pays dont le Maroc a accepté l’aide, le nouveau statut de puissance régionale du Maroc a à coup sûr joué. Pendant les près de vingt-quatre ans de règne de Mohammed VI, le Maroc a littéralement pris une autre dimension. Même si le pays n’a pas réglé tous ses problèmes d’inégalités sociales et territoriales, on est loin du Maroc de 1999. Le souverain chérifien a lancé plusieurs chantiers dont l’influence a changé la donne dans la notion que les Marocains ont de leur pays et donc forcément de celle avec leur souverain. Un capital d’estime de soi et de fierté s’est ainsi constitué renforcé par le rayonnement du Maroc sur la scène internationale, sanitaire avec la gestion du Covid, économique avec la présence de champions du royaume chérifien un peu partout en Afrique et ailleurs, sportive avec la efficiency extraordinaire des Lions de l’Atlas à la Coupe du monde de soccer (ils ont été demi-finalistes) et politique avec la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis dans le cadre des accords d’Abraham où, le 10 décembre 2020, en contrepartie le Maroc a rétabli ses relations diplomatiques avec Israël.

Dans un tel contexte, il convenait de sortir de l’picture d’un pays dépassé par les événements et incapable de faire face par ses propres moyens à un tremblement de terre de l’ampleur de celui d’El Haouz. Comme le dit le journaliste et médecin marocain Karim Boukhari, actuel rédacteur en chef du journal d’histoire Zamane dans un entretien à L’Express : « L’État marocain est dans une scenario où, malgré la difficulté, il veut montrer, et peut-être d’abord à lui-même et à sa inhabitants, qu’il est succesful de s’en sortir seul ou presque. Comme un grand. Il y a cette dimension de fierté nationale, ou d’autosuffisance, qui est réelle et qu’il ne faut pas négliger. L’État marocain a aussi des choses à (se) prouver. Vu de l’extérieur, il fait peut-être sa crise de croissance ». En réalité, les choses se passent comme si le royaume et son roi avaient décidé de définitivement capitaliser sur un chemin de près d’un quart de siècle pour concrétiser plusieurs avancées au service d’une imaginative and prescient pour consolider une émergence globale et inclusive autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume.

Faire exister un Maroc renouvelé…

En quoi peut-on parler de Maroc renouvelé ?

Depuis 1999, le pays a lancé plusieurs chantiers pour concrétiser plusieurs avancées :

– politique avec la fin de l’picture de jail à ciel ouvert projeté sous le précédent règne, le changement de la structure en 2011, une meilleure maîtrise de l’islamisme accompagnée d’une promotion interne et externe de l’islam dit « du milieu » avec notamment l’Institut des Oulémas en cost de la formation d’imams africains ;

– économique avec la création du port de Tanger Med, les importants chantiers et travaux réalisés qui ont conduit à la mise en service de la Ligne à grande vitesse (LGV) entre Rabat et Tanger, la réussite du Casablanca Finance City qui a renforcé la dimension hub d’Afrique du royaume, la forte croissance des implantations industrielles étrangères dans l’aérien et l’vehicle par exemple, l’affirmation de la volonté d’être en pointe sur des sujets ayant trait à l’environnement, à l’énergie renouvelable et au changement climatique ;

– sociale avec la réforme à parfaire du Code de la famille (Mudawana) et les décisions pour consolider l’Initiative nationale pour le développement humain ;

– culturelle avec la reconnaissance officielle de la tradition amazighe, l’acceptation de la point out du judaïsme et des autres religions comme courants d’affect dans la Constitution, la prise en compte et la promotion de la diversité culturelle à travers de nombreux festivals dont ceux consacrés aux Gnawas ;

– diplomatique avec la query du Sahara sur laquelle les accords d’Abraham ont apporté une éclaircie pour le Maroc, mais aussi avec le renforcement des liens avec l’Union européenne notamment sur les dossiers de la pêche et de l’agriculture.

Ces avancées n’auraient pas de sens si elles n’avaient pas été au service d’une imaginative and prescient. Celle du Maroc a été de se positionner comme un partenaire respectueux des meilleurs requirements internationaux :

– en matière politique avec la quête d’une démocratie plus dynamique et représentative ainsi qu’une meilleure gouvernance concrétisée par la reddition des comptes ;

– en matière économique pour plus de efficiency et d’inclusivité ;

– en matière sociale avec un plus grand respect des droits individuels, d’un travail concret pour plus d’égalité entre les genres, une meilleure prise de critères de développement humain ;

– en matière culturelle avec la mise en œuvre concrète d’initiatives illustrant la reconnaissance de la diversité marocaine tant religieuse que socio-ethnique – en matière diplomatique avec une forte implication au niveau worldwide dans l’humanitaire, le règlement des conflits, la lutte contre le terrorisme, le maintien des principes qui font du Maroc un des pays membres du comité Al Qods…

… de retour au centre de l’échiquier africain

Par rapport à l’Afrique, il convient de retenir qu’un chantier d’émergence globale et inclusive mis en œuvre autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume :

D’abord à l’intérieur du royaume, en ajoutant aux différents indices de développement humain la notion d’africanité concrétisée par l’acceptation officielle que parmi les racines du Maroc la dimension négro-africaine était importante et complétait utilement la dimension arabo-berbère.. Cela se vérifie par la présence africaine acceptée et respectée au niveau des étudiants, des travailleurs dont l’implantation a été facilitée par des bourses ou des régularisations y compris de clandestins, par des manifestations comme le competition gnawa d’Essaouira ;

Ensuite à l’extérieur du royaume, dans ses relations avec les autres pays du continent, le Maroc a redimensionné la notion de panafricanisme avec sa volonté d’intégration plus forte dans l’espace politique, économique, social et culturel de l’Afrique subsaharienne. La réintégration à l’Union africaine a été un second fort, les caravanes économiques et culturelles du roi en ont été une belle illustration.

Enfin, il y a eu la prise de conscience d’une histoire partagée, commerciale, spirituelle et politique. Commerciale par les échanges transsahariens qui ont porté sur plusieurs produits (sel, gomme arabique…) ; spirituelle à travers le rayonnement du courant confrérique de la Tijania ; politique de par l’significance qu’a joué des siècles durant le royaume chérifien devenu Maroc pour les royaumes et empires soudanais que sont les empires du Ghana, du Mali et Songhaï dont l’épisode de la célèbre bataille de Tondibi en 1591 a sonné le glas, mais aussi pour les États africains nouvellement indépendants avec en rappel la Conférence de Casablanca qui a posé les bases de la structure en 1963 de l’Organisation de l’Unité africaine, ancêtre de l’Union africaine.

Sur certains factors, il y a bien sûr loin de la coupe aux lèvres automotive des ratés et insuffisances ne manquent et ne manqueront pas de se faire jour. Il n’en reste pas moins que le cas marocain est symptomatique de la confrontation contemporaine des pays africains avec les réalités du monde qui les impactent sur les plans institutionnel, politique, économique, social et culturel. Pour le Maroc, si l’énigme Mohammed VI doit être prise en compte en intégrant la dimension exceptionnelle d’un souverain héritier de la plus vieille dynastie d’Afrique dans l’un des rares royaumes du continent, elle montre qu’il faut désormais l’appréhender dans une globalité qui intègre des données géopolitiques, géo-économiques, voire géoculturelles.


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