Pierre Marienne, le lion du maquis de Saint-Marcel | EUROtoday

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Le 5 juin, le président Emmanuel Macron va lancer les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement, à Plumelec, dans le Morbihan, en rendant hommage aux parachutistes de la France libre. Ces soldats français au rôle méconnu ont participé dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 à l’opération Overlord en étant parachutés en Bretagne. Parmi eux, le capitaine Pierre Marienne fait determine de véritable légende.

Ce n’est pas en Normandie, mais en Bretagne qu’Emmanuel Macron va officiellement lancer mercredi 5 juin les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement. Le président français se rendra à Plumelec, un village situé dans le centre du Morbihan, pour saluer la mémoire des parachutistes de la France libre. À quelques centaines de kilomètres des plages normandes, ce bourg de près de 3 000 âmes a en effet été le théâtre de l’une des toutes premières actions de l’opération Overlord.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, c’est ici dans ce petit coin de campagne morbihannaise, qu’un “stick”, un groupe de fight du 2e régiment de chasseurs parachutistes, mené par le lieutenant Pierre Marienne, est largué. La descente se passe sans encombre, mais ces neufs militaires ne tombent pas exactement à l’endroit prévu. Leur parachutage a été repéré par des soldats de l’armée allemande postés dans un moulin situé tout près. L’alerte est donnée. Un échange de coups de feu a lieu. À 1 h 30 du matin, le caporal Émile Bouétard s’effondre. Touché à l’épaule, il est achevé d’une rafale dans la tête, tandis que trois de ses camarades sont faits prisonniers. Ce jeune breton est considéré comme l’un des premiers soldats alliés mort au cours des opérations du Débarquement. Le reste du “stick” parvient à s’enfuir.

Le caporal Émile Bouétard en 1944.
Le caporal Émile Bouétard en 1944. © François Souquet

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Le Special Air Service

Ces hommes qui ont décidé de répondre à l’appel du général de Gaulle font partie d’une unité d’élite sous commandement britannique : le Special Air Service. Les SAS sont constitués d’équipes de cinq à dix hommes capables de frapper l’ennemi à l’intérieur des lignes, à travers des actes de sabotages ou de réaliser des opérations de renseignements. Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, ils commencent à faire parler d’eux lors de missions périlleuses en Égypte, en Libye ou encore en Crète.

Au début de l’année 1943, les rescapés de ces combats sont envoyés en Grande-Bretagne où ils suivent un entrainement intensif aux côtés d’autres parachutistes de la France libre, comme le décrit l’historien Christophe Prime, auteur de “SAS, les indomptables 1941-1945” (Orep Editions) : “Les exercices de culture physique, les leçons de boxe, de lutte et de close combat – le combat à mains nues – et l’initiation aux techniques de sabotage et aux tirs occupent le gros des journées. Les hommes apprennent à manier différentes sortes d’explosifs et à les placer pour obtenir une efficacité maximum. Ils se familiarisent au maniement de toutes les armes qu’ils seront susceptibles de devoir utiliser pendant les missions”.

Lors de cette formation, un chief se détache déjà : le lieutenant Pierre Marienne. Né en Algérie, ce trentenaire a déjà vécu plusieurs vies. Après avoir suivi une formation d’officier, il a tenté sa likelihood à Paris comme homme de plume. Poète et scénariste, il se destinait à une carrière dans le cinéma. Mais en septembre 1939, il est mobilisé. Blessé lors des combats de 1940, il est fait prisonnier, mais réussit à s’évader. Désireux de continuer la lutte, il parvient à gagner l’Afrique du Nord, puis l’Angleterre où il s’have interaction dans les FFL (Forces françaises libres). Affecté au 4e bataillon d’infanterie de l’air, le futur 2e régiment de chasseurs parachutistes, il se révèle être un incroyable meneur d’hommes.

Pierre Marienne (au centre sur le rang du fond) en compagnie d'autres officiers parachutistes à Largo en Écosse.
Pierre Marienne (au centre sur le rang du fond) en compagnie d’autres officiers parachutistes à Largo en Écosse. © OBC – Musée de la résistance en Bretagne

Le 23 octobre 1943, à la tête de sa part, il bat le file mondial de vitesse de sortie groupée, détenu jusqu’alors par les Américains. Dans son livre intitulé “La rage au cœur” le jeune SAS Jean Paulin avait raconté cet exploit : “Les vingt hommes mirent sept secondes et demie pour sortir de l’avion (…). Le film de la caméra de contrôle a révélé six hommes groupés dans le vide sur la même photo, dont le parachute n’avait pas encore commencé de s’ouvrir. Pour réussir cela sans accident, il fallait s’appeler Marienne !”.

“Je pense qu’on y restera” 

Fin mai 1944, Pierre Marienne et ses hommes sont envoyés à Fairford, dans un camp secret du sud de l’Angleterre. Même s’ils n’en connaissent pas encore les détails, ils savent que l’heure de la libération de la France approche. Le 1er juin, les officiers du régiment sont rassemblés. Ils apprennent qu’ils seront les premiers à fouler le sol français. Quatre “sticks” vont être parachutés en Bretagne, deux dans le Morbihan et deux dans les Côtes-d’Armor dans le cadre de l’opération Overlord. Ils ont pour objectif de ralentir la remontée des troupes allemandes stationnées dans cette région vers la Normandie, où le débarquement doit enfin avoir lieu et de créer deux bases “Samwest” et “Dingson”. “Les SAS Français doivent prendre contact avec les groupes de résistants locaux et établir des bases de regroupement et de ravitaillement leur permettant de mener des actions de sabotage contre les voies de communications et harceler les troupes allemandes”, décrit Christophe Prime.

Pierre Marienne, Georges Taylor et d'autres officiers parachutistes en Écosse au début de l'année 1944.
Pierre Marienne, Georges Taylor et d’autres officiers parachutistes en Écosse au début de l’année 1944. © OBC – Musée de la résistance en Bretagne

Au sortir de ce briefing, Pierre Marienne, qui a été choisi pour prendre la tête de l’un de ces groupes, demande au lieutenant Henri Deplante de le seconder dans sa mission. D’un air grave, il lui confie un horrible présage comme l’a relaté ce SAS dans son livre “La liberté tombée du ciel” : “Je sais que je pars dès la première nuit pour le Morbihan ; si vous voulez bien être le chef de la deuxième équipe, je vous confie la moitié de la troupe ; réfléchissez… Nous serons reçus par les Fritz et je pense qu’on y restera”.

Vers 21 h, le 5 juin, les parachutistes quittent le camp après un dernier whisky d’adieu. Deux avions transportant une trentaine d’hommes décollent deux heures plus tard. Dans celui de Pierre Marienne, se trouve également André Hue, un agent du SOE (Special Operations Executive), le service secret britannique. Dans ses mémoires “The Next Moon”, ce franco-gallois a raconté ces instants fatidiques : “Marienne devait sauter le premier et moi le second. Pendant quelques minutes, nous nous sommes assis ensemble tranquillement, nos cuisses se touchant et nos pieds se balançant dans le vide. Sous nos bottes, les bois bretons se rapprochaient, jusqu’à ce qu’à 500 pieds, l’avion se stabilise. Nous étions au-dessus de la zone de largage. Nous étions tous prêts, nerveux, anxieux d’en finir, attendant désespérément l’ordre final”.

Le lion de Saint-Marcel

Après des mois d’entraînement, ces spécialistes de l’infiltration se jettent enfin dans la bataille. Mais le largage de l’équipe de Marienne ne se déroule pas comme souhaité. Après la mort d’Emile Bouétard, le lieutenant SAS trouve refuge avec deux de ses hommes dans une bergerie. Rapidement, il prend contact avec des résistants locaux qui lui permettent de retrouver Henri Deplante, parachuté avec son stick non loin de là.

À la suite de cette jonction, ils sont conduits à la ferme de la Nouette, située près du village de Saint-Marcel. Ce lieu, qui sert déjà depuis plusieurs mois de terrain de parachutage secret, a été choisi comme level de ralliement pour tous les FFI (Forces françaises de l’Intérieur) du Morbihan. Impressionné par ce centre mobilisateur, Pierre Marienne envoie à son supérieur le commandant Bourgoin, alors à Londres, un message par lequel il réclame des armes, de l’essence, du matériel sanitaire et des uniformes. Dans les jours qui suivent, le maquis de Saint-Marcel se constitue. Des renforts SAS sont parachutés au cœur de cette petite ferme très vite surnommée “La petite France”. Dans la seule nuit du 13 au 14 juin, ce sont 700 containers qui sont largués. Un abattoir, une boucherie ou encore une boulangerie sont mêmes installés pour accueillir les hommes et les femmes qui prennent le maquis.

Des résistants du maquis de Saint-Marcel en juin 1944.
Des résistants du maquis de Saint-Marcel en juin 1944. © OBC – Musée de la résistance en Bretagne

Les parachutistes, qui encadrent les résistants en les instruisant, finissent peu à peu par s’éloigner de leur objectif preliminary, comme le souligne Tristan Leroy, conservateur du musée de la résistance en Bretagne de Saint-Marcel  : “Marienne est très expérimenté et coordonne l’armement et l’entraînement de tous ces jeunes FFI qui sont plein de bonne volonté mais qui pour la plupart n’ont jamais vu une arme. Les officiers SAS savent que ce qui se passe à Saint-Marcel est imprudent et qu’il n’était pas dans leur mission de créer un maquis mobilisateur aussi important, mais ils savent également qu’il est de leur devoir de ne pas les laisser tomber. Leur sort est lié”.

Au matin du 18 juin 1944, le camp est finalement découvert après l’intrusion d’une patrouille allemande. Le maquis qui s’étend sur plus de 8 000 hectares est défendu par environ 2 500 hommes, mais il fait face à trois attaques successives de troupes allemandes toujours plus nombreuses et aguerries. Au cœur de ces combats, Pierre Marienne se démarque par sa bravoure. “Il n’a cessé de faire la liaison entre les différents points chauds de la bataille, étant présent sur tous les fronts grâce à une des quatre jeeps SAS larguées la veille par parachutage. Il est ainsi apparu comme l’officier omniprésent vis-à-vis de beaucoup de ses camarades parachutistes et FFI”, raconte le lieutenant-colonel Jean-Christophe Dumont, spécialiste de l’histoire du Special Air Service. Sur ce bout de terre du Morbihan, Marienne entre définitivement dans la légende. Malgré une blessure à la tête, il dirige les opérations et gagne alors le surnom de “Lion de Saint-Marcel”.

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Le bloodbath de Kérihuel

SAS et résistants ont tenu tête à l’occupant, mais le fight est inégal et l’ordre de dispersion est donné en fin de journée. Alors qu’une trentaine de Français ont trouvé la mort, le bilan côté allemand n’a jamais été clairement établi oscillant de 27 à 560 tués. Dans les jours et les semaines qui suivent, les individuals à la bataille sont traqués et la inhabitants est terrorisée. Les brutalités se multiplient accompagnées d’exécutions sommaires y compris parmi les civils. Plusieurs châteaux de Saint-Marcel impliqués dans le maquis sont incendiés, tandis que le bourg est détruit.

Pierre Marienne, passé au grade de capitaine, trouve refuge dans le village de Guéhenno avec un groupe de parachutistes et des FFI. Le 11 juillet, ne se sentant plus en sécurité, il décide de partir pour un autre level de chute. Avec ses hommes, il est accueilli par des fermiers locaux dans le hameau de Kérihuel à Plumelec, le fameux village où il avait été parachuté. Mais le lendemain, au petit matin, ils sont surpris dans leur sommeil par des soldats allemands et des brokers français de l’Abwehr, les companies de renseignements de l’armée allemande.

En quelques minutes, 18 personnes sont exécutées sur l’aire à battre de la ferme dont le capitaine Marienne. Quatre-vingts ans plus tard, ce bloodbath suscite encore des interrogations. “C’est incompréhensible”, estime Tristan Leroy. “Le campement de Marienne à Kérihuel est supposé être défendu par une section de garde, celle du lieutenant Taylor. Même si Marienne et ses hommes sont endormis, il a évidemment donné des ordres pour que les lieux restent sous surveillance. Il y a eu un grave défaut de vigilance de la part de la section de garde. Une faute grave”.

Les agents français de l'Abwehr posent près des dépouilles des résistants qu'ils ont exécuté dans le hameau de Kérihuel, à Plumelec, le 12 juillet 1944.
Les brokers français de l’Abwehr posent près des dépouilles des résistants qu’ils ont exécuté dans le hameau de Kérihuel, à Plumelec, le 12 juillet 1944. © OBC – Musée de la résistance en Bretagne

Comme il l’avait prédit avant son départ d’Angleterre, Marienne “y est resté”. Sa dépouille repose aujourd’hui près du monument aux Morts de Plumelec, juste à l’extérieur du cimetière. Dans le milieu militaire, sa determine est toujours aussi légendaire, comme le souligne le lieutenant-colonel Jean-Christophe Dumont : “Tous les subordonnés que j’ai pu croiser ont été marqués et subjugués par le bonhomme, qui avait une énorme force de caractère et un charisme fou auprès des jeunes”.

Auprès du grand public, le parcours de Pierre Marienne, devenu Compagnon de la Libération à titre posthume, reste en revanche méconnu, tout comme celui des SAS français. “Leur rôle dans la libération du territoire français au cours de l’été 1944 n’a pas été assez mis en lumière”, regrette l’historien Christophe Prime. “Pour avoir travaillé sur le Special Air Service pendant la Seconde Guerre mondiale, je peux dire que leur histoire est aussi palpitante qu’un roman d’aventure, à ceci près que tout est authentique”, insiste-t-il.

Ce spécialiste des parachutistes de la France libre espère ainsi que la venue du président Emmanuel Macron permettra enfin leur rendre un hommage mérité, ainsi qu’à “la Bretagne, terre de résistance qui a payé un très lourd tribut pendant tout le conflit”. Le 12 juillet 1944, à Plumelec, c’est ensemble que SAS et résistants ont été tués. Sur le monument qui leur est dédié à Kérihuel, il est inscrit : “Unis dans la mort pour la même cause”.

Le monument des fusillés de Kérihuel.
Le monument des fusillés de Kérihuel. © Stéphanie Trouillard, France 24

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