Donald Trump, « candidat délinquant » ? Une condamnation à effet boomerang | EUROtoday

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« Il s’agit de l’élimination d’un adversaire politique par tous les moyens légaux et illégaux possibles. » C’est par ces mots que le Kremlin a qualifié la condamnation, le 30 mai, de l’ancien président américain Donald Trump après que les douze jurés de la cour de Manhattan l’ont jugé coupable des 34 cooks d’accusation le visant dans un procès pour des paiements dissimulés à une star de movies porno.

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Émanant du porte-parole d’une dictature néoimpérialiste, ce commentaire (quasi identique à celui du condamné lui-même) pourrait suffire pour applaudir des deux mains le verdict new-yorkais. En soi, il semble justifier un principe américain fondamental, à savoir qu’aucun citoyen n’échappe à la justice. Joe Biden, dans un bref courriel envoyé le soir même, a ainsi déclaré que « nul n’est au-dessus de la loi ».

Pour les éditorialistes du New York Times, « le plus grand bien qui puisse découler de cette affaire sordide est la preuve que l’État de droit s’applique à tout le monde, même aux anciens présidents, un principe démocratique que les Américains chérissent. » Quant aux chroniqueurs des journaux européens, ils ont abondé dans le même sens en suggérant que la disgrâce historique de l’ancien président américain devrait à la fois secouer la nation américaine en lui dévoilant le vrai visage de Donald Trump, et la rassurer sur sa capacité à rendre justice.

À LIRE AUSSI Donald Trump : ce que disent les sondages depuis qu’il a été jugé coupableOr, cette façon quasi unanime de voir les choses pèche par excès d’optimisme, automotive cette « condamnation pour l’histoire et pour l’exemple » (Le Monde) ne tiendra probablement ni l’une ni l’autre des promesses des commentateurs. Au contraire, le verdict risque d’affaiblir l’État de droit au lieu de le renforcer et d’augmenter les probabilities de Donald Trump d’être réélu, et cela pour deux raisons : la première tient à la nature alambiquée et juridiquement contestable des accusations portées contre lui, la deuxième à l’impudence abyssale qui constitue le fondement même de son pouvoir.

Qu’est-ce qui est reproché à Donald Trump ?

Les méfaits reprochés à Donald Trump dans ce premier grand procès (d’autres suivront après les élections) sont – il faut avoir le braveness de le dire – dérisoires. La première condamnation pour crime d’un ancien président américain « ne concerne pas les guerres d’Irak ou d’Afghanistan [George Bush fils], les coups d’État illégaux de la CIA [Harry Truman, Dwight Eisenhower, Richard Nixon…], les drones frappant les mariages ou l’espionnage des Américains [Barack Obama…]. C’est parce que Trump a mal classé un paiement de 130 000 {dollars} pour l’accord de confidentialité d’une star du porno », comme l’exprime un internaute sur X.

Rappelons rapidement les faits : en octobre 2016, deux mois avant les élections présidentielles, l’actrice et réalisatrice de movies pornographiques connue sous le pseudonyme de Stormy Daniels menace Donald Trump de rendre publiques « les relations sexuelles consenties » qu’elle prétend avoir eues avec lui dix ans (sic) auparavant, une démarche peu amène dont le however évident est d’extorquer de l’argent à un homme richissime en voie de devenir président. Les deux events se mettent d’accord par l’intermédiaire de Michael Cohen, avocat de Donald Trump, qui verse à la jeune femme la somme de 130 000 {dollars} en récompense de son silence.

À LIRE AUSSI Procès de Trump : le témoignage explosif de Stormy DanielsAprès avoir remporté l’élection, Donald Trump rembourse à son avocat la somme avancée à un rythme mensuel, en 11 chèques et 23 versements bancaires, le tout déguisé en paiements pour companies juridiques rendus. Au complete, 34 entrées dans la comptabilité (correspondant aux 34 cooks d’accusation retenus par les jurés) qui concernent des paperwork détenus en interne à l’organisation Trump : personne à l’extérieur n’a été ni dupé ni escroqué. L’affaire aurait pu en rester là si, le 12 janvier 2018, le Wall Street Journal n’avait pas rapporté l’histoire.

Comment, à partir de faits aussi banals, Donald Trump a-t-il pu être condamné pour avoir commis des crimes ? C’est là que l’affaire devient intéressante et, juridiquement, discutable.

Transformer un délit en crime, un acte à fort potentiel de boomerang

Avec son éditorial de cette semaine, l’hebdomadaire londonien The Economist, critique virulent de longue date de l’ex-président, kind du chœur de ceux qui ont chaudement salué la condamnation de Donald Trump. Les poursuites lancées contre celui-ci par la cour de New York y sont qualifiées d’« erreur contre-productive » susceptibles « d’aider sa campagne plus qu’elles ne l’entravent ». Pourquoi ?

À LIRE AUSSI Le jour où j’ai assisté à la condamnation de Trump au tribunalComme l’explique The Economist dans l’édito cité plus haut, la falsification de paperwork commerciaux est, dans l’État de New York, un délit mineur (misdemeanor) dont le délai de prescription, dans le cas qui nous intéresse, aurait expiré en 2019. Pour transformer l’accusation en crime (felony), le procureur devait donc trouver un subterfuge. Il a finalement sorti de son chapeau une vaste loi « englobante » de l’État de New York qui criminalise « le complot visant à influencer une élection par des moyens illégaux ».

Bragg en a suggéré trois, au choix (sic) : le pot-de-vin de 130 000 {dollars} payé en 2016 par Michael Cohen à Stormy Daniels constituait une contribution de campagne illégale ; les 34 relevés bancaires servant à rembourser Michael Cohen étaient des fake ; le remboursement à Michael Cohen n’avait pas été correctement déclaré à des fins fiscales. Ce qui a aidé dans sa manœuvre est le fait troublant que, selon cette loi, les jurés n’avaient pas besoin de s’accorder sur le kind précis des « moyens illégaux » employés par Donald Trump pour cacher son délit. En gros, ils ne statuaient que sur le délit de falsifications de paperwork comptables (dont les preuves étaient irréfutables) mais n’avaient pas leur mot à dire sur la procédure de transformation de ce délit en crime. Cela paraît étrange, pour ne pas dire plus.

À LIRE AUSSI Donald Trump : pourquoi sa condamnation ne change rien à la présidentielle de 2024Pour résumer, on peut dire que la condamnation de Donald Trump du 30 mai repose sur une development juridique à haut risque, fortement controversée parmi les spécialistes et soutenue par aucune jurisprudence (la justice américaine repose davantage sur la jurisprudence que la justice française). Du coup, Donald Trump, qui a d’ores et déjà annoncé faire appel, a d’excellentes probabilities d’obtenir acquire de trigger.

Le verdict de Manhattan offre un semblant de légitimité à la posture victimaire de Donald Trump

Plus grave que les faiblesses évidentes de ce verdict est le risque qu’il puisse rendre plus crédibles, aux yeux de ses partisans, les grotesques allégations de Donald Trump selon lesquelles le système de justice américain est « truqué » (« rigged ») et qu’il a été « instrumentalisé » (« weaponized ») contre lui par un « État [devenu] fasciste ».

Évaluer et critiquer un verdict sous l’angle du risque d’exploitation politique par le condamné peut paraître une méthode douteuse : aucun responsable politique ne devrait pouvoir prendre la loi en otage en extorquant l’immunité sous prétexte que les poursuites dont il fait l’objet sont susceptibles de dégrader le système de justice aux yeux de ses partisans.

À LIRE AUSSI Les stars réagissent à la condamnation de Donald TrumpPour prévenir une telle scenario, les procureurs possèdent une très massive discrétion dans le choix des affaires à poursuivre. Ils sont censés non seulement tenir compte de la probabilité d’aboutir à une condamnation de l’accusé, mais également de la gravité du crime et de l’intérêt public en jeu. Autant le prédécesseur d’Alvin Brigg que le ministère de la Justice de Joe Biden avaient envisagé de porter des accusations contre l’ancien président, mais ils ont choisi d’y renoncer, pour de bonnes raisons. Comparée aux autres affaires en cours contre Donald Trump, celle-ci avait toujours semblé trop tirée par les cheveux pour être d’un intérêt public.

Le procès de New York a augmenté les probabilities de Donald Trump d’être réélu

Avant d’être mis en examen par le procureur de Manhattan en avril 2023, l’affect politique de Donald Trump était en prepare de s’affaiblir, y compris au sein de son propre parti et c’est son inculpation qui l’a remis en selle. Rappelons qu’en février 2023, l’avance de l’ancien président sur son plus proche rival dans la course à l’investiture républicaine était de dix factors. À la fin du mois d’avril, elle a atteint 30 factors, ce qui suggère que, après une primaire courte mais houleuse, l’inculpation de Donald Trump a déclenché un puissant réflexe de défense et de rassemblement au sein d’un parti jusqu’ici déchiré. Rebondissant dans les sondages parmi les Républicains, l’ex-président a ensuite poursuivi seul son inexorable marche vers l’investiture.

Pour Joe Biden, il a été, et il reste, difficile de tirer parti des ennuis juridiques de son adversaire sans implicitement donner raison à ceux – grosso modo la moitié des Américains – qui soupçonnaient qu’il s’agissait non pas d’un procès équitable mais d’une chasse aux sorcières. Depuis l’inculpation de Donald Trump, l’équipe de campagne du président a été forcée à jouer « un numéro d’équilibriste » (Le Figaro) autour des déboires judiciaires de son rival – ne s’aventurant pas à l’attaquer frontalement sur ce sujet. Ce n’est que le 4 juin, cinq jours après le verdict, que l’actuel président a osé prononcer le mot « délinquant » pour la première fois.

Un autre side, également lié à la faiblesse juridique de la condamnation, fait penser que, loin de l’affaiblir, celle-ci a plutôt renforcé Donald Trump. Si, comme nous l’avons vu, la presse mondiale a salué sa condamnation, l’argent, lui, a volé au secours du candidat républicain dès le lendemain : 76 tens of millions de {dollars} collectés en 24 heures, la moitié de ce qu’il avait récolté en avril. Elon Musk, l’ami fidèle de l’ex-président, y a certainement joué un rôle en postant sur X cette phrase vue et retweetée par 70 tens of millions d’internautes : « La confiance du public dans le système juridique américain a été gravement ébranlée aujourd’hui. Si un ancien président peut être condamné pénalement pour une affaire aussi triviale […], alors tout le monde risque de subir le même kind. »

Tout cela étant, on peut affirmer que la poursuite et la condamnation de Donald Trump dans cette affaire spécifique l’ont davantage aidé qu’elles n’ont nui à ses probabilities d’être réélu au mois de novembre prochain. Or, cette perspective constitue un hazard bien plus grand pour l’État de droit et la démocratie américaine qu’une pauvre affaire de comptabilité frauduleuse gonflée artificiellement en acte criminel. En un mot : au lieu de s’obstiner, le procureur Bragg aurait mieux fait de suivre l’exemple de son prédécesseur – et d’enterrer l’affaire.

Quant à ceux qui pensent qu’avec le verdict du 30 mai, le second est venu où Donald Trump a – enfin – reçu le châtiment qu’il mérite, on peut craindre qu’ils en soient pour leurs frais.

L’ironie de l’histoire

Arrivé à la fin de notre analyse, constatons – avec remorse et avec une forte inquiétude – qu’aujourd’hui Donald Trump se trouve dans une place plus confortable qu’avant sa condamnation. Les autres affaires criminelles intentées contre lui sont, certes, d’une gravité bien plus grande – allégations d’ingérence électorale ; détention illégale de paperwork classés secret de sécurité nationale – mais, grâce aux manœuvres de ses avocats, aucune d’entre elles ne se trouvera devant les tribunaux avant le jour de l’élection.

À LIRE AUSSI Michael Cohen, l’avocat qui voulait prendre une balle pour TrumpSoyons clairs : Donald Trump a été un président épouvantable. L’appel lancé à ses partisans, le 6 janvier 2021, de marcher sur le Capitole à Washington pour protester contre les résultats « frauduleux » des élections devrait le disqualifier à jamais pour la fonction de président américain. Il reste aujourd’hui une menace non seulement pour l’Amérique, mais pour le monde occidental dans son ensemble.

À cela, rien ne serait à ajouter si ce n’est l’éventualité d’une (déprimante) ironie de l’histoire : lors du procès, le procureur Alvin Bragg avait soutenu que les paperwork falsifiés servant au paiement de Stormy Daniels « étaient destinés à tromper les électeurs et susceptibles de faire gagner les élections à Donald Trump ». Si cela est vrai (on peut en douter), il est doable qu’au mois de novembre, les 130 000 {dollars} investis en 2016 pour acheter le silence de l’actrice contribueront à le faire élire une deuxième fois. Ce serait alors d’une pierre deux coups : un glorious retour sur investissement.

Aux électeurs américains d’écarter cette effroyable hypothèse quand ils se rendront aux urnes le 5 novembre.

*Klaus Kinzler, professeur de langue et de civilisation allemandes, est l’auteur de L’islamogauchisme ne m’a pas tué (éditions du Rocher, 2022). Enseignant en poste à l’IEP depuis vingt-cinq ans, il a été accusé par des élèves d’islamophobie et suspendu.


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