« À Pâques, il s’agit de sortir de la peur » | EUROtoday

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Théologien et bibliste, le frère catholique dominicain Olivier-Thomas Venard appartient depuis vingt-cinq ans à la prestigieuse École biblique et archéologique française de Jérusalem. Depuis son couvent au cœur de la ville trois fois sainte, nous lui avons demandé d’éclairer le mystère de Pâques, temps fort que célèbrent cette année – c’est exceptionnel – en même temps les juifs et les fidèles des trois grandes confessions chrétiennes.

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Il nous a répondu avec cette profondeur et cette sensibilité tant spirituelle que littéraire qui habitent son nouveau livre, le stimulant Il nous reste la foi qui vient de paraître chez Grasset. Un beau témoignage.

Le Point : Comment vivez-vous à Jérusalem la Semaine sainte et cette fête de Pâques 2025 ?

Frère Olivier-Thomas Venard : Cette année, pour cette semaine de Pâques, il a fait froid. Le vent venu du désert fouette Jérusalem, et la nature semble désorientée. Le printemps avait timidement commencé, mais la pluie est income, enveloppant la ville à intervalles irréguliers. Et pourtant, malgré le ciel lourd, les oiseaux chantent, comme s’ils refusaient de se taire.

Une résistance discrète, obstinée, qui nous émeut. Ce climat inattendu invite à prier avec tout son corps. Le froid, l’humidité, le vent… tout cela nous rend plus attentifs, plus incarnés. Je crois que c’est la première fois, en presque vingt-cinq ans à Jérusalem, que je vois la pluie tomber pendant la Semaine sainte.

C’est une invitation à vivre la liturgie en pleine chair. Le dimanche avant Pâques, la grande procession des Rameaux descendait vers l’église Sainte-Anne, pleine de chants, de bannières, de palmes et autres rameaux portés à bout de bras. Les oliviers bordaient le chemin comme des témoins anciens, familiers, immobiles. Même sous les averses tout le monde avançait ensemble au rythme des musiques les plus joyeuses…

À LIRE AUSSI Jérusalem : à l’école des aventuriers de la BibleTout au lengthy de cette semaine, la mémoire de la Passion nous a accompagnés pas à pas. On en lit les récits aux lieux où ils situent Jésus, on les chante, mais surtout : on les ressent. Un frisson, dans la vallée du Cédron, le soir du Jeudi saint en attendant dehors que se termine la longue veillée de prières, et nous voilà projetés auprès de Pierre, grelottant dans la cour du grand prêtre au second de la comparution de Jésus : à ce moment-là, on comprend son besoin de s’approcher du feu ! Ce n’est pas seulement un geste symbolique. C’est humain, c’est very important. Et soudain, l’Évangile devient vivant. Et la ville entière, avec l’or du Dôme du Rocher luisant dans le noir ou les buildings à l’américaine de Jérusalem-Ouest bouchant l’horizon, dans son silence tendu et dans ses bruits innombrables, elle aussi rejoint notre prière…

Je descends vers Bab El Amoud, la porte de Damas, je marche dans le souk, j’entre dans la basilique par le toit, en descendant à travers les chapelles des Éthiopiens, je refais les gestes traditionnels des pèlerins : embrasser la pierre de l’onction, faire la queue pour toucher le rocher du Golgotha, ou prier dans le tombeau du Christ…

Vous vivez, travaillez et priez à quelques mètres de l’endroit même où Jésus-Christ a subi son chemin de la Passion, puis fut crucifié. Comment appréhendez-vous cette proximité ?

Elle est très touchante en soi, même si l’habitude risque toujours d’émousser l’émerveillement…

À Jérusalem, comme à Paris, il faut souvent des visiteurs pour nous faire découvrir – ou redécouvrir – les villes que nous habitons. C’est pourquoi la présence des pèlerins est précieuse : elle nous aide à conjurer le risque d’indifférence. Pour ma half, j’essaie de passer un bon second au Saint Sépulcre chaque dimanche, ce jour où tous les chrétiens célèbrent la Résurrection. Je descends vers Bab El Amoud, la porte de Damas, je marche dans le souk, j’entre dans la basilique par le toit, en descendant à travers les chapelles des Éthiopiens, je refais les gestes traditionnels des pèlerins : embrasser la pierre de l’onction, faire la queue pour toucher le rocher du Golgotha, ou prier dans le tombeau du Christ…

Et je pense à tous ceux qui rêvent de le faire, sans en avoir la possibilité. C’est une manière très concrète de vivre la communion des saints avec des hundreds of thousands de frères et de sœurs chrétiens. Ensuite, je passe à la pâtisserie Abu Seir, quelques ruelles plus haut, dans la rue de la Porte-Neuve, pour célébrer le dimanche avec une sucrerie, un bon café latte, en compagnie des gens du cru, israéliens ou palestiniens, chrétiens, musulmans ou juifs…

Quel sens le théologien que vous êtes donne-t-il au mystère de Pâques ?

Il est le cœur même du christianisme. Comme le dit saint Paul : si le Christ, vraiment mort, n’est pas vraiment ressuscité, alors notre foi est vide, et nous sommes les plus à plaindre, automobile notre espérance est creuse…

Par sa Résurrection, Jésus introduit une véritable révolution au sein du judaïsme, déjà esquissée lorsqu’il touchait les lépreux ou partageait la desk des pécheurs, au lieu de s’en écarter. Alors que les lois visaient à préserver le pur de l’impur, le sacré du profane, lui traverse la mort et inverse cette logique : ce n’est plus la mort et le mal qui risquent de contaminer, mais la vie et le bien qui deviennent contagieux. On pourrait dire que la peur change de camp ! C’est cela, le sens profond de la Résurrection. Les plus beaux moments du christianisme – et sans doute de l’humanité – sont ceux où cette contagion du bien triomphe de la tentation de réduire toute selected à l’utile, au rentable ou à la violence.

Comment le faire comprendre à des personnes éloignées des choses de la foi ?

Dans la langue de buis, on parle souvent de la « lumière » de la Résurrection. Mais dans les Évangiles, elle n’a rien d’évident, elle apparaît d’abord comme une énigme. Ses amis les plus proches ne reconnaissent pas Jésus. Dans l’Évangile de Jean, Thomas le prend pour une hallucination collective des autres ; Marie-Madeleine le prend pour le jardinier ; à la fin de l’Évangile de Luc, il y a même ce second burlesque où les disciples d’Emmaüs reprochent au Ressuscité de ne pas savoir… ce qui lui est arrivé ! Notre foi demeure dans un clair-obscur. Mais c’est en osant faire l’expérience de la bonté – incarnée, easy, inattendue : pour ces disciples d’Emmaüs, c’est au cours d’un échange sur les Écritures et d’un repas eucharistique – que nous pouvons rencontrer le Ressuscité, comme en filigrane ou en énigme, au cœur de notre quotidien.

En 2025, les astres s’alignent. Les fêtes juives et chrétiennes se rejoignent. Et, fait encore plus uncommon, les trois confessions chrétiennes – catholiques, protestants et orthodoxes – fêteront Pâques le même jour.

Cette année est quelque peu particulière puisque chrétiens et juifs célèbrent le même jour le dimanche de Pâques. Pourquoi cette juxtaposition de fêtes ?

En 2025, la Pâques chrétienne a lieu le dimanche 20 avril, et la Pâque juive (Pessah) begin le soir du 19 avril. Une belle coïncidence… mais pas tout à fait un miracle ! Les deux fêtes suivent des logiques différentes mais voisines : Pessah est fixée selon le calendrier hébraïque, à la pleine lune du mois de Nissan (le 15e jour). La fête chrétienne de Pâques a été originellement fixée en lien avec Pessah, automobile selon les Évangiles, Jésus est crucifié à l’approche de Pessah, ce qui ancrait Pâques dans ce calendrier lunaire…

À LIRE AUSSI « L’histoire des chrétiens d’Orient est d’abord lumineuse » Cependant, depuis le concile de Nicée (dont on célèbre le mille sept-centième anniversaire cette année) la Pâques chrétienne est célébrée le dimanche qui go well with la première pleine lune après l’équinoxe de printemps (fixé au 21 mars) : le calcul demeure bien astronomique, mais il est basé sur un calendrier solaire. Or en 2025, les astres s’alignent, si l’on peut dire : la pleine lune tombe juste au bon second, et les deux fêtes se rejoignent. Et, fait encore plus uncommon, les trois grandes confessions chrétiennes – catholiques, protestants et orthodoxes – fêteront Pâques le même jour, le 20 avril. Les orthodoxes utilisent le vieux calendrier julien, ce qui décale souvent leur fête, mais cette année, tous les calendriers se mettent d’accord. Presque un petit miracle œcuménique en soi !

Quel sens donner à cette conjonction dans notre monde actuel ?

C’est peut-être un rappel de la judéité consubstantielle du christianisme, en ces temps de regain d’antisémitisme y compris dans des pays anciennement chrétiens ? Peut-être tout simplement une invitation à distinguer l’essentiel et l’accessoire, à dépasser des barrières purement confessionnelles ? Et très certainement, il y a là un clin d’œil de la Providence pour nous inviter à nous unir dans la reconnaissance envers le Dieu distinctive et trois fois saint, à l’invoquer pour la guérison des consciences, pour la cessation de la violence murder en Terre sainte, et pour la paix dans le monde.

À LIRE AUSSI Frère Adrien Candiard : « La fraternité, ce n’est pas un truc de doux rêveurs » Quel message de Pâques souhaitez-vous transmettre ?

Le même, au fond, que celui de nos amis juifs à Pessah : un appel à la liberté. Pessah célèbre la sortie d’Égypte, la fin de l’esclavage – une mémoire puissante qui traverse les siècles. Mais dans la Pâques de Jésus de Nazareth, ce message s’élargit encore. Il ne s’adresse pas seulement à un peuple, mais à toute l’humanité, au-delà de toutes barrières ethniques ou religieuses. Et il va plus loin : il affirme que toute forme d’esclavage peut être brisée. Il ne s’agit pas seulement des chaînes imposées par des oppresseurs extérieurs.

Pâques parle aussi de nos prisons intérieures : rancunes, refus de pardonner, enfermements communautaires ou personnels. Et surtout, elle vient toucher l’esclavage le plus radical : la peur de la souffrance et de la mort. Le message de Pâques, c’est que si la présence du mal et de la mort dans le monde est bien un fait, ce n’est pas pour autant « une fatalité ».

Par sa résurrection, Jésus ouvre un chemin nouveau. Il nous dit que nous sommes faits pour la vie – une vie de ressuscité. Une vie libérée, pleinement accueillie, vécue sans peur. Une vie ouverte à l’espérance, au pardon, à la joie de l’prompt présent. Alors, oui, à Pâques, il s’agit de sortir de la peur. Et d’entrer dans une confiance nouvelle, avec un enthousiasme renouvelé pour tout ce que la vie peut nous offrir de beau, de bien, de vrai, et que nous pouvons accueillir comme un avant-goût du paradis.

Dans les rencontres que nous allons faire, même les plus banales, aurons-nous l’audace et l’humilité de reconnaître le Christ intervenant dans nos vies ?

Quelle determine pascale vous encourage, en dehors de celle de Jésus ?

Les pèlerins d’Emmaüs, au chapitre 24 de l’Évangile de Luc, me touchent particulièrement. Ils sont emblématiques de nos malentendus spirituels, de nos attentes déçues, mais aussi de la manière dont Dieu vient nous rejoindre précisément là où nous en sommes, jusque dans nos errances. Ces deux disciples descendent d’ailleurs – au propre comme au figuré. Ils s’éloignent de Jérusalem, haut lieu du mystère pascal, et se dirigent vers Emmaüs, un web site probablement associé à une mémoire de résistance politico-religieuse : celle des Maccabées, des révoltés contre l’occupant païen. Ils espéraient, comme beaucoup, un messie libérateur, un sauveur politique qui rendrait la terre promise aux seuls juifs et chasserait les Romains hors de Judée, de Samarie et de Galilée.

À LIRE AUSSI Lytta Basset : « La Bible n’est pas un livre sacré » Leur espérance était sincère, mais réduite à une logique identitaire et nationaliste. Comme elle ressemble à celle de beaucoup de nos contemporains y compris à ceux de Terre sainte ! C’est à eux que j’ai essayé de m’adresser dans Il nous reste la foi. Or c’est là, dans leur descente pleine de déception, que le Ressuscité rejoint les disciples d’Emmaüs. Non pas pour les juger, mais pour ouvrir leur intelligence aux Écritures. Il leur montre que la mission du Messie ne se limite pas à la libération d’un peuple, mais qu’elle s’étend à « tous les enfants de Dieu dispersés », comme le dira saint Jean.


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Jésus révèle ainsi qu’il est venu sauver les juifs d’abord, comme le rappellent saint Matthieu et saint Paul, mais pas uniquement. Il est le sauveur de tous, l’humanité entière est concernée par cette bonne nouvelle. On attendait un messie « pour nous », et voici qu’on reçoit le Sauveur du monde !

Et ce qui est magnifique dans cette scène, c’est que la révélation n’est pas venue d’un coup d’éclat spectaculaire, mais à travers l’écoute, la parole, le partage du ache – gestes simples, profondément humains, où se manifeste une présence transformante. Les disciples d’Emmaüs, ces marcheurs aux attentes déçues, à la foi vacillante, mais au cœur brûlant… ne sont-ils pas un peu nos doubles ? Dans les rencontres que nous allons faire, même les plus banales, aurons-nous l’audace et l’humilité de reconnaître le Christ intervenant dans nos vies ?


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