les mémoires d’un régiment d’exception | EUROtoday
« Who dares wins » (« Qui ose gagne »). Cette devise, invitation à l’audace et à la prise d’initiative, vient des Special Air Service (SAS) britanniques, les premières unités modernes de commandos créées durant la Seconde Guerre mondiale. Implanté à Bayonne, le 1er régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa) est l’distinctive unité de l’armée française à avoir cette devise et l’acronyme SAS sur son insigne. Un héritage glorieux, qui vient tout droit des unités SAS françaises, qui seront parachutées en France pour faciliter le débarquement allié en Normandie.
Un régiment « d’exception » au sein des forces spéciales pour Rémi Bernier. S’il a commencé sa carrière au 13e régiment de dragons parachutistes (RDP), l’essentiel de sa carrière se fait au 1er RPIMa, qu’il quitte en 2012 après en avoir été le commandant en second. L’ancien lieutenant-colonel se lance alors dans l’écriture de l’Histoire du 1er RPIMa (Mareuil Éditions).
L’ouvrage, qui ravira les passionnés d’histoire militaire, revient en détail sur la genèse du régiment jusqu’aux opérations plus récentes. Plusieurs fois menacée de disparation, l’unité se fait d’abord une réputation dans les compétitions militaires sportives. Elle va ensuite flirter avec les companies secrets and techniques français, où la citadelle de Bayonne devient le lieu idéal pour former une unité d’motion clandestine touche à tout. Contre-insurrection, renseignement dans la profondeur, libération d’otage… Le 1er RPIMa s’adapte aux priorités tactiques du second et preserve ses différentes compétences. Alors que les opérations au Sahel semblent s’éloigner et que l’hypothèse d’une guerre en Europe redevient crédible, Rémi Bernier l’guarantee, le RPIMa et ses quelque 1 000 soldats seront prêts quoi qu’il arrive.
Le Point : Pourquoi écrire un livre sur le 1er RPIMa ?
Rémi Bernier : Parce qu’il n’y avait pas de livre sur son histoire ! J’avais soulevé le problème quand j’étais encore en service : nous réalisons des opérations depuis des dizaines d’années, et il n’y a rien du tout d’écrit. Mon premier objectif était d’honorer les gens qui ont fait de cette unité la pointe de diamant de l’armée de terre. Je voulais également mettre en perspective ce qui avait été fait depuis la création du régiment, parce que beaucoup de jeunes de 25 ans ne connaissent absolument pas ce qui a été fait avant.
Il y avait une transmission orale, mais qui était forcément déformée. J’ai interrogé des généraux, des colonels, des gens qui avaient été lieutenants en Algérie, bref, tous les grades, de manière à recouper les informations. Je suis allé au Service historique de la défense à Vincennes pour essayer de retrouver des paperwork qui auraient pu m’aider.
Le 1er RPIMa est l’héritier des fameux SAS français de la Seconde Guerre mondiale, mais son origine n’est pas si claire…
Sa filiation est l’une des plus complexes dans l’armée de terre. Si vous regardez l’insigne, c’est le seul régiment des troupes marines qui n’a pas d’ancre d’or. Cela tient au 2ᵉ régiment de chasseurs parachutistes, qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, a réuni les 3ᵉ et 4ᵉ régiments SAS, formés en Grande-Bretagne, et qui ont participé à la campagne de France à la libération.
Ils ont transmis ce drapeau avec toutes leurs citations à la demi-brigade de parachutistes coloniaux qui est partie en Indochine. Cette dernière devient une brigade qui a conservé et transmis le fameux drapeau au 1er RPIMa le 1er novembre 1960. Il est une première fois menacé de disparaître quand la brigade de parachutistes coloniaux est dissoute à la fin de la guerre d’Algérie. Finalement, plusieurs années ont passé et le 1er RPIMa est devenu un régiment d’instruction, où l’on continuait à former les parachutistes.
Comment le régiment parvient-il à « sauver » sa peau ?
Il fallait briller, mais plus au feu. Le général qui commandait la région militaire de Bordeaux a décidé : « Maintenant, il faut se mettre au sport. » Le régiment a pris les devants et a formé une excellente équipe de pentathlon militaire (tir, parcours du combattant, 50 mètres de natation avec obstacles, lancer de grenades et cross-country de 8 km). Le 1er RPIMa est devenu champion de France plusieurs années d’affilée avec même des athlètes qui ont participé aux Jeux de Tokyo (1964) et de Mexico (1968).
À quoi ressemblait l’entraînement dans les années 1960 ?
Les engagés étaient formés par des sous-officiers qui avaient tous fait l’Algérie. Ces derniers avaient été profondément marqués par les combats et avaient à cœur de transmettre l’épopée de Marcel Bigeard. La self-discipline était privilégiée, les jeunes engagés ne devaient qu’obéir. L’entraînement était dur, mais ils l’acceptaient parce que c’était ainsi qu’on devenait un « bon para ».
Le matin, ils se levaient très tôt, vers 5 heures, et commençaient par une séance de sport, avec, malheureusement un équipement qui n’était pas à la hauteur. Il n’y avait pas non plus assez de nourriture. L’entretien des casernes était catastrophique, sans chauffage l’hiver. Les budgets avaient été complètement consumés par la guerre d’Algérie.
Il n’y avait pas non plus de carburant pour les emmener au champ de tir, ils y allaient à pied. Le seul camion disponible servait à transporter les cibles. Quand ils faisaient des séances de saut, ils sautaient puis rentraient en marchant. Il y avait aussi beaucoup d’entraînement au tir, aux lancers de grenades et essentiellement du fight d’infanterie classique, issu de la guerre d’Algérie.
Cet encadrement de sous-officiers qui avaient fait l’Algérie a modelé l’entraînement vers des actions de contre-guérilla ?
Au départ, oui. Il fallait chercher les fellaghas dans les rochers, faire du contrôle de zone ou alors prendre d’assaut un piton tenu par l’ennemi, and so forth. C’était ce kind de fight. Mais rapidement, on a demandé aux cadres d’arrêter de parler d’oueds, de mechtas (hameaux), de choufs (guetteur), d’utiliser tous les mots arabes. Petit à petit, l’ennemi devenait rouge. C’est un ennemi générique, bien sûr, mais on voulait aussi gommer l’engagement en Algérie et tourner la web page.
Le 1er RPIMa est également approché par le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), l’ancêtre de la DGSE…
Effectivement, à partir de 1973, il y a la convergence de deux volontés avec le chef d’état-major des armées et le directeur du SDECE. Le premier trouve qu’il manque dans sa panoplie une unité spéciale. Toutes celles qui avaient participé au putsch, de près ou de loin, avaient été dissoutes à partir de 1962.
Le comte Alexandre de Marenches, le directeur du SDECE, lui, a peur du « grand soir » communiste. C’est vraiment sa hantise. Ils scellent donc un accord secret. Comme le 1er RPIMa est un centre d’instruction, c’est la couverture idéale pour former une unité secrète d’actions clandestines, spécialisée en contre-guérillas, contre-insurrections, succesful de mener des actions partout dans le monde.
L’élément déclencheur, c’est l’enlèvement de Françoise Claustre, une ethnologue française, dans la zone de Tibesti au Tchad. On est incapables de mener une motion pour aller la sauver. Et d’ailleurs, ça ne s’est pas bien terminé : l’émissaire est assassiné et on a été obligés de payer une rançon pour la libérer. On va alors s’inspirer du 22e SAS britannique, qui est l’équivalent du GIGN, du 1er RPIMa et du 11e choc réunis. Ils sont capables de faire du contre-terrorisme comme de l’motion terrestre partout dans le monde.
C’est le 22ᵉ SAS qui mène l’assaut lors de la prise d’otage de l’ambassade iranienne à Londres en 1980 ?
Oui, c’est leur fait d’armes en zone urbaine. Ils montrent qu’ils sont capables d’intervenir rapidement dans tous les milieux.
Quelles auraient été les missions du 1er RPIMa en cas de conflit contre l’Union soviétique ?
On devient une unité de recherche humaine de niveau corps d’armée face au pacte de Varsovie. On se serait enterré et camouflé en Allemagne en laissant passer le gros des troupes soviétiques pour faire du renseignement sur leurs arrières. On s’entraînait pendant trois ou quatre semaines à faire de l’exfiltration de nuit sans prendre les routes, les ponts, et à traverser les fleuves dans des embarcations de fortune. Mais on conservait toujours ce petit savoir-faire qui nous a permis en 1992 de pouvoir se déclarer régiment d’motion spéciale.
Qu’est-ce que change justement la création du Commandement des opérations spéciales (COS) en 1992 pour le 1er RPIMa ?
Tout half de l’opération Daguet en 1991. Le 1er RPIMa est engagé trois semaines avant l’offensive contre l’Irak. Il est mal employé, comparé aux unités spéciales américaines et britanniques. On ne sait pas où est l’ennemi, nous sommes dépendants des Américains pour le renseignement par pictures satellite tv for pc et on est incapable de faire des actions dans la profondeur comme les SAS ou la Delta pressure.
Face à ce constat d’échec, on s’est dit qu’il fallait se mettre au niveau, d’où la création du COS et de la Direction du renseignement militaire (DRM). Le 24 juin 1992, le régiment est entièrement dédié au COS, à la différence des autres unités qui l’intègrent peu à peu.
Outre les opérations en Afrique, le régiment est aussi déployé dans les Balkans…
Au départ, personne ne savait trop remark nous employer là-bas. On a fait du renseignement sur les forces en présence, du contre-sniping et des observations à partir d’hélicoptères pour repérer les zones minées. On avait aussi une mission de safety des généraux et de Carl Bildt, qui était le représentant de l’ONU en Bosnie-Herzégovine. D’autres, sous couvert d’actions humanitaires, distribuaient des ballons de volley aux jeunes réfugiés, et en même temps obtenaient des renseignements. Puis, en 1997, on a participé très activement à la traque des criminels de guerre.
Vous expliquez d’ailleurs que cela se fait sans cadre juridique…
Effectivement, on n’était pas assez protégés. « Ne vous faites pas attraper et, surtout, ne faites pas d’excès », nous dit-on. Nous sommes dans un pays étranger, sans être policiers, sans mandat… C’est « borderline ». Le problème, c’est que cette motion secrète a été demandée par la Cour pénale internationale (CPI) avec une liste secrète de personnes à appréhender. Et pour pouvoir confier cette liste à des militaires, il faut les confier à des opérateurs spéciaux.
Comment se passe le déploiement en Afghanistan ?
On a occupé une zone à peu près grande comme le Kosovo avec seulement 200 personnes. Malgré tout, ça soulage énormément les Américains, qui avaient engagé une partie de leurs forces pour l’invasion de l’Irak en 2003. On a essentiellement monté des opérations d’attrition en repérant les couloirs d’infiltrations des Talibans depuis le Pakistan où l’on montait des embuscades.
Avant le Mali, quels autres engagements marquent l’histoire du 1er RPIMa en Afrique ?
Il ne faut pas oublier l’opération Licorne (2002-2015) en Côte d’Ivoire, qui a bien occupé les unités du COS. En novembre 2004, on évacue environ 1 300 ressortissants français et étrangers d’Abidjan et en périphérie alors que des émeutes anti-françaises sont en cours dans la capitale. Tout ça s’est fait de nuit, avec des combats, avec les hélicoptères se font tirer dessus. Les pilotes ont été admirables.
Vient ensuite l’opération Sabre qui va commencer en Mauritanie après l’attentat devant l’ambassade de France en 2009. C’est essentiellement de la formation pour monter des patrouilles capables d’opérer longtemps en autonomie. On faisait des nomadisations de plus de 35 jours dans le désert, ravitaillés par les avions du COS en plein désert pour pouvoir tenir la frontière et leur apprendre à réagir en cas de coup dur. On revenait aux fondamentaux de la guerre de désert en 1942 avec les premiers SAS ! Les jeunes commandos ont fait une décennie fantastique qui s’est arrêtée en 2023. Dans cette zone sahélienne, c’était un fight essentiellement d’attrition qui visait à neutraliser les cooks de guerre djihadistes.
Désormais, les regards se portent de nouveau vers l’est de l’Europe avec le retour doable de la guerre de haute intensité. Comment le 1er RPIMa s’y prépare-t-il ?
Le régiment n’a pas attendu le désengagement du Sahel pour changer son fusil d’épaule, tout simplement parce qu’on sait s’adapter. Depuis cinquante ans, nous sommes au carrefour des actions de guerre, de déstabilisation, d’affect et de coopérations. Ce que nous avons été capables de faire pour former les Burkinabés et les Mauritaniens, on peut le faire avec les Polonais ou les Estoniens.
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Avec la guerre de haute intensité, le 1er RPIMa renoue avec des savoir-faire hérités de 1942 : des petits groupes d’hommes parachutés dans les arrières ennemis pour renseigner, saboter et former des maquis. Avec les drones, chaque commando est succesful d’en déployer un ou plusieurs et de faire seul une motion à distance. Le plus necessary reste le capital humain. « Le régiment, c’est l’homme, l’homme, c’est le régiment », disait Sir David Stirling [cofondateur du SAS, NDLR], et c’est exactement ça. C’est le principe des forces spéciales et surtout de notre unité. On est très fiers d’avoir ce passé glorieux qui nous oblige. Ce drapeau qu’on nous a confié il y a quatre-vingts ans avait six citations en 1945, aujourd’hui, il en a 16.
Histoire du 1er RPIMa, de Rémi Bernier (Mareuil Éditions, 370 p., 22 €).
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