« Pour mon enterrement, j’ai déjà toute la playlist en tête » | EUROtoday

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À l’hôtel Meurice où il nous a donné rendez-vous, Thierry Ardisson est un peu comme chez lui. Une fois commandés un café, une orange pressée et un croissant, l’animateur-producteur s’installe confortablement sans oublier de vous rappeler qu’il relira l’interview, sans rien y changer d’essentiel… (On confirme.) Il est là aujourd’hui pour évoquer L’Homme en noir, sorte d’autobiographie dans laquelle il think about, alors qu’on vient de lui tirer dessus, les invités qu’il pourrait recevoir dans Tout le monde en parle, son talk-show emblématique.

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« J’ai eu l’idée d’un jugement dernier sous acide, un present inconceivable », explique notre interlocuteur qui, à 76 ans, reconnaît penser à la mort, sans pour autant, dit-il, en avoir peur.

Ici, pas de langue de bois, pas de faux-semblant. Au menu de cette interview, des sorties qui vont faire grincer des dents, le tout arrosé de punchlines qui lui ressemblent. Thierry Ardisson est prêt à tout dire, tout raconter, y compris à s’expliquer sur tout.

Le Point : Commençons par parler de la phrase que vous avez prononcée sur le plateau de Quelle époque !, le 10 mai dernier : « Gaza, c’est Auschwitz. » Qu’est-ce qui s’est passé ?

Thierry Ardisson : Je suis allé dans Quelle époque ! pour y parler de mon livre, L’Homme en noir. À un second, après que j’ai expliqué remark j’avais viré Dieudonné de mon plateau en 2004 pour antisémitisme, soit dix ans avant que Manuel Valls n’interdise ses spectacles, Léa Salamé a fait entrer un médecin, Raphaël Pitti, présenté comme une sorte de Mère Teresa, mais qui était aussi militant politique au parti Place publique, ce que personne ne nous avait dit. Il a raconté son histoire. Submergé par l’émotion, j’ai alors prononcé une phrase inappropriée : « Gaza, c’est Auschwitz. » Le lendemain, la polémique a éclaté sur Twitter. Je me suis immédiatement excusé, ce qui a un peu calmé les choses, automotive je ne m’excuse jamais et, donc, quand je le fais, ça se remarque. J’ai également envoyé un communiqué à l’AFP, mais ils n’en ont publié que la moitié, va savoir pourquoi.

Sur le second, franchement, vous n’avez pas réalisé l’impression d’une telle phrase ?

Non, pas sur le second. Après coup, bien sûr, et je me suis excusé. Sur le plateau, d’ailleurs, personne n’a réagi, ni Léa Salamé ni Appoline de Malherbe : tout le monde est parti après l’émission comme si de rien n’était. Je pensais que cette phrase allait être coupée au montage.

Honnêtement, vous l’auriez coupée, vous, si elle avait été prononcée dans un de vos talk-shows ?

Oui, je l’aurais fait. “Gaza, c’est Auschwitz”, ça c’est une formule pour banderole LFI. Je pense que Léa Salamé a été aussi shock que moi de retrouver cette séquence dans l’émission. Ce qui est sure c’est que 1, je ne suis pas antisémite, tout le monde le sait. 2, je sais aussi très bien ce qui se passe à Gaza. Nos enfants nous reprocheront un jour de ne pas l’avoir dénoncé plus fort. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas, tout est sous nos yeux. Et 3, mes propos ont dépassé ma pensée.

Parlons de votre livre, L’Homme en noir. On a l’impression que vous avez cherché à transgresser les codes habituels de l’autobiographie en mélangeant plusieurs genres… C’était pour ne pas faire comme les autres ?

Oui, j’ai cherché une forme originale pour raconter ma mort. J’ai eu l’idée d’un jugement dernier sous acide, un present inconceivable où débarquent, comme des invités habituels, toutes sortes de gens, des gens que j’ai déjà interviewés, d’autres que je n’ai pas eus sur mon plateau et même des proches. C’était très joyeux à écrire, avec des souvenirs de télévision, des anecdotes personnelles, des moments drôles. Mais surtout, je voulais être vrai et ne pas me donner le beau rôle. Il y a des moments où je suis à mon avantage, et d’autres où je le suis moins. Ce n’est pas un livre hagiographique.

Mais quel était le however de tout ça ?

Je voulais me montrer tel que je suis, parler de mon trac à la télévision, de la drogue, de mes souffrances, de mes dad and mom. Il y a des passages valorisants, mais aussi des passages plus difficiles. Je voulais être sincère, sans tomber dans l’autocélébration.

Mais vous n’en avez pas marre de vous ?

Si, j’en ai marre ! (Il rit). Maintenant, ça y est, j’ai tout dit. La seule fois où vous entendrez encore parler de moi, ce sera dans La Face cachée de l’homme en noir, le documentaire que ma femme, Audrey Crespo-Mara, a fait sur moi pour TMC. Je n’ai pas eu le droit de m’en occuper. Je l’ai vu pour la première fois il y a dix jours : c’est remarquable ! Elle y a passé plus d’un an, elle m’a poussé dans mes retranchements. TF1 a beaucoup aimé.

On a l’impression qu’Audrey Crespo-Mara est votre lumière…

(Silence). J’ai rencontré Audrey quand j’avais 60 ans, elle en avait 33. Je l’ai aidée à prendre confiance en elle. Aujourd’hui, elle réussit très bien. Sans moi. Elle est très indépendante.

D’accord mais elle, elle vous apporte quoi ?

L’amour. Je n’ai jamais été aimé comme ça. (Ému, il essuie ses yeux où perlent quelques larmes avant de reprendre la parole). On vient d’acheter une maison dans le Sud, on est très heureux.

Vous imaginez au début de votre livre qu’on vous a tiré dessus et que vous vous retrouvez entre la vie et la mort. Depuis l’émission Hôtel du temps que vous avez créée, et dans laquelle vous interviewez des personnalités disparues, la mort semble beaucoup vous préoccuper. Est-ce une obsession ?

Vous verrez quand vous aurez 76 ans… (Il sourit.) Non, ce n’est pas une obsession. Je n’ai pas peur de la mort physiquement. D’autant que nous sommes en prepare de voter en France une loi pour abréger les souffrances, et ça me va très bien… Si je crains la mort, c’est davantage sur le plan métaphysique. La vie passe très vite, c’est un clin d’œil. J’ai essayé de la vivre au most, mais il y a toujours ce sentiment de « non-fini ». Je mourrai avec des idées d’émissions et de livres en tête.

Ce livre, c’est votre testomony en quelque sorte ?

J’ai déjà raconté ma vie de ma naissance à 2005 dans Confessions d’un baby-boomer. Ici, je vais plus loin dans la sincérité. Mais promis il n’y aura pas de suite, type « J’ai oublié de vous dire… ». Ma vie n’est pas celle de Napoléon, on ne peut pas en faire cinquante livres.

Qu’aimeriez-vous que l’on dise de vous quand vous ne serez plus là ?

« Il avait des idées ». C’est ce qui me caractérise. C’est vrai, j’en ai eu dans tous les domaines : livres, pubs, télévision. J’ai pris beaucoup de plaisir à inventer, à créer. C’est mon petit expertise.

Si François Mitterrand était présent lors de ses funérailles. Vous êtes-vous déjà amusé à imaginer qui viendrait à votre enterrement, et vous, qui aimeriez-vous y voir ?

J’aimerais que les trois femmes que j’ai épousées soient là. Ma famille aussi. Mes potes. De toute façon, quand je sentirai la mort approcher, j’écrirai tout. Je veux l’encens, les enfants de chœur… la totale ! J’ai déjà toute la playlist en tête (Il rit.) Je veux qu’on écoute « Lazarus » de David Bowie et « In My Life » des Beatles repris par Sean Connery.

Vous avez déjà tout prévu de la cérémonie, on dirait…

Je ne pense pas qu’on remplisse toute une église avec des gens qui viendront chanter mes louanges ! Ou alors peut-être une petite chapelle ! (Il rit.) J’ai toujours été un mouton noir, donc ça ne m’ennuie pas. On ne peut pas garder la liberté de ton que j’ai, en espérant être aimé par tout le monde !

Avez-vous l’impression parfois qu’on vous fait payer aujourd’hui ce que vous appelez votre liberté de ton ?

(Il sourit.) Je suis saint Sébastien, je sens les flèches transpercer mon corps ! Je plaisante, mais oui, un peu. Quand j’ai eu la Légion d’honneur, certaines actrices, sous la tutelle de Christine Angot, ont protesté en disant que je les avais « sexualisées ». Mais les questions un peu grivoises, je les ai posées à tous, même à Michel Rocard ! Et puis les invitées qui participaient à mes talk-shows venaient vendre des disques, des livres, des movies et savaient très bien où elles mettaient les pieds. Et d’ailleurs, elles revenaient… Christine Angot est venue en 1999, elle a dit que ça s’était très mal passé, et elle est income l’année suivante !

Laurent Baffie a présenté ses excuses pour son comportement sur votre plateau à l’époque de Tout le monde en parle… Vous n’avez pas envie de le faire ?

Non. L’erreur qu’il fait, c’est de présenter ses excuses pour des choses qu’il a faites il y a vingt-cinq ans. Ceux qui l’aiment disent : « Ah ouais, il s’excuse, finalement il renie ce qu’il était », et ceux qui ne l’aiment pas, de toute façon, ne l’aimeront pas davantage. Lui, il a cru qu’en s’excusant, il allait gagner toute une frange de la jeunesse pour ses publications Instagram. Mais les mecs, c’est les Khmers rouges. Pendant la révolution culturelle de Mao Zedong, les enfants dénonçaient les dad and mom quand ils écoutaient une radio américaine. Aujourd’hui, c’est pareil : on ne trouve jamais grâce à leurs yeux, ça ne sert à rien d’essayer…

Les néoféministes, n’ayant pas trouvé de #MeToo à me mettre sur le dos, parce qu’il n’y a rien à trouver, ont décrété que j’ai “sexualisé” mes invitées.

Vous lui avez dit ce que vous en pensiez ?

Oui, je l’ai appelé pour lui dire : « Quand tu dis : “On était cons et machistes”, moi, je n’étais ni con ni machiste, j’étais Thierry Ardisson. Tu parles pour toi. » Il a compris. Il était désolé.

Il a parlé des « proies » auxquelles vous vous attaquiez…

Dire ça, c’est scandaleux ! Car, d’abord, je n’ai jamais employé ce terme et je n’ai jamais raisonné comme ça. Quand une jeune actrice de 22 ans, dont c’était le premier movie, se retrouvait dans ce que Jean d’Ormesson appelait, le « bordel du samedi soir », c’est vrai que c’était sûrement difficile… Mais, quand vous regardez les interviews, aucune ne me dit : « Arrêtez-vous. » Les néoféministes, n’ayant pas trouvé de #MeToo à me mettre sur le dos, parce qu’il n’y a rien à trouver, ont décrété que j’ai « sexualisé » mes invitées. À l’époque, c’était Michèle Cotta qui dirigeait France 2. Jamais elle ne m’a dit que je « sexualisais » mes invitées. Et j’étais sur le service public… Donc voilà, c’est pour ça que je ne m’excuse de rien.

Mais est-ce que vous le referiez aujourd’hui ?

Non, parce que ce serait choquant. Mais c’était l’époque… Il y a des trucs qu’on ne peut plus dire, il y a des choses qu’on ne peut plus faire… Si j’avais un talk-show aujourd’hui, ce serait totalement différent. Mais là, c’était comme ça. De toute façon, désormais, il est de bon ton de tacler Ardisson parce que j’incarne le baby-boomer.

Pour que ne pas prendre les commandes d’un talk-show à nouveau ?

Quand j’ai été viré de la chaîne de Bolloré [C8, NDLR], j’ai eu des propositions, mais j’ai préféré faire Hôtel du temps. D’abord, il n’y a plus d’invités : Gainsbourg est mort, d’Ormesson est mort, Karl Lagerfeld est mort. Il y a un vrai manque de matière première. Ensuite, les grandes stars américaines ne viennent plus. Quand elles débarquent à Paris, elles restent une journée dans leur hôtel et elles repartent. Et puis il y a les réseaux sociaux, la phrase extraite du contexte, et ça, c’est la malédiction absolue !

Imaginons que pour une émission spéciale, vous ayez la possibilité de recevoir trois personnalités. Qui inviteriez-vous ?

J’inviterais Retailleau, Mélenchon et Baffie.

Quand vous ne travaillez pas, que faites-vous ?

Je travaille. J’ai toujours des projets en tête, comme « L’Âge d’or du clip » après L’Âge d’or de la pub. On prépare aussi de relancer un format très connu, mais je ne peux pas en dire plus. J’ai des idées, j’essaie de les concrétiser, même si l’écosystème de la télévision a beaucoup changé.

Vous êtes un nostalgique ?

Non, je ne suis pas nostalgique. J’ai fait avec Hôtel du temps la seule émission faisant appel à l’IA. Ce n’est pas de la nostalgie, c’est de la transmission. Il y a plein de choses dans le monde moderne qui me plaisent, le smartphone, les plateformes de streaming, l’IA.

Y a-t-il des choses que vous regrettez dans la vie ?


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Non, pas vraiment. J’ai essayé de bien me conduire, d’être généreux lors de mes divorces, de ne pas me comporter comme un rat. Si j’ai une dette, c’est envers mes dad and mom. Je leur ai beaucoup reproché de ne pas m’avoir offert la vie que je voulais… Je ne comprenais pas pourquoi j’étais né là. Je croyais qu’il y avait une erreur à la maternité. Je me demandais ce que je foutais dans cette famille. Je constate pourtant que mon père m’a beaucoup appris ! C’est lui qui m’a initié à l’humour, à l’data, au cinéma… Avec le temps, je me rends compte que mon père avait raison sur beaucoup de factors.

L’Homme en noir, de Thierry Ardisson (éd. Plon, 224 p., 21 euros)

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