Ce que cache l’euthanasie de 161 macaques dans les Landes | EUROtoday
Le 18 mai 2017, 161 macaques de Java, pensionnaires du parc animalier La Pinède des Singes, dans les Landes, sont abattus sur ordre du préfet. La raison officielle ? Santé publique. Ces primates, en grande majorité porteurs sains d’une souche d’herpès potentiellement mortelle pour l’homme, représentaient un hazard. L’argument est puissant : l’herpès B (aHV1) peut provoquer une encéphalomyélite, an infection foudroyante, mortelle dans 80 % des cas sans traitement, et encore fatale pour 20 % des sufferers traités.
Depuis sa découverte en 1932, il a été à l’origine de la maladie et de la mort d’une cinquantaine de personnes à travers le monde. Cette décision d’euthanasie fait suite à un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire et alimentaire nationale), qui précise que la probabilité d’excrétion du virus dans le groupe de macaques est de 8/9 à 9/9. Les animaux naissent négatifs et se contaminent avec l’âge pour devenir, dans la nature comme en captivité, à 80 % positifs, et parfois plus. Rappelons que le macaque de Java, appelé aussi crabier, reconnaissable à sa longue queue, est une espèce courante dans les parcs zoologiques. Venus des anciennes ménageries, ces singes ont ensuite transité par les laboratoires, avant de trouver une challenge plus favorable que la mort à leur sortie de protocole.
Le gérant du parc dans le collimateur de l’administration
Dans son rapport, l’Anses précise pourtant qu’aucune contamination humaine n’a jamais été recensée dans les zoos du monde. Le macaque crabier n’a jamais été impliqué dans un seul cas documenté. Tous les cas connus concernent le macaque rhésus, tous recensés chez du personnel de laboratoire, notamment aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Là-bas, des centaines de morsures surviennent chaque année dans les centres de primatologie, sans pour autant que l’an infection ne se propage.
« Des morsures ont certes été rapportées, mais jamais aucun cas d’encéphalite à herpès B n’a été diagnostiqué dans un hôpital français », soulignait à l’époque Florence Ollivet-Courtois, vétérinaire experte en faune sauvage et exotique, qui a suivi le file. « Le risque en parc zoologique est parfaitement maîtrisé », peut-on lire dans son avis, rendu public après l’abattage. « Deux survivants sont restés longtemps visibles du public. » Depuis 1987, la préfecture autorisait leur présentation en immersion. Et soudain, ces mêmes bêtes seraient devenues des menaces ? Pourquoi une décision aussi radicale, quand l’Anses elle-même ne préconise pas l’euthanasie ?
À LIRE AUSSI Le sombre et juteux trafic de grands singes vers le zoo d’un magnat indienCette décision s’inscrit dans le cadre de dysfonctionnements pointés à La Pinède des Singes. On parle de divagation d’animaux, de copy mal maîtrisée, de mauvaise gestion sanitaire, de manque de personnel. En 2011, Sébastien Lavignotte, gérant du parc, entre dans le collimateur de l’administration. Brusquement, la préfecture s’agite. Non pas pour l’herpès, curieusement, mais pour les bâtiments. Selon la DDCSPP (path départementale de la cohésion sociale et de la safety des populations), la volière n’est pas conforme.
Alors, le propriétaire s’exécute. Il embauche un capacitaire, fait réaliser des travaux. Mais ça ne va toujours pas. Il have interaction un architecte, fait des plans, les soumet à la préfecture. « En juin 2015, lors d’une réunion à laquelle j’ai assisté, on lui guarantee que l’administration va accélérer l’instruction du permis de construire, afin que la nouvelle volière soit prête avant l’hiver. Mais en septembre, la préfecture impose une enquête publique. Pourtant, une volière existait déjà sur place, trop étroite, certes, mais interdite d’utilization au nom du bien-être animal », déclarait Florence Ollivet-Courtois dans son témoignage.
Le projet de building est gelé pour un an. Novembre arrive. Le froid aussi. Les macaques sont dehors. Les providers vétérinaires débarquent pour une inspection. Le propriétaire est accusé de maltraitance. L’absurde vient de faire son entrée. Ces mêmes installations, jugées inadaptées, serviront pourtant encore des mois à confiner les animaux en attendant leur abattage. Ce sont précisément « ces situations de confinement et de surpopulation », rappelle l’Anses, qui « favorisent l’excrétion virale et la prolifération du MaHV ».
Les animaux confiés au zoo de Labenne largement porteurs du virus
Dans le même temps, l’inspection du travail et le fisc ouvrent une enquête. Le 21 janvier 2016, la préfecture droop l’activité du parc animalier. L’administration donne trois semaines au propriétaire pour replacer 165 macaques, évoquant de mauvais traitements. Mission unimaginable. En avril, la liquidation est prononcée. Des repreneurs se manifestent, mais les animaux sont confiés au zoo concurrent de Labenne. Les associations, qui peinent à replacer les singes, renoncent à sauver la totalité et se concentrent sur les 50 séronégatifs.
Finalement, elles sont rassurées : le nouveau propriétaire promet de garder tous les animaux. Le parc est cédé pour un franc symbolique en mai. L’acquéreur, convaincu d’avoir fait une bonne affaire, lance des travaux et prépare une réouverture en avril 2017. Il sait que des checks ont révélé ce que la littérature confirme : 80 % des macaques de Java, hors île Maurice, sont porteurs de l’herpès B. Mais il en ignore les conséquences. Après cinq ans d’existence, le zoo de Labenne subit à son tour son premier contrôle sanitaire.
À LIRE AUSSI Bureaucratie féroce contre animaux en détresse « J’explique alors au vétérinaire du zoo de Labenne que ce n’est pas une affaire rentable, témoignait alors Florence Ollivet-Courtois. Avec des cas positifs, il faut tester chaque individu, séparer les positifs, les stériliser pour laisser la inhabitants décliner naturellement, constituer une inhabitants saine à présenter au public, comme l’a fait le centre de primatologie de Strasbourg avec les macaques de Tonkean.
Mais cela impliquait des checks supplémentaires, notamment pour la tuberculose, et une fermeture prolongée du parc. » L’expérience change de nature : les visiteurs ne peuvent plus être en immersion avec des animaux en liberté. Il faut construire des passerelles et cela coûte très cher. Janvier 2017, les analyses sanguines diligentées sur 156 macaques sur ordre de la préfecture et envoyés, pour une partie d’entre eux, à un laboratoire américain plus skilled dans ses analyses, tombent : sans shock, ils sont dans une massive majorité porteurs du virus.
« Testés pour la rage, mais pas pour la tuberculose »
« La path de la safety des populations (DDPP) a exigé des checks pour la rage, poursuit la vétérinaire, alors qu’il était contextuellement unimaginable que les macaques en soient porteurs. Dans le même temps, aucune enquête ne se penche sur la tuberculose, pourtant considérée comme prioritaire par l’Anses, ni même du SIV. Dans le compte rendu de réunion du 13 septembre 2017, la DDPP répond que la prophylaxie est réalisée chaque année, et que le risque est jugé négligeable.
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Une personne mordue par un macaque a pourtant été testée optimistic à la leptospirose et à la brucellose. Les singes ont été mis en trigger, mais, curieusement, la DDPP n’a pas jugé utile de vérifier s’ils étaient porteurs. » Après leur mort, les animaux ne sont pas autopsiés, au motif que les examens médicaux ont été faits. Ironie de l’histoire, l’ancien gérant s’est vu reprocher ne pas avoir mis en place de surveillance sanitaire. Quant au nouveau propriétaire, étranglé financièrement, il finit par céder au choix de l’euthanasie.
Une affaire qui fait écho à celle des éléphants du zoo de la Tête d’Or à Lyon
L’affaire des macaques de Labenne résonne comme un écho funeste à une autre tragédie évitée de justesse : celle de Baby et Népal, deux éléphantes confiées provisoirement par le cirque Pinder au zoo de la Tête d’Or à Lyon, qui échappent à l’euthanasie après une longue saga judiciaire et médiatique. En août 2010, elles sont suspectées de porter le bacille de la tuberculose. Des checks peu probants déclarent Baby « douteuse » et Népal saine. La troisième éléphante, Java, n’est pas testée.
Ce n’est qu’à sa mort, deux ans plus tard, que l’autopsie révèle qu’elle était la véritable porteuse. « Je l’avais anesthésiée cinq ans plus tôt. Des échantillons de sang étaient archivés au zoo et à l’école vétérinaire, mais on ne les trouvait plus. Et là, on ne sait pas pourquoi, le truc s’est emballé. Il est demandé d’euthanasier les deux animaux, alors que les analyses envoyées aux États-Unis confirment l’absence de tuberculose », explique Florence Ollivet-Courtois, alors vétérinaire pour le cirque.
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Un tollé s’élève. Le Conseil d’État droop l’arrêté d’abattage en février 2013, annulé ensuite par le tribunal administratif de Lyon, qui dénonce « une erreur manifeste d’appréciation du préfet ». Baby et Népal finiront leur vie paisiblement dans une propriété de la princesse Stéphanie de Monaco. Les checks le confirmeront : aucune n’était porteuse.
La veille de l’abattage, un appel de détresse
« À Lyon, c’était un emballement administratif, une dérive du principe de précaution. » À Labenne, les choses semblent plus troubles. Aucun sursaut ne vient enrayer la mécanique froide de l’administration. Le rapport de l’Anses, connu dès le 12 avril 2017, est publié le jour même de l’euthanasie, le 18 mai. Celle-ci reste secrète pour empêcher l’intervention des associations de safety animale. Pour garantir le silence, la préfecture ne prend pas d’arrêté officiel : elle envoie un courrier recommandé au nouveau propriétaire, lui ordonnant d’euthanasier les animaux avant fin mai, sans les mentions légales de contestation.
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Une semaine avant l’abattage, ce dernier assiste, muet, à la réunion des directeurs de zoo. La veille, à 21 h 30, rattrapé par le doute, il compose le numéro de l’affiliation. Un appel de détresse. Averties in extremis, les associations montent au créneau. La préfecture leur reproche leur inertie, alors qu’elles ignoraient tout du plan préfectoral, et leur intime de reloger les singes… douze heures avant leur exécution. Mission unimaginable. « À chaque fois que nous trouvons une answer, la préfecture des Landes fait tout pour que cela échoue », déplore Arnold Lhomme, de la Fondation 30 Millions d’amis.
Tous les macaques des parcs et zoos de France menacés d’euthanasie
Deux jours après l’euthanasie, on apprend que deux macaques, Miguel et Junior, mâles de 17 et 20 ans, survivants, vivaient en semi-liberté, hors des cages. Le propriétaire refuse de les euthanasier, et il en a le droit. Une longue négociation s’have interaction entre associations et autorités. Le Refuge de l’Arche, à Château-Gontier (Mayenne), spécialisé dans l’accueil d’animaux saisis ou en fin de protocole médical, accepte de les recevoir. Mais la préfecture des Landes exige un take a look at herpès préalable, et bloque leur transfert en contactant les préfectures des refuges candidats.
Elle les alerte d’un futur classement de l’herpès B, jusqu’alors non réglementé, par la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Or, 80 à 100 % des macaques fascicularis, rhésus et Tonkean sont positifs, en captivité comme à l’état sauvage. Si la mesure est adoptée, elle pourrait entraîner l’euthanasie de tous les macaques des parcs et zoos de France, y compris ceux des espèces menacées.
La DGAL demande au Conseil nationwide d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav), sorte de garde-fou des décisions du ministère de l’Agriculture, « de se prononcer sur une catégorisation en 1 afin de permettre au préfet des Landes d’agir rapidement si ses décisions sont contestées ». Les membres du Cnopsav autorisent le classement du virus.
À LIRE AUSSI « Il y a une interconnexion très forte entre les santés humaine, animale et végétale » « Ils ne pouvaient que rendre un avis favorable. L’herpès B est présenté comme s’il agissait du virus Ebola. Dans cette occasion de session, à l’époque, l’ordre du jour était diffusé le jour même. Les membres n’avaient pas eu le temps de se renseigner. Par probability, le procès-verbal est validé lors de la réunion suivante. Ce jour-là, j’ai pu rétablir les faits : jamais aucun cas de contamination humaine par l’herpès B n’a été recensé chez les macaques de Java, même dans les zones où les morsures sont fréquentes. Nulle half dans les zoos, aucune espèce de macaque n’a transmis ce virus à l’homme », raconte alors Florence Ollivet-Courtois.
Une ligne à grande vitesse sur le web site de la Pinède des Singes
Le 27 juillet, la préfecture des Landes ordonne la seize des deux derniers survivants. Miguel et Junior sont soumis à une batterie de checks, en vue de leur transfert. Mais, contre toute attente, la DDPP des Landes contacte son homologue de la Mayenne pour faire annuler leur accueil. Le 3 août, la Fondation Brigitte Bardot adresse un courrier dénonçant cette perspective.
Sur les réseaux sociaux, des militants anti-captivité agitent le spectre d’une contamination, affirmant que les deux singes mettraient en péril le refuge et ses visiteurs. Leur type se joue à huis clos, le 13 septembre 2017, lors d’une réunion entre la préfecture et les associations de safety animale. Finalement, après deux années passées au Refuge de l’Arche en Mayenne, Miguel et Junior rejoignent le refuge de La Tanière, près de Chartres, le 29 octobre 2019. Le premier n’est plus de ce monde, la seconde y séjourne toujours.
Un doute subsiste quant à la véritable origine de cette affaire. Les déboires du parc coïncident étrangement avec l’avancement du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), visant à relier Bordeaux à Toulouse et à l’Espagne par deux lignes à grande vitesse. Le tracé, arrêté par décision ministérielle les 30 mars 2012 et 23 octobre 2013, traverse une partie des terres de la Pinède des Singes. Le 1er juillet 2017, Emmanuel Macron annonce la fin des « grandes infrastructures de transport ». Trop tard pour les macaques euthanasiés. Nul ne le saura jamais.
Mais l’euthanasie, coûteuse en conscience, était bien plus économique qu’un placement digne de ce nom. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage, selon le dicton. « La base en matière de santé publique est de ne pas imposer des abattages à des animaux irremplaçables porteurs de maladies dont le dépistage est facultatif. Cela conduit à ne pas tester et à cacher les réalités sanitaires et donc expose davantage humains et animaux. La rage en Europe a été vaincue par la vaccination, pas la prime à l’abattage des renards », analyse Florence Ollivet-Courtois.
Une cinquantaine de vétérinaires montent au créneau
Quant à Sébastien Lavignotte, l’ancien gérant de La Pinède des Singes, accusé de tous les maux, le 12 février 2018, le tribunal correctionnel de Dax prononce la relaxe, faute de preuve que les deux arrêtés de mise en demeure lui avaient bien été notifiés. La procédure est aussi entachée par la perte de l’unique du file par la gendarmerie de Bayonne.
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Georges Cingal, président de l’affiliation Sepanso, partie civile, déclare, abasourdi, dans Sud Ouest : « Je ne suis pas juriste, mais j’ai déjà vu des procès renvoyés pour des pièces manquantes. Là, on relaxe, sans savoir si elles existent. » Étrange affaire, éteinte dans la pénombre d’un file égaré. Enfin, pas pour tout le monde. Ce dimanche, dans une lettre ouverte adressée à la ministre de l’Agriculture Annie Genevard et à l’inspecteur général de la santé publique vétérinaire Jean-Luc Angot, plus de cinquante vétérinaires dénoncent les « abus de pouvoir » des providers vétérinaires de la path départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la safety des populations des Landes (ex-DDCSPP).
En ligne de mire : le blocage du projet Big Cats, dédié à l’accueil de fauves de cirque, « pourtant conforme à toutes les exigences de sécurité et de bien-être animal », mais freiné par des « interprétations erronées des textes réglementaires » et des « avis d’specialists sans expérience des félins en captivité », ainsi que « le précédent du bloodbath des macaques de Labenne ».
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