Après Netflix qui recourt à l’IA, faut-il s’inquiéter pour le cinéma ? | EUROtoday

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Netflix a ouvert la boîte de Pandore. La plateforme de streaming américaine a admis, vendredi 18 juillet, avoir utilisé l’intelligence artificielle générative pour concevoir les effets spéciaux d’une scène de sa série argentine à succès L’Éternaute (celle de la imaginative and prescient d’un personnage d’un immeuble qui s’effondre, dans l’épisode 6). Difficile, voire inconceivable pour un néophyte de détecter la présence de l’IA générative. C’est la première fois que Ted Sarandos, le patron de la firme, fait une telle confession à ce sujet.

« Nous restons convaincus que l’IA représente une opportunité incroyable pour aider les créateurs à rendre les movies et les séries meilleurs, et pas seulement moins chers », a-t-il expliqué, à l’event d’une conférence de presse, arguant un rendu « dix fois plus rapide », et donc dix fois plus économique. Une nouvelle ère s’ouvre, où l’outil pourrait devenir une pièce centrale des méthodes de manufacturing, pour les créateurs d’effets spéciaux, mais aussi pour les acteurs ou les comédiens de doublage.

Cette évolution soulève des interrogations : quelles limites sera-t-elle succesful de repousser ? Quels freins subsistent ? Et surtout, quelles menaces de plagiat ou de dévalorisation du travail humain fait-elle peser ? Le secteur des VFX observe cette mutation avec curiosité, mais aussi inquiétude. Béatrice Bauwens est directrice VFX [acronyme pour effets visuels, NDLR] & Post [-production, NDLR] du studio MPC. Qui a travaillé sur de grosses productions, françaises comme américaines : Emilia Pérez, Mission Impossible : The Final Reckoning, Mufasa, Sous la Seine, The Boys

Elle est également coprésidente du syndicat France VFX, un syndicat professionnel dédié à l’industrie des effets visuels numériques, qui regroupe des studios français ainsi que des acteurs développant des applied sciences et des providers propres aux VFX. Elle ne connaît que trop bien toutes les questions que se pose le secteur. Mais, à rebrousse-poil du discours ambiant, l’IA générative est-elle, à ses yeux, plutôt une menace… ou une opportunité ?

Le Point : Dans quelle mesure l’intelligence artificielle est-elle déjà utilisée au cinéma ?

Béatrice Bauwens : Quand on dit qu’on n’utilise pas l’IA, c’est toujours très compliqué, parce qu’on s’en sert un peu sans forcément le savoir. Aujourd’hui, il y a des algorithmes qui utilisent de l’IA et qui sont déjà intégrés dans certains logiciels, notamment pour des retouches, des éléments sur les visages. C’est comme un menu d’un logiciel, c’est une nouvelle function qui permet de faire les choses soit plus vite, soit mieux.

Il n’y a pas d’utilization en particulier. Il y en a un peu partout et on ne le sait pas toujours. Sur les logiciels utilisés par les professionnels des effets visuels, il y a de toute façon une partie des algorithmes derrière qui font appel à l’IA. Ce n’est pas hier que c’est arrivé. La grosse disruption, dernièrement, c’est l’IA générative, qui fabrique une picture à partir de pixels de manière cohérente. Ça pose une query de vocabulaire, sur laquelle on a tous à apprendre : utiliser quel mot pour quel idea.

L’IA générative begin à être évoquée dans le secteur. Est-ce qu’on en parle avec crainte ou comme une opportunité ?

Je me place à la fois comme dirigeante de MPC, une société d’effets visuels, et comme coprésidente de France VFX. Sur le secteur VFX aujourd’hui, l’IA est vue comme une opportunité. C’est un nouvel outil à disposition des créatifs pour atteindre le however recherché, c’est-à-dire faire des trucages sur l’picture. C’est plutôt vu comme une évolution technologique, certes peut-être plus importante que celles qu’on a pu voir ces dernières années, dans un secteur où il y a eu énormément d’évolution depuis vingt, trente, quarante ans.

Les évolutions strategies nous permettent de générer des pixels photoréalistes qu’on peut marier avec une picture filmée pour faire croire que ça marche, un trucage. Ça demande aujourd’hui un sure nombre de strategies et d’étapes de travail qui n’ont cessé de s’améliorer depuis qu’on fait des pictures par ordinateur. On n’a pas les mêmes problématiques que sur des données comme la voix. C’est donc un secteur où c’est plutôt vu comme positif, avec plutôt une excitation qu’une crainte.

Le secteur des VFX est-il trop complexe pour que l’IA générative prenne la place des concepteurs d’effets visuels ?

C’est un métier trop complexe pour que ce soit aussi easy. Mais ce n’est pas seulement la complexité du métier qui entre en jeu. On est dans une industrie de prototype sur le cinéma. L’essence même des effets visuels numériques, c’est de venir modifier l’picture tournée pour y ajouter, modifier, ou générer une picture qui n’a pas été tournée par la caméra.

C’est un métier où on va chercher des options strategies à chaque fois, qui peuvent être très complexes comme très simples. Parfois, on va passer par un environnement complexe 3D où on a remodélisé chaque élément, qu’on va rendre à travers une caméra numérique. On va générer des pixels en recréant un espace physique avec des lois physiques au sein d’une scène, calculée par un ordinateur, pour donner une picture cohérente en termes de lumière avec l’picture tournée sur le plateau.

On mélange les pictures pour donner cette impression de belle intégration, avec des contraintes physiques : path de lumière, grain, imaginative and prescient artistique. Par exemple, on a fait les effets visuels de Emilia Pérez. Je ne pense pas que vous ayez cru un seul prompt que les pictures de l’ouverture, quand elles chantent dans la rue, étaient générées complètement par ordinateur. Si vous l’aviez vu, vous seriez peut-être sorti du movie en vous disant qu’il y a un truc weird. Le pari à relever, c’est d’être photoréaliste pour que personne ne se dise « ah oui, on voit bien que ce sont des trucages ».

Aujourd’hui, on maîtrise ces strategies. Pratiquement, peu de choses sont impossibles techniquement, c’est peut-être une impossibilité économique parfois. L’IA va venir rajouter un outil supplémentaire dans ces possibilités.

L’IA générative, par essence, est faite à partir d’pictures existantes. La problématique du photoréalisme n’en est donc pas une ?

Les pictures générées par IA sont généralement très photoréalistes. Elles atteignent un niveau qu’on a mis des années à acquérir dans le secteur des effets visuels numériques. Il y a un effet « wouah » assez fort sur le photoréalisme.

Mais il y a tout de même des limites…

La limite, c’est le contrôle pour servir l’œuvre, la path, l’histoire. Les VFX ne sont qu’un outil pour fabriquer un movie. Si on a quelque selected qu’on arrive moins à contrôler, ça devient problématique pour la cohérence avec le reste de l’œuvre. Notre métier n’a de sens que s’il s’intègre parfaitement à une picture dirigée, qui fait partie d’une imaginative and prescient.

La plus grande limite aujourd’hui, c’est ça : remark arriver à ce que ce que je vais générer soit en complet accord avec ce que j’avais à l’esprit, ce qui est plus facile quand c’est vous qui faites le processus de A à Z. Avec la génération d’pictures par ordinateur, on peut arriver à quelque selected qui se marie très bien.

Certes, c’est plus facile de générer un plan complet en IA que de venir modifier des éléments. Aujourd’hui, il y a des strategies qui marchent bien, comme sur le face substitute ou le rajeunissement, où on mélange de l’picture générée par IA avec des strategies de modification de visage. Ça, ça marche bien aujourd’hui, grâce à l’IA.

Pourtant, le rajeunissement des acteurs est parfois évoqué en mal, parce que le naturel d’un visage est difficile à reproduire. Est-ce que l’IA générative va permettre de franchir ces difficultés, et même d’autres ?

C’est un peu l’ingratitude de notre métier : quand on a bien fait notre travail, personne n’a vu qu’on l’a fait (rires). Je pense qu’il y a plein d’ouvertures que l’IA amène. Des choses qu’on n’aurait pas envisagées en termes de trucage vont peut-être être envisagées parce que ça coûtera moins cher. Ce n’est pas tellement « je fais ce que j’aurais fait avant et ça coûte moins cher », c’est plutôt « je n’aurais pas fait ça, et aujourd’hui j’ai peut-être les moyens de le faire ».

Ça apporte une answer qui n’aurait pas été doable avant. Par exemple, pour passer six mois à fabriquer un plan qui apparaît une seule fois dans le movie. C’est là où l’IA est plus easy. Générer un seul plan sans référence avec le reste, c’est un plan qui aurait été très coûteux dans le passé.

On travaille au service d’une œuvre. Ce n’est pas parce que c’est l’IA qui le fait que c’est forcément réussi, tout comme ce n’est pas parce que c’est fait de façon traditionnelle que c’est forcément réussi non plus. L’essence même des effets visuels numériques, c’est d’utiliser des moyens numériques pour modifier une picture et raconter une histoire.

Si on kind de l’histoire parce qu’on a vu quelque selected d’incohérent, on kind du movie. Le cinéma, c’est se jeter dans un univers, et si quelque selected cloche, on a perdu, on n’a pas bien fait notre boulot.

Si ça ne marche pas, il faut revenir aux méthodes traditionnelles ?

Oui, c’est la double peine. Si ça ne marche pas, il faut revenir vers les méthodes traditionnelles, qui coûtent la même selected qu’avant, à moins d’une modification des outils.

Une des craintes évoquées sur l’IA, c’est la query de la créativité. C’est une grosse base de données qui ne crée rien d’elle-même. Est-ce qu’on ne risque pas de limiter la créativité, de standardiser les effets visuels ?

Je ne pense pas. Peut-être qu’à un second, quand tout le monde tapera toujours la même selected, « l’homme qui marche dans la rue sous la pluie », ça sortira toujours la même picture. Mais c’est là le cercle vertueux : parce qu’une method est disponible, elle permet de raconter des histoires, et il y aura toujours quelqu’un pour sortir des sentiers battus.

Si la method de l’IA fait qu’on rentre dans une boucle non créative, on trouvera autre selected. Le cinéma a toujours fonctionné comme ça : des improvements strategies donnent des idées à des réalisateurs, qui poussent les limites, stimulent la method. L’IA n’est pas une fin en soi, c’est un outil. Le jour où elle ne permet plus de différenciation, est-ce que c’est encore pertinent de l’utiliser ? La créativité aura toujours besoin de différenciation, ne serait-ce que pour choisir quel movie regarder. Si tous les movies se ressemblent, c’est l’industrie dans sa globalité qui sera à remettre en trigger.

Les projections sont parfois alarmantes sur les suppressions d’emplois causées par l’IA. Votre secteur en pâtira-t-il également ?

Je pense qu’il y a des emplois qui vont se transformer. L’IA va venir s’hybrider avec les strategies qu’on a développées jusqu’à présent. Aujourd’hui arrivent des nouveaux sorts d’artistes, qu’on appelle des IA artists, qui n’ont pas forcément de formation en VFX à la base, qui sont spécialisés dans la génération d’pictures ou de vidéos. Clairement, ça génère des nouveaux profils qui n’existaient pas. Les emplois évoluent. Quelque selected qui est peut-être une tendance intéressante, c’est qu’avec l’avancée method, il y a une tendance sur le marché du VFX à la spécialisation.

Chaque artiste est spécialisé, par exemple, dans du modeling, dans de l’animation, dans du lighting, dans du compositing. Parce que chaque tâche demandait un degré d’experience qui nécessitait une spécialisation. Peut-être que demain, on partira plutôt vers une transformation des emplois vers quelque selected de plus généraliste, où la maîtrise d’une method particulière va peut-être être facilitée par l’IA. Sur l’facet transformation, je pense que ça va plutôt dans ce sens-là : des profils plus généralistes que spécialisés.

Et puis, on reste dans des métiers qui étaient déjà numériques. Il va y avoir très certainement une transformation, mais on ne half pas d’un métier traditionnellement manuel qui passe d’un seul coup à un métier numérique. Les passerelles sont déjà là, c’est l’utilization de l’ordinateur dans le contexte de travail. Cela reste quand même dans des domaines qui sont très proches.

Netflix a avoué avoir utilisé l’IA générative. Si elle se met à l’utiliser à plus grande échelle, est-ce que tout le secteur va suivre ?

Je ne sais pas si la query se pose en ces termes. Ce qui est sûr, c’est que c’est un sujet qui pose des problématiques juridiques. Je ne parle pas que du droit de la personne (même si les VFX ne sont pas tellement concernés), mais ça pose des contraintes là-dessus.

Dans les effets visuels, nous sommes au service des productions. Ce sont nos shoppers qui décident s’ils prennent ce risque ou pas, dans l’exploitation de leur œuvre. Il y a aussi des zones grises sur l’utilization de l’IA, des contraintes juridiques, parfois éthiques. On aura peut-être un jour des movies « sans IA » comme on a des produits « sans gluten » ou « respectueux de l’environnement ». Il y a une tendance à vouloir dire qu’il n’y a pas eu d’effets visuels dans un movie, alors qu’on sait qu’il y en a eu…

Je ne sais pas si Netflix a donné le ton ou pas. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui tout le monde regarde tout le monde. On est dans une industrie de prototype, on doit chercher des options pour chaque movie, et on a un nouvel outil dont on apprend l’utilisation. La peinture n’est pas sèche, donc communiquer sur le fait que l’IA générative a été utilisée, c’est prendre un risque.

Ce qui est évident, c’est que le secteur des effets visuels numériques est globalisé. La France travaille pour des productions américaines, d’autres pays aussi, donc on est sur un terrain mondial de compétitivité. Il faut qu’on soit clever pour rester compétitif, tout en valorisant les freins comme un gage d’éthique ou de responsabilité sociale. Ce qui se passe dans le monde donne le ton pour les autres pays.

Sur la régulation, qu’est-ce que le secteur souhaite pour l’avenir ?


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Le secteur ne veut pas déréguler, il veut protéger ce qu’il faut protéger : le droit d’auteur, le droit de la personne, des principes fondamentaux qui permettent de maintenir la créativité et la valeur. Il faut trouver la bonne stability entre rester compétitif mondialement et préserver ces principes. Et puis, il y a la query de la ressource. C’est un sujet qui ne se pose pas encore beaucoup, mais l’IA, comme toute method, va aussi avoir ses limites en termes de consommation de ressources.

Le cinéma a fait un énorme effort sur l’écologie, l’écoresponsabilité, l’écoconditionnalité des aides du CNC. Il y a eu de grandes avancées, mais on a peu de visibilité sur ce que consomme l’IA. Ça fait partie d’une problématique de compétitivité. Aujourd’hui, on a très peu de recul, mais c’est doable que ce soit un jour une limite, et il faut la signaler.


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