Réforme des retraites : début des débats annoncés comme houleux à l’Assemblée nationale

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Les échanges ont été houleux sur les bancs de l’Hémicycle dès la première prise de parole de Yaël Braun-Pivet. Le débat sur la réforme des retraites a été lancé, lundi 6 février, à l’Assemblée nationale pour deux semaines à haut risque, sous la pression des syndicats qui organisent deux nouvelles journées de mobilisation et des oppositions, à gauche et à l’extrême droite, fermement opposé au projet du gouvernement.

Le coup d’envoi des débats a été donnée à 16 heures pour cette bataille autour du report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ, réforme phare du second quinquennat d’Emmanuel Macron et son camp, qui ne disposent toutefois que d’une majorité relative dans l’Hémicycle.

Sur les bancs du gouvernement, le ministre du travail, Olivier Dussopt, fragilisé par des soupçons de « favoritisme » dans l’attribution d’un marché public lorsqu’il était maire d’Annonay, était entouré de ses collègues de Bercy pour défendre ce texte budgétaire. « Ce texte est nécessaire, juste, et je suis plus que jamais déterminé à le défendre », a déclaré le ministre dans Libération lundi, promettant d’être « en pleine forme » pour les débats.

A l’approche de deux journées d’action nationale, mardi 7 et samedi 11 février, à l’appel de l’intersyndicale, la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, a échangé lundi matin avec le président de la République, lors de leur réunion hebdomadaire. Dimanche, elle a encore rappelé que le recul de l’âge légal représentait « un effort collectif », se disant soucieuse d’« assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition ».

Mme Le Pen dénonce l’accord entre le gouvernement et LR

Dans une concession de dernière minute faite à la droite, elle a annoncé dimanche l’extension du dispositif des carrières longues aux personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans, qui pourront partir à la retraite à 63 ans.

Ce geste sera-t-il suffisant pour obtenir les voix des soixante-deux députés Les Républicains (LR) ? Rien n’est moins sûr. Pour Aurélien Pradié notamment, la réponse est non. Le député du Lot dénonce une « tromperie » et demande d’aller plus loin pour ceux ayant commencé à cotiser tôt. Mais au sein du groupe, sa position ne fait pas l’unanimité. Le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, lui a ainsi rétorqué lundi dans Le Figaro que les députés LR n’avaient pas « demandé de modifier les règles d’accès aux carrières longues ».

« Les enchères commencent à montrer les contradictions des LR », a estimé une source gouvernementale lundi, assurant à l’Agence France-Presse observer la « lassitude de certains LR » à l’égard d’Aurélien Pradié et du « côté terre brûlée » de quelques-uns de ses collègues.

La cheffe de file des députés d’extrême droite, Marine Le Pen, a elle raillé lundi une « négociation de marchands de tapis » entre le gouvernement et LR, au cours d’une conférence de presse donnée à l’Assemblée nationale. « Je suis convaincue qu’il y aura un nombre important de députés LR qui s’opposeront à cette réforme », « et je m’en réjouis », a ajouté la présidente du groupe Rassemblement national (NR).

Côté syndicats, l’effort de Mme Borne n’a pas non plus convaincu : c’est une « rustine » qui « n’est pas la réponse » attendue « à la mobilisation massive constatée », a dénoncé Laurent Berger, le patron de la CFDT.

Plus de 20 000 amendements à examiner en dix jours

Lundi, au Palais-Bourbon, les députés La France insoumise (LFI), quant à eux, défendront d’emblée une motion de rejet préalable de l’ensemble de la réforme, jugée par la gauche « brutale » et « injuste ». Le vote pourrait donner quelques sueurs froides au camp présidentiel.

Puis le groupe RN, également contre le report de l’âge légal de départ à 64 ans, portera sa demande de référendum sur la réforme, tirée au sort par la présidence de l’Assemblée à la défaveur de celle de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Ne pouvant compter sur le soutien des députés de gauche, refusant de voter de concert avec l’extrême droite, cette dernière a toutefois peu de chances d’être validée.

Les députés s’attelleront ensuite à l’examen des quelque 20 000 amendements déposés sur le projet de loi en séance, dont 13 000 par LFI. Mme Borne avait dit de son côté espérer « un vrai débat, projet contre projet » plutôt que des « caricatures ».

Mais ce flux d’amendements « permet de gérer un peu le tempo, accélérer, ralentir », au lieu de se laisser dicter le rythme, oppose l’« insoumis » François Ruffin, qui veut avec la Nupes pouvoir relayer dans l’Hémicycle « la vie des gens », « la France du réel ».

Si l’Assemblée ne vient pas à bout des amendements d’ici dix jours, le 17 février minuit, le texte passera au Sénat, du fait du choix de l’exécutif de recourir à un budget rectificatif de la Sécurité sociale (PLFSSR).

La limitation des débats par l’usage d’un projet de loi de budget est vivement critiquée par les oppositions, qui comptent néanmoins parvenir à discuter de l’article 7 consacré au report de l’âge de la retraite d’ici à la fin de la première lecture à l’Assemblée.

Les autres points chauds du texte se concentrent autour de la situation des femmes, qui pourraient être perdantes avec le recul de l’âge de départ, la pénibilité ou encore l’emploi des seniors.

Déjà deux journées de grève et de manifestations, les 19 et 31 janvier, ont réuni chaque fois plus d’un million de manifestants, selon la police, plus de deux millions, selon les organisateurs. « On compte sur le fait qu’il y ait des mobilisations pour que les élus de la République prennent en compte l’avis des citoyens », a déclaré lundi sur France 2 le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

Le Monde avec AFP