Black bloc dans « Le Monde », anatomie d’un activisme radical

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Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, une banderole de black blocs, à Nantes, le 15 mars 2023.

Dans l’importante mobilisation contre la réforme des retraites en France, imposée par le gouvernement d’Elisabeth Borne par l’utilisation de l’article 49.3, les débordements du mouvement sont attribués à un certain « black bloc ». Soit un terme générique, souvent mal défini mais utilisé quasiment systématiquement lors des manifestations. Il désigne les méthodes de militants d’ultragauche situés en tête de cortège, vêtus de noir et équipés pour affronter les forces de l’ordre. Dans de rares articles, il sert de raccourci pour évoquer les manifestants eux-mêmes, entretenant le flou sur sa définition exacte.

La première fois que Le Monde utilise le concept, le 23 avril 2001, à l’occasion de manifestations antimondialisation à Québec, au Canada, pendant le Sommet des Amériques, le journaliste Patrice de Beer l’écrit avec des majuscules. L’envoyé spécial cite la police montée canadienne qui affirme que ces « “provocateurs” » font partie d’un groupe « d’anarchistes américains ». Réaction du président américain de l’époque, George W. Bush : « “D’après ce que je comprends, il y a des gens qui n’aiment pas le commerce. Je suis complètement en désaccord avec eux.” »

En juillet 2001, le black bloc passe à la postérité à Gênes, en Italie, lors du G8, à la suite des violences policières qui ont fait des centaines de blessés et un mort, Carlo Giuliani, membre de ces « groupes autonomes » et « violents » qui secouent et perturbent le mouvement antimondialisation, rapporte le quotidien le 27 juillet 2001.

Pour analyser cette façon de protester dans l’espace public, Le Monde regarde du côté de San Francisco, « la désobéissante », où le mouvement antiguerre, organisé contre l’invasion de l’Irak, ouvre de nouvelles réflexions sur la désobéissance civile. « Le visage masqué par un foulard, ­souvent casqués, parfois armés de barres de fer et de frondes, les militants du Black Bloc, qui se définissent les uns comme anarchistes, les autres comme communistes, voient dans la “destruction de biens privés” un mode d’­expression légitime », résume Patrick Jarreau dans les pages « Horizons » du ­journal daté du 9 avril 2003.

« Casseurs », « voyous », « chômeurs », « précaires », « étudiants » ?

En France, ce type de manifestation n’est évoqué que fin 2009, après les déclarations du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux sur la dissolution de groupes d’ultragauche. Passé dans le langage courant, le mot black bloc est désormais écrit en lettres minuscules. Dans leur enquête publiée le 9 novembre 2009, Caroline Monnot et Isabelle Mandraud détaillent ce qu’un manifestant appelle « la stratégie de la disparition » : habits noirs, masque, cagoule, gants pour empêcher les empreintes ADN et vêtements de rechange pour « s’évanouir dans la nature ».

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