A gauche, le problème Mélenchon

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L’heure du bilan n’a pas officiellement sonné mais l’examen de conscience s’impose. Un an après sa création, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) n’a pas été capable de capitaliser sur la réunification des gauches entamée par Jean-Luc Mélenchon ni sur le mouvement social qui marque la première année du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron. Au contraire de l’intersyndicale, qui a su canaliser de bout en bout la contestation contre la réforme des retraites en gardant constamment l’opinion publique de son côté, la gauche parlementaire a donné le spectacle de l’impuissance et surtout de l’outrance, servant involontairement les intérêts de Marine Le Pen, prompte à se positionner en garante de l’ordre face au désordre de la rue et au chahut dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

La trop forte soumission de la gauche au groupe dominant, La France insoumise (LFI), et le rôle personnel qu’y joue Jean-Luc Mélenchon sont en jeu. Trois fois candidat à l’élection présidentielle mais jamais qualifié pour le second tour, l’ancien trotskiste a gagné dans le paysage politique français une place particulière. Il est devenu l’homme capable de porter haut les couleurs de la gauche mais pas celui qui peut lui garantir de franchir un jour les portes du pouvoir. Le long marathon qu’il a couru après sa rupture avec le Parti socialiste, en 2008, lui a permis de gagner ses galons de leader en flattant, par son verbe, l’aspiration au changement d’une gauche qui, en plein réchauffement climatique, rêve de révolution.

A chaque fois qu’on l’a cru en difficulté, il a su rebondir, à l’image de son mentor François Mitterrand, dont il ne cesse d’invoquer le nom pour mieux fustiger « la trahison » de ceux qui ont prétendu lui succéder. Cette fois, pourtant, son aura est atteinte car s’il devient, par ses excès, l’un de ceux qui fournissent du carburant à la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, c’est la gauche tout entière qui se trouvera embarquée dans le naufrage.

Luttes de positionnement et de pouvoir

Le comportement de Jean-Luc Mélenchon dans le conflit des retraites interpelle d’autant plus qu’aucune de ses prédictions ne s’est réalisée : les jeunes ne sont pas descendus massivement dans la rue ; la VRépublique n’a pas été mise à bas ; les appels à « l’insurrection » n’ont rien donné de probant. Si la colère des Français est incontestable, elle n’entraîne pas, pour le moment, l’effondrement du bloc central sur lequel table l’« insoumis » pour aboutir à une confrontation directe avec Marine Le Pen dont il espère sortir gagnant. Au contraire : plus il se radicalise, plus elle s’affirme.

Le malaise est perceptible au sein même de La France insoumise où le chef, au fil des mois, a perdu de son aura. D’abord, il n’est plus député. Ensuite, il n’agrège plus, donnant au contraire l’impression de se replier sur une garde rapprochée face à de potentiels concurrents. François Ruffin en est à l’évidence devenu l’un des plus sérieux. Fort de son vécu, le député de la Somme rêve de reconstruire une gauche sociale capable de rassembler de LFI jusqu’au centre.

Toute l’histoire de la gauche a été marquée par des luttes de positionnement et de pouvoir. Celle qui se profile se déroule cependant dans un contexte particulier : la poussée de l’extrême droite. Pour espérer la contrer, la gauche doit rester unie. Pour espérer rester unie, elle doit trouver les moyens de faire vivre et travailler ensemble toutes ses sensibilités. Jusqu’à présent, Jean-Luc Mélenchon a été un farouche adversaire du pluralisme, qu’il associe à l’inefficacité et à la dilution. Aujourd’hui, il doit lâcher du mou sauf à apparaître comme le fossoyeur de ce qu’il a réussi à construire.

Le Monde