Le Sénat a fait un pas sans précédent vers l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, mercredi 1er février. Les élus du Palais du Luxembourg ont voté à 166 voix pour contre 152 une proposition de loi constitutionnelle visant non pas à inscrire un « droit à l’IVG » – principe notamment défendu par les associations féministes et adopté à l’Assemblée nationale le 24 novembre 2022 par une large majorité – mais « la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse » insérée à l’article 34 de la Constitution. « Un pas vers le compromis » avec l’Assemblée, a salué le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti.
Cette proposition a été adoptée par le biais d’un amendement du sénateur de la Manche Philippe Bas (Les Républicains, LR) : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. » « Il n’y a pas de droit absolu, il y a une liberté déjà reconnue et que nous pouvons écrire dans la Constitution, a justifié Philippe Bas en référence à la loi Veil de 1975 sur l’IVG, mais à la condition qu’il y ait une conciliation entre les droits de la femme enceinte de mettre fin à sa grossesse et la protection de l’enfant à naître après un certain délai. »
A droite, cette démarche solitaire d’amender ce texte a suscité une forme d’incompréhension et même une opposition farouche de certains de ses collègues, à commencer par le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau. « Je ne vois strictement aucune raison de modifier le vote que nous avons déjà émis à l’automne dernier, avait prévenu l’élu vendéen en séance. La Constitution française de la Ve République n’est pas faite pour adresser des messages symboliques au monde entier. » En octobre 2022, la droite sénatoriale avait fait échouer sur le même sujet une proposition de loi constitutionnelle de la sénatrice écologiste Mélanie Vogel.
Une nouvelle fois, une double confrontation – juridique et politique – s’est déroulée entre opposants et soutiens à la constitutionnalisation de l’IVG, parfois au sein même de la majorité sénatoriale, et ce jusqu’au vote in extremis de l’amendement de M. Bas, ancien collaborateur de Simone Veil. « L’inscription de cet amendement à cet endroit-là ne changera rien », a argué le président de la commission des lois, François-Noël Buffet (LR, Rhône). « Arrêtons de nous faire peur pour des choses qui n’existent pas aujourd’hui. Rien n’est menacé et il ne sert à rien de faire entrer dans la loi fondamentale une liberté qui n’a rien à y faire », a renchéri la sénatrice Muriel Jourda (LR, Morbihan).
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